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FC Nantes : Waldemar Kita, 18 ans d’échecs

Après 18 ans de présidence de Waldemar Kita, Le FC Nantes, autrefois référence du foot français, n’est plus que l’ombre de lui-même. Analyse d’un effondrement.

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Après 18 ans de présidence de Waldemar Kita, Le FC Nantes, autrefois référence du foot français, n’est plus que l’ombre de lui-même. Analyse d’un effondrement.

En juillet 2007, Waldemar Kita prenait le contrôle du Football Club de Nantes, institution centenaire alors en quête de stabilité après une première relégation historique. Dix-huit ans plus tard, le constat est sans appel : le FCN, huit fois champion de France, s’est transformé en club de seconde zone, marqué par une instabilité chronique, une rupture profonde avec ses supporters et une gouvernance accablée par les polémiques judiciaires. L’histoire d’un déclin méthodique, d’autant plus tragique qu’il était évitable.

Une lente érosion du capital sportif

Lorsque Waldemar Kita rachète le FC Nantes à l’été 2007, le club vient de quitter la Ligue 1 après quarante-quatre saisons ininterrompues dans l’élite. Mais le prestige demeure intact. Les Canaris restent un club au palmarès impressionnant, auréolé d’une culture de jeu unique et d’un centre de formation parmi les plus respectés du pays. Cette tradition n’aura pas résisté à la gestion mise en place par le nouveau propriétaire.

Sur le plan purement sportif, les chiffres de l’ère Kita sont révélateurs. Depuis 2007, le FC Nantes a passé quatre saisons en Ligue 2 et n’a jamais terminé au-delà de la 7e place en Ligue 1, enregistrant une moyenne de classement de 12,8 sur les quinze saisons disputées dans l’élite. Aucune qualification européenne obtenue par le championnat. Une Coupe de France remportée en 2022, unique embellie dans un océan de médiocrité. Même des clubs au budget inférieur, comme Reims ou Toulouse, ont su accéder ponctuellement au haut du classement, chose que Nantes n’a jamais réalisée en dix-huit ans.

Pire encore, Nantes fait désormais partie, selon les Cahiers du Football, des rares anciens champions de France à n’avoir plus rien gagné depuis plus de treize ans. Le « jeu à la nantaise », jadis référence continentale, a disparu dans une succession de saisons sans identité ni continuité.

L’instabilité comme système de gouvernance

L’un des traits les plus marquants du mandat de Waldemar Kita demeure la valse permanente des entraîneurs. En dix-huit ans, ce sont vingt-et-un techniciens qui se sont succédé sur le banc nantais. Une moyenne de moins de neuf mois par mandat. Ce « Kita Circus », comme le surnomment les supporters, traduit l’absence totale de projet sportif à long terme.

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De nombreux cas illustrent cette instabilité : Michel Der Zakarian, limogé après trois journées en 2007 alors qu’il avait permis au club de remonter, puis rappelé en 2012 avant de claquer la porte quatre ans plus tard, lassé des tensions avec son président. Claudio Ranieri, malgré une neuvième place en 2018, repart au bout d’un an. Sergio Conceição, pourtant très apprécié des supporters, s’envole au FC Porto après un passage éclair. Quant à Raymond Domenech, il restera célèbre pour avoir été évincé après seulement 46 jours sans victoire.

Plusieurs de ces techniciens ont publiquement dénoncé les ingérences et le climat délétère au sein du club. René Girard parle d’un « président menteur ». Vahid Halilhodzic évoque « des choses qui se passent dans son dos ». Le dialogue semble impossible, les ruptures fréquentes et brutales. À cette instabilité s’ajoute une direction sportive inexistante : aucune figure cohérente ni stratégie de recrutement identifiable. L’organigramme est vertical, verrouillé autour de la famille Kita.

Un président rattrapé par les affaires

À cette gouvernance erratique s’ajoutent de multiples controverses judiciaires. Depuis 2017, Waldemar Kita est mis en examen pour fraude fiscale aggravée. Le Parquet national financier le soupçonne d’avoir évité près de 15 millions d’euros d’impôts grâce à une résidence fiscale fictive en Belgique. Une affaire révélée par les Panama Papers, et qui a valu au président la saisie de son yacht et une surveillance renforcée de ses flux financiers.

En parallèle, une autre enquête secoue le club : celle sur les transferts douteux opérés depuis 2015. Le club est mis en examen pour « complicité d’exercice illégal de la profession d’agent sportif ». Franck Kita, fils du président et directeur général, est lui aussi concerné. Les accusations sont graves : faux contrats, blanchiment, rémunérations occultes. Des agents affirment même refuser de traiter avec Nantes, évoquant une opacité structurelle.

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Enfin, le dossier Emiliano Sala continue de hanter le FCN. Le joueur argentin, transféré en janvier 2019 à Cardiff City, est décédé dans un crash aérien survenu au cours d’un vol organisé par un intermédiaire non agréé. Cardiff réclame aujourd’hui plus de 120 millions d’euros à Nantes pour préjudice économique et moral. Si la FIFA a tranché en faveur du club français quant au paiement du transfert, l’affaire se poursuit devant la justice française. Une tragédie humaine devenue symbole d’une gestion approximative.

Un modèle économique instable et sous perfusion

Les finances du FC Nantes ne résistent guère mieux à l’analyse. Malgré des budgets oscillant entre 50 et 80 millions d’euros, le club est structurellement déficitaire. Le résultat d’exploitation atteint –25 millions d’euros en 2024, après –7 millions en 2023. La masse salariale dépasse régulièrement le budget global. Les revenus liés aux droits télévisés se sont effondrés, passant de 30 à 6 millions d’euros entre 2022 et 2025.

Pour maintenir le club à flot, Waldemar Kita a dû injecter plus de 35 millions d’euros sur ses fonds propres en 2024. Un colmatage temporaire, qui ne masque pas l’absence de vision. La DNCG impose désormais un encadrement strict des salaires. Aucun joueur ne peut dépasser 50 000 euros bruts mensuels. Ce cadre rigide limite drastiquement la capacité du club à se renforcer.

L’échec du projet YellowPark illustre, à lui seul, les errements stratégiques de la direction. Annoncé en 2018 comme le futur stade du club, financé à 100 % par des investisseurs privés, le projet est finalement abandonné après le retrait de Nantes Métropole, jugeant le montage trop risqué. La justice a depuis reconnu la responsabilité partielle de la ville, mais le club n’en tirera qu’une indemnisation minime. Six ans plus tard, aucun stade neuf n’a vu le jour, et les relations entre le club et les institutions locales sont exécrables.

Supporters en rupture, ville en retrait

Le divorce entre Waldemar Kita et les supporters est total. Dès 2019, les manifestations se multiplient, souvent coordonnées, toujours déterminées. Le slogan « Kita Circus » devient un étendard de la contestation. L’arrivée de Raymond Domenech donne lieu à des scènes surréalistes : musique de cirque pendant l’entraînement, banderoles ironiques, nez rouges distribués en tribune.

Cette contestation dépasse les seuls groupes ultras. Familles, abonnés historiques, anciens joueurs : tous dénoncent la gestion du club. Le collectif « À La Nantaise » fédère une opposition transversale, structurée et durable. Le lien entre le FCN et sa base populaire est brisé. Ce climat délétère affecte l’image du club, freine les partenariats commerciaux et affaiblit la position institutionnelle du FC Nantes dans la métropole.

Un centre de formation sous-dimensionné

Alors que Nantes se targuait d’avoir l’un des meilleurs centres de formation de France, celui-ci souffre aujourd’hui de retards structurels. Les installations de La Jonelière, vieilles de plus de quarante ans, ne répondent plus aux standards modernes. Trop étroites, situées en zone Natura 2000, elles ne peuvent être étendues. Tous les projets de relocalisation ont échoué, notamment celui du château de la Pervenchère.

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En termes de valorisation, le club n’a pas su tirer profit des talents formés. Plusieurs joueurs de qualité (Négo, Hanni, Carole, Sasso) ont quitté Nantes sans y avoir laissé de trace. Aucun lien cohérent n’existe entre la formation et l’équipe première. L’absence de directeur sportif fonctionnel empêche toute politique de développement à long terme.

Une présidence qui tourne à vide

L’un des traits constants du règne Kita est sa communication maladroite, souvent provocatrice. Des attaques contre les entraîneurs, une absence d’autocritique, des critiques publiques de la Ligue ou des médias : le président semble constamment sur la défensive. Sa déclaration, en 2023, selon laquelle il avait « signé des documents sans les lire » est devenue un symbole du désengagement managérial.

Le cas du match face à Drancy en Coupe de France, où le club n’a pas cédé sa part de recette comme le veut la tradition, a encore entaché l’image du président. « Petite » attitude, selon les mots du président de Drancy. Le refus de saluer les dirigeants amateurs ou d’assister à la réception d’après-match est venu confirmer l’isolement de Waldemar Kita au sein du paysage footballistique français.

Un club déclassé, un avenir verrouillé

Le FC Nantes, qui représentait jadis l’élégance tactique et la formation d’excellence, est aujourd’hui un club de milieu de tableau sans ambitions claires. Avec un budget ramené à 55 millions d’euros pour la saison 2025-2026, l’arrivée de Luis Castro sur le banc s’apparente plus à un acte de survie qu’à un véritable projet de reconstruction. La perte de joueurs clés, les finances tendues, l’absence de vision commune condamnent le club à l’anonymat.

Le bilan de l’ère Kita est accablant : 21 entraîneurs, quatre saisons en Ligue 2, zéro qualification européenne sportive, des affaires judiciaires en cascade, des supporters exaspérés et une image profondément abîmée. Dix-huit années qui apparaissent comme une longue dérive sans cap ni pilote.



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