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La coureuse française de 25 ans, était la leader de l’équipe FDJ-Suez sur les grands tours la saison dernière, avec une belle 4ème place sur le Tour de France à la clé. Aujourd’hui, elle est rejointe par Demi Vollering, vainqueur du Tour de France en 2023, et Juliette Labous, championne de France et qui a déjà fini deux fois dans le top 5 de la grande boucle. Cette année, elle sera plus dans un rôle d’équipière ce qui n’est pas forcément pour lui déplaire.
Il y a quelques années vous pensiez arriver à ce niveau là ?
Clairement non, quand j’étais petite, je ne m’imaginais pas être cycliste professionnelle parce que ça n’existait pas chez les filles et après je ne m’imaginais pas pouvoir en vivre. Maintenant de faire le tour de France, gagner des courses, voyager dans le monde entier et vivre de ma passion, c’est fou. Au final, c’est mon métier mais je ne me rends pas vraiment compte, pour moi c’est une chance de pouvoir faire du vélo.
Pour cette équipe à trois têtes, ça va s’organiser comment ?
Ça ne peut être qu’une bonne chose d’être plusieurs sur les fins de course et de pouvoir attaquer, aller de l’avant et surtout penser que si je suis devant, derrière, j’ai Demi Vollering, donc on est pratiquement sûr de gagner. On a plus de liberté et moins de pression sur les épaules donc ça pourra faire de belles choses.
« Française dans une équipe française, il y avait énormément de pression »
Du coup ça te fait du bien que tout ne repose pas sur tes épaules ?
À lireJonas Vingegaard a rendez-vous sur le Mont VentouxD’un côté oui, c’est vrai que l’année dernière au final je me suis retrouvée à avoir le leadership toute l’année et ça n’avait jamais été le cas auparavant, je le demandais de plus en plus mais c’est vrai qu’au final, toute une année c’est énormément de pression, surtout sur le tour de France. Je m’en étais peut-être un peu trop mise à moi-même au final après la Vuelta.
En tant que Française, dans une équipe française, il y avait aussi énormément de pression, mais je pense que ce n’est pas plus mal d’en avoir un petit peu moins et de pouvoir courir plus libérée et pouvoir être plus attaquante. L’année dernière j’étais un peu dans un entre-deux. Je jouais le général mais je voulais aussi essayer de lever les bras, parce que pour moi c’est vraiment la meilleure sensation. Cette année, il y aura moins de question qui vont se poser, l’objectif va vraiment être d’aller chercher ce maillot jaune pour Demi. Pour ça il faudra courir stratégiquement et jouer sur notre force collective.
Ne pas gagner le Tour de France, ce serait un échec pour la saison ? C’est le gros objectif ou il y en a d’autres ?
Ça dépend de pourquoi on ne gagne pas. Si on a tout donné, qu’on n’a pas fait d’erreur et qu’on s’est fait battre par plus fort, je pense qu’il n’y a pas de regrets à avoir mais c’est sûr qu’après, si on a fait des erreurs alors qu’on aurait plus réussi à ramener le maillot jaune, il y aura des regrets. Quand on a Demi Vollering qui a déjà gagné le tour et terminé sur le podium, on vient forcément avec de grandes ambitions. Après il y a plein d’autres courses à gagner donc il n’y a pas que le Tour de France dans la saison. Il y a toutes les classiques, et énormément d’objectifs, on a des courses importantes ciblées par l’équipe et même certaines des petites courses, car maintenant il n’y a plus de petites courses. Ce sont toutes des occasions de prendre des automatismes et de lever les bras, c’est toujours quelque chose d’important.
Ça fait 7 ans que vous êtes dans l’équipe, qu’est-ce qui a le plus évolué ?
À lireDans 8 jours Paris-Roubaix, la course crainte, détestée, fantasmée…Tout ! Quand je suis arrivée, personne n’était payé, que ce soit les coureuses ou le staff. On avait juste un campeur (vélo de randonnée avec bagages, Ndlr) entre guillemets et maintenant tout le monde est payé, on a un nombre fou de staff et tout a été amélioré, que ce soit au niveau de la performance, de la nutrition, de la mécanique. On a également de meilleurs sponsors qui sont arrivés, on est mis dans les meilleures conditions possibles donc on n’a plus d’excuses. On sera obligé de bien faire cette année, mais c’est vraiment une bonne excitation d’avoir beaucoup de renouveau au niveau du collectif et des sponsors.
« Je savoure le fait d’être payée pour faire du vélo »
Vous avez conscience d’être de la génération qui a assisté à la révolution du cyclisme féminin ?
Oui je le vois vraiment, et c’est une bonne chose de l’avoir vécu parce que du coup je savoure encore plus le fait d’être payée pour faire du vélo, et que ça soit mon métier alors que c’est une passion avant tout. Je peux dire que c’est mon métier et ça a changé aussi énormément de choses de pouvoir dire que ça.
Quand j’ai dû arrêter mes études, je me demandais si c’était une erreur. Finalement non, maintenant je suis payée et je fais ça à 100%, et j’essaye d’aller chercher des résultats. Dans les nouvelles générations, en arrivant professionnelle on veut être connue et avoir un bon salaire, mais c’est aussi bien de constater que c’est déjà très bien ce qu’on a. Les primes sur les courses ont évolué, il y a de plus en plus de courses et on peut en vivre largement convenablement. Bien sûr, par rapport aux garçons il y a toujours des petits points à améliorer, mais c’est déjà fou le chemin qui a été parcouru.
L’équipe a déjà deux victoires cette saison, vous êtes 4ème équipe au classement WorldTour, vous pouvez être la première équipe du monde devant la SD Worx ou d’autres équipes ?
Je ne sais pas si c’est vraiment l’objectif d’être la première équipe. Nous, l’objectif, ça va être de gagner des courses et surtout le Tour de France. Après il y a pas mal de leaders qui se sont dispatchés, donc ça va être compliqué.
À lire30 secteurs pavés sur 259 km de course, bienvenue dans l’enfer de Paris-RoubaixBeaucoup de gens nous attendent avec le recrutement à XXL et surtout Demi qui est arrivée cet hiver, mais il y aura énormément d’autres équipes qui seront très fortes et je pense qu’il y aura beaucoup de suspense pendant les courses cette année.
Est-ce que ça veut dire qu’à l’époque quand vous disiez je suis cycliste, on vous regardait un petit peu de haut et maintenant on vous envie ?
Évidemment, surtout que maintenant on peut dire qu’on fait le Tour de France et quand je dit que j’ai fait 4ème et première française, les gens sont impressionnés et ont des étoiles dans les yeux. Avant, ils connaissaient le Tour chez les hommes, mais du coup c’était toujours compliqué d’expliquer et ils se rendaient pas trop compte qu’on pouvait être cycliste professionnelle chez les femmes.
On me pose encore des fois la question, « ça consiste en quoi d’être cycliste professionnel ? » Et je réponds, c’est essayer de gagner des courses et je m’entraîne tous les jours, je vais rouler 6h des fois. Ils sont toujours impressionnés. C’est une chance de pouvoir vivre de sa passion, et c’est pour ça aussi que j’en profite à fond, je me donne tout et avec de nouveaux objectifs chaque année.
« Je sais qu’elle (Demi Vollering) aura besoin de moi en montagne »
Vous êtes la plus ancienne de l’équipe du coup ?
Non, c’est Eugénie Duval la plus ancienne de l’équipe, mais après je suis la deuxième. C’est vrai que le temps passe vite, je me considère encore dans les jeunes, j’ai l’impression que mes années d’espoir ne sont pas si loin. Mais les années passent et c’est vrai que j’ai encore pas mal d’années devant moi. Je vais bientôt atteindre le meilleur niveau que je pourrais avoir dans ma carrière, donc j’ai pas envie de louper des occasions.
Vous avez un nouveau vélo, avec des tests en soufflerie qui ont été organisés. Là aussi c’est de la nouvelle professionnalisation. Qu’est-ce que ça change le changement de vélo ?
À lireDans 15 jour le Giro : quelle sortie pour Romain Bardet ?Quand c’est un bon changement de vélo, c’est quelque chose de fou. J’ai surtout hâte de voir ce que ça va donner en course, parce qu’on ressent qu’il est bien, mais on aura plus d’indications en course quand on comparera les données avec nos concurrentes sur des autres vélos. C’est beaucoup plus professionnel, c’est une expérience de fou d’aller en Californie de pouvoir travailler avec une soufflerie, visiter tous les locaux de Specialized, c’est vraiment une autre dimension, c’est incroyable de se dire qu’on a le meilleur vélo au monde.
Qu’est-ce qui t’a le plus impressionné chez Demi Vollering depuis que tu la connais ?
Je dirais son professionnalisme, elle est vraiment très sérieuse, calme et posée. En plus, elle sait parfaitement ce qu’elle veut.
Ça t’apportera quoi de côtoyer une des meilleures cyclistes du monde cette saison ?
J’ai forcément envie de progresser et d’apprendre de sa manière de courir, de s’entraîner, et de récupérer. J’ai été pas mal de fois avec elle en chambre et c’est bien puisqu’on a les meilleurs horaires pour se coucher, pour se lever et pas mal de petites routines. C’est vraiment intéressant de voir comment les autres travaillent, dans d’autres pays on n’a pas forcément les mêmes cultures et la même façon de voir les choses.
À lireTour de France Femmes : Squiban exceptionnel, au tour de Ferrand-PrévotQu’est-ce que vous lui avez fait découvrir et qu’est-ce qu’elle vous a fait découvrir ? En musique, en nourriture, …
En musique ? J’ai jamais écouté de musique hollandaise. Pour l’instant, c’est toujours la nutritionniste qui nous fait à manger, mais après on apprend surtout des jeux. On lui fait découvrir des jeux, pour apprendre un peu des mots français comme le codename, et après elles nous ont aussi fait découvrir des jeux en hollandais.
Elle vous a donné la recette pour gagner le Tour ?
Bah on verra, mais de toute façon c’est plutôt elle qui a prévu de gagner le tour donc normalement on l’a, la recette.
Vous n’êtes pas déçue de ne pas jouer votre carte sur le Tour de France ?
À lireBernard Thévenet : « Bientôt une équipe chinoise sur le Tour de France ? »Non. Ce que j’aime le plus c’est vraiment la sensation de lever les bras, ce qui pourra quand même être le cas. Je sais qu’elle aura besoin de moi en haute montagne et c’est là où j’aurai le plus à apporter, mais si j’ai une carte à l’avant j’aurais de la liberté. Car si je suis devant, les filles n’auront pas à travailler derrière et ça peut mettre une pression sur nos adversaires.
C’est la seule étape de grands tours qui me manque donc ça pourrait être aussi une bonne chose. Et comme je dis, ça ne peut que me tirer vers le haut de courir différemment, de courir plus agressivement, ça m’a souvent souri par le passé.