Malgré Cofidis, Groupama, FDJ, AG2R, Arkéa Samsic, B&B Hotels, Vital concept, Nippo, Delko One Provence, Total, Direct Energie… Les entreprises françaises sont si rares dans le peloton que lorsqu’une d’entre elles, Citroën, y entre par la grande porte, ça mérite qu’on s’attarde un peu pour savoir pourquoi ces entreprises misent sur un sport où les recettes sont pourtant si maigres…
Une image à réinventer… ou à préserver
La dimension populaire d’un sport grand public et gratuit a longtemps été la force du cyclisme, l’image que venaient chercher les entreprises soucieuses de proximité et de contact direct avec des champions accessibles.
Mais, avec les scandales liés au dopage des années 80 et 90, le cyclisme peut-il encore prétendre représenter la même authenticité, la même image virginale qu’avaient les coureurs dans les années 50 et 60, les forçats de la route qui suscitaient l’admiration de tous ?
Pour Vincent Candalle, directeur général Europe de B&B Hotels, sponsor principal de la formation bretonne dirigée par Jérôme Pineau, « le vélo n’est pas le seul sport touché par le dopage. Il est par contre le plus transparent de tous, le plus contrôlé, avec des équipes françaises qui s’engagent fortement pour lutter contre ce fléau. Le risque zéro n’existe pas et personne n’est à l’abri d’une erreur individuelle, mais lorsque nous cherchions à investir dans le sport, il est vite devenu évident que les valeurs du cyclisme, celles de l’équipe de Jérôme (Pineau), étaient très proches de notre côté entrepreneurial : nous ne sommes pas les plus gros, mais on essaie d’être plus malin ! »
PSA avec AG2R : « Le vélo est un sport de plus en plus pratiqué, encore davantage en raison de la crise de la covid-19 »
Dans un autre domaine, trente ans après sa première incursion dans le cyclisme, Citroën revient en 2021 mu par d’autres motivations, plus proches d’un contexte sociétal en pleine transition.
« Pour un constructeur auto, les enjeux de transport durable et de valeur de marque sont de plus en plus pressants, précisait Vincent Cobée, directeur de la marque PSA, au moment d’officialiser son partenariat avec AG2R. Réduction des émissions, intégration dans l’environnement, avec l’électrification de notre gamme, sont devenus des enjeux majeurs.
La société qui nous entoure évolue vers une conscience de l’environnement plus élevée. Or, le vélo est un sport de plus en plus pratiqué, encore davantage en raison de la crise de la Covid-19, et qui s’inscrit dans la continuité du déplacement. »
La marque au chevron n’oublie tout de même pas de s’appuyer sur la popularité du cyclisme, des valeurs que souhaite véhiculer aussi Citroën. « Nos valeurs; popularité, culture du mérite et performance s’associent très bien au vélo… et à ce que représente AG2R La Mondiale depuis une trentaine d’années », poursuit Vincent Cobée.
Des objectifs multiples pour AG2R et les entreprises
Qu’il s’agisse de renforcer une marque, ou de la faire découvrir, le schéma envisagé par les entreprises françaises passe invariablement par le Tour de France. A peine intronisé, Citroën avait déjà son plan de communication validé pour une exposition maximum cet été. « Ce partenariat est une vitrine extraordinaire pour montrer nos nouveaux véhicules, s’enthousiasme le directeur PSA. C’est une opportunité fabuleuse » qui illustre l’importance d’une Grande Boucle qui va s’élancer de Brest en 2021, au pied du siège de B&B Hotels, le sponsor principal de la formation de Jérôme Pineau qui attendait une invitation.
« Peu de sports vous permettent d’être ainsi associé directement avec le naming »
« Le Tour est l’un des plus grands événements sportifs au monde. Et il va partir devant chez nous, se réjouit le directeur général Europe de la chaîne hôtelière française. En terme de visibilité, c’est sans commune mesure avec le foot ou la voile, deux autres sports dans lesquels nous sommes. »
Ancien sponsor maillot du FC Lorient, co-sponsor d’un trimaran multi 50, c’est la possibilité du naming qui a poussé B&B Hotels à se lancer aussi dans le cyclisme il y a deux ans et demi. « Peu de sports vous permettent d’être ainsi associé directement grâce au naming. Et le vélo est très présent en Europe, notre principal terrain d’action.
Cette visibilité associée au projet sportif et humain de Jérôme Pineau nous a poussés à nous lancer ». Avec la fierté de participer à l’élaboration d’une formation à forte identité régionale. Mais avec de notoriété internationale à travers des compétitions et des épreuves qui transcendent les frontières quand B&B Hotels n’était visible qu’en France lorsqu’il était sur les maillots du FC Lorient.
C’est aussi la visibilité, importante, d’un spectacle gratuit et très médiatisé qui a poussé AG2R La Mondiale à quitter la voile pour mieux rester dans le cyclisme. « Il répond pleinement à nos objectifs de notoriété et de visibilité sur l’axe prévention-santé par l’activité physique » précise Béatrice Willems, directrice de la communication d’AG2R La Mondiale.
Des investissements plus raisonnables
Pour 6 M€ annuels d’investissement sur cinq ans (le prix du transfert d’un joueur de L2 de foot !), le groupe PSA s’est engagé dans le sponsoring d’AG2R La Mondiale pour transformer l’équipe de Vincent Lavenu qui est devenue depuis le 1er janvier AG2R Citroën Team. Cet apport permet à la formation française d’augmenter son budget de 15 à 23 M€ et d’entrer de la sorte dans le top 5 mondial.
Si Cofidis ne souhaite pas communiquer le montant de son apport financier, les 13 M€ prévisionnels du budget de la formation de Cédric Vasseur posent les investissements nécessaires dans le cyclisme à des années lumières de ce qui est nécessaire dans le football, et même dans le rugby, où les sponsors sont plus nombreux et donc moins visibles, pour prétendre atteindre le haut niveau international.
« Nous avons fait des études en 2020 pour connaître le gain de notoriété de B&B Hotels depuis 2018, précise Vincent Cadalle. Et elles sont excellentes, sans commune mesure avec le foot ou la voile. »
AG2R La Mondiale quitte la voile… Mais pas le vélo
A titre de comparaison, pour un coût estimé de 700 000 euros, les retombées médias de la Transat qu’AG2R La Mondiale sponsorisait jusqu’en 2020 s’élevaient à moins de 10 M€ (équivalent en espaces publicitaires)… dix fois moins que ce que génère le cyclisme !
Si, plus de trente ans après avoir mis un pied dans le peloton, à travers un partenariat avec La Vie Claire de Bernard Hinault. Et après avoir été dans le football avec le PSG, dans le surf et, évidemment, dans le sport auto et le rallye. Avec huit titres de champion du monde WRC des constructeurs et les neuf titres individuels de Sébastien Loeb.
Le constructeur français a choisi pour les cinq prochaines années le cyclisme comme axe principal de communication, c’est qu’il estime que c’est dans le cyclisme, et nulle part ailleurs, qu’il peut transcender son image et avoir le meilleur retour sur investissement.
À se demander pourquoi il ne suscite pas davantage de vocations, pourquoi si peu de grandes entreprises françaises ne lui emboitent pas le pas. La réponse, c’est peut-être Thierry Vittu, le président de Cofidis Compétition qui l’a (voir l’interview ci-contre) : « Parce que le modèle économique du cyclisme est très particulier… sans aucune recette financière et des investissements qui tiennent plus du mécénat que du sponsoring… »