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Combien gagne un arbitre de football amateur en France ?

Moins de 60 euros par match, des frais à charge et parfois des violences : la réalité peu connue des arbitres amateurs en France.

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Alors que les projecteurs du football professionnel éclairent des salaires à six chiffres, des milliers d’arbitres amateurs assurent chaque semaine le bon déroulement des compétitions, loin des stades pleins et des caméras. Leur rôle est pourtant indispensable. Combien sont-ils rémunérés pour tenir le sifflet sur les terrains de district, sous la pluie ou dans l’anonymat des matchs de jeunes ? Enquête sur un maillon discret mais essentiel du football français.

Des indemnités de match très variables selon le niveau

Contrairement aux arbitres professionnels de Ligue 1, qui perçoivent un salaire mensuel fixe de 7 239 euros bruts complété par 3 375 euros par match, les arbitres amateurs ne bénéficient que d’indemnités ponctuelles par rencontre. Ces montants varient selon le niveau de la compétition et la région.

Au niveau départemental, un arbitre central peut toucher entre 30 et 58 euros par match. En Seine-Maritime, la rémunération atteint 58 euros pour un match senior départemental, tandis qu’un arbitre assistant reçoit 51 euros. Dans le Gers, les montants sont plus modestes : entre 36 et 42 euros selon la division. Au niveau régional, les indemnités peuvent atteindre 48 euros, comme dans les Hautes-Pyrénées. Ailleurs, comme en Bourgogne-Franche-Comté, elles stagnent entre 33 et 35 euros. Pour les catégories jeunes, les montants sont encore plus faibles, entre 20 et 28 euros pour les matchs U13 à U18.

Les frais de déplacement, un complément indispensable

À ces indemnités s’ajoutent les frais kilométriques, qui constituent une part non négligeable de la rémunération globale. Le barème appliqué est de 0,446 euro par kilomètre, aller-retour, dès lors qu’un certain seuil est dépassé.

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Dans la ligue du Grand-Est, par exemple, l’indemnité minimum de déplacement est de 28 euros pour les trajets inférieurs à 62 kilomètres. Au-delà, l’arbitre touche en plus une indemnité proportionnelle à la distance supplémentaire. Un déplacement de 100 kilomètres donne droit à environ 45 euros de remboursement.

Des majorations existent également selon les conditions du match. Une rencontre en semaine (hors jours fériés) donne droit à un supplément compris entre 19 et 24 euros selon les régions. Les matchs débutant après 18 heures ouvrent droit à une prime de 24 euros.

Un revenu annuel modeste pour un engagement régulier

En cumulant indemnité de match et remboursement de déplacement, un arbitre départemental peut espérer percevoir entre 50 et 70 euros par match. Sur une saison de 25 à 30 rencontres, cela représente un revenu brut compris entre 1 250 et 2 100 euros.

Pour les arbitres plus investis, qui enchaînent les matchs au niveau régional, les revenus peuvent être légèrement plus élevés, mais restent très éloignés des standards professionnels. À titre de comparaison, un arbitre de Ligue 2 gagne 1 764 euros par match, en plus d’une indemnité mensuelle de 2 106 euros. En Ligue 1, la rémunération atteint jusqu’à 10 614 euros par mois en comptant les primes.

Un statut fiscal spécifique et une exonération partielle

Le statut des arbitres amateurs a été clarifié par la loi du 23 octobre 2006. Il reconnaît les arbitres comme des professionnels indépendants exerçant une mission de service public. Ce cadre leur accorde une exonération fiscale et sociale tant que leurs revenus restent inférieurs à 14,5 % du plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 6 723,36 euros pour 2024.

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En dessous de ce seuil, les indemnités sont exemptées d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales. Au-delà, les revenus doivent être déclarés dans la catégorie des Bénéfices Non Commerciaux (BNC). La fédération devient alors redevable des cotisations, déduction faite des frais professionnels. Selon le ministère des Sports, seuls 250 arbitres tous sports confondus dépassent ce seuil chaque année.

Des coûts réels souvent supérieurs aux indemnités

L’indemnité perçue ne couvre pas toujours l’ensemble des frais réels engagés. L’arbitre amateur doit financer son équipement (tenue, sifflet, montre spécifique, chaussures), entretenir son véhicule, et consacrer du temps aux déplacements, parfois longs, et aux tâches administratives.

« Si tu enlèves le carburant, il ne reste pas grand-chose », confie un arbitre de district. Pour certains, l’activité devient déficitaire à moyen terme. Pourtant, la motivation demeure forte, portée par la passion du jeu et le sentiment d’utilité.

Des violences régulières sur les terrains amateurs

La rémunération ne reflète pas les difficultés spécifiques du rôle. Depuis plusieurs saisons, les violences verbales et physiques contre les arbitres amateurs sont en hausse. Lors de la saison 2024-2025, près de 4 000 incidents ont été signalés, dont 85 % sont des agressions verbales (insultes, menaces). Les cas de violences physiques restent rares mais marquants : 245 en 2023-2024 selon la FFF.

Certains faits divers récents ont mis en lumière la gravité de la situation. Le 8 décembre 2024, à Paris, l’arbitre Samir Belaïd a été agressé physiquement après avoir refusé un penalty en match U18. En février 2025, Cyril Moutard a été frappé par un joueur en Côte-d’Or, entraînant une suspension record de 20 ans pour l’agresseur. Ces faits, loin d’être isolés, alimentent une lassitude généralisée chez les arbitres.

Une formation courte mais encadrée dès l’adolescence

Pour devenir arbitre, il faut suivre une formation initiale de 24 heures en présentiel, complétée par quatre heures de modules en ligne. Elle est accessible dès l’âge de 13 ans. Le programme aborde les règles, la gestion d’un match, l’autorité, le placement, et le hors-jeu.

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L’examen final comprend une épreuve théorique notée sur 30 points (seuil requis : 15) et une évaluation pratique. Le coût de la formation varie entre 30 et 90 euros, selon les régions. Des aides locales et un système de parrainage peuvent alléger cette charge.

La progression se fait par niveaux : district (D1 à D3), régional (R3 à R1), fédéral (F4 à F1), puis professionnel. L’évolution dépend des performances, évaluées tout au long de la saison.

Les efforts de la FFF pour relancer l’engagement

Face à la crise du recrutement, la Fédération Française de Football a lancé plusieurs campagnes. Depuis 2020, « Moi aussi je peux arbitrer » encourage les licenciés à se former, y compris en cumulant deux licences (joueur et arbitre). Aujourd’hui, 94 % des arbitres ont été ou sont encore joueurs.

Les Journées Nationales de l’Arbitrage connaissent un succès croissant. En 2025, elles ont mobilisé 8 664 arbitres, soit presque le double de l’année précédente. Par ailleurs, certaines ligues régionales ont créé des postes de « chargés de développement et de promotion en arbitrage », chargés d’organiser des sessions de découverte dans les clubs.

Des initiatives locales émergent aussi. Dans la Sarthe, le club de Solesmes propose une aide au permis de conduire en échange d’un engagement arbitral. D’autres clubs publient des annonces sur Leboncoin pour recruter des arbitres de touche en urgence.

Des écarts marqués avec les grandes nations du football

Même au plus haut niveau, les arbitres français restent moins bien rémunérés que leurs homologues européens. En Espagne, un arbitre de Liga perçoit 264 504 euros par an, dont un salaire fixe de 167 000 euros. En Allemagne, la Bundesliga propose des primes de match à 5 800 euros. En France, un arbitre de Ligue 1 atteint environ 160 000 euros par an, loin derrière ses voisins.

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Au niveau amateur, la Suisse a annoncé une augmentation de 20 % des indemnités dès la saison 2024-2025, après 25 ans de stagnation. En France, une telle mesure n’est pas encore à l’ordre du jour, malgré une timide reprise du nombre d’arbitres après une chute alarmante depuis 2016.



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