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François Letexier a été désigné meilleur arbitre du monde en 2024 par l’IFFHS (Fédération Internationale d’Histoire et de Statistiques du Football). Une première pour un arbitre français depuis Michel Vautrot en 1988 et 1989. Rencontre avec celui qui, à 35 ans, gravit les échelons à vitesse grand V.
Cela doit être une fierté d’être le meilleur arbitre français (et désormais du monde, Ndlr) depuis deux ans.
Oui, c’est une fierté, mais en même temps je sais que ça peut aller très vite dans les deux sens donc je n’en fais pas non plus une récompense absolue. Ce n’est pas forcément quelque chose qui m’anime au quotidien que d’être reconnu et élu. Moi, ce qui m’importe le plus, c’est que je sois reconnu au sein de ma famille arbitres.
Vous préférez que ce soient les arbitres qui votent plutôt que les joueurs ?
Les deux peuvent être amenés à voter, maintenant lorsque ce sont mes pairs qui votent, eux ont parfaitement conscience de la difficulté que représente la fonction arbitrale, des erreurs que l’on peut commettre, des remises en cause que l’on s’impose au quotidien. Cette conscience-là est plus développée chez les arbitres que chez les joueurs.
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8 arbitres français à l’Euro
Avec Clément Turpin et Stéphanie Frappart vous challengez-vous pour être le meilleur ?
Ça génère davantage d’émulation qu’autre chose. On a été 8 arbitres français à être représentés au dernier Euro. Un chiffre jamais atteint jusque-là. Clément a fait le match d’ouverture, j’ai fait le dernier match. C’est la preuve par le chiffre que l’émulation elle existe, elle est réelle et tant mieux.
C’était votre premier Euro et vous vous retrouvez à arbitrer la finale. Avez-vous conscience que tout va très vite pour vous ?
J’essaie de garder du recul, beaucoup de recul parce que je sais que les erreurs arriveront encore. Elles sont inhérentes à l’activité. Je veux surtout rester dans ma logique de performance, de régularité, faire les mêmes efforts au quotidien dans l’entraînement pour être performant. Malheureusement, je sais que je continuerai à me tromper. J’aimerais ne pas être celui-là…
… Un arbitre qui ne fait pas d’erreurs ça n’existe pas ?
En fait, un homme qui ne fait pas d’erreurs, ça n’existe pas (sourire).
À lireTransferts : Rémy Cabella (Olympiakos) arrive à NantesQuand un joueur fait une erreur, on en parle moins que quand c’est un arbitre…
Il ne faut pas non plus idéaliser le rôle du joueur. Le joueur fait aussi l’objet de critiques. Quand il a 2 sur 10 dans le journal L’Equipe le lendemain d’un match, ça rejaillit aussi sur sa vie personnelle, sur sa performance, sur sa confiance en lui. Ce n’est pas non plus totalement rose que d’être joueur de foot.
François Letexier a pris du recul
Les conséquences de leurs erreurs ne sont pas les mêmes.
Je n’en suis pas si certain. La seule chose, c’est qu’eux appartiennent à un collectif et, qu’à un moment, ils sont protégés. Nous, on a une fonction individuelle dans un sport collectif et on peut être sujet à critique, mais on a quand même moins de médiatisation au quotidien que les joueurs. J’essaie de garder du recul là-dessus aussi. Peut-être que je me trompe dans mon approche, mais je n’idéalise pas la fonction de joueur, elle n’est pas si parfaite et rose qu’on veut bien le penser.
Lisez-vous ce qui se dit sur vous ?
Du tout ! Je ne lirai donc pas cette interview (rires).
Après la finale de l’Euro, à quoi rêvez-vous ?
À lirePourquoi vous ne trouverez pas un mot de John Textor iciOn se fixe des objectifs bien sûr, mais les objectifs j’ai toujours eu pour principe de les garder pour moi et, jusqu’à présent, ça a plutôt pas trop mal marché et ça m’a permis de les atteindre. Je ne les verbalise pas forcément, mais comme tout sportif, on est obligé de se fixer des objectifs. C’est ça qui nous nourrit.
Après l’Euro, une finale de Ligue des Champions serait logique, non ?
Je ne suis pas dans cette logique de constituer un palmarès. Je ne me dis pas que j’arriverai à avoir le plus beau palmarès de l’arbitrage français. Ce n’est pas du tout quelque chose qui m’habite. Je veux juste être performant sur le terrain, faire mon travail, continuer mon aventure humaine avec mes assistants avec qui on travaille depuis neuf ans, avec qui on vit une aventure dingue et probablement on finira notre carrière ensemble sur le même match sur le même terrain. C’est cette aventure humaine-là qui m’habite, pas les trophées.
« Avoir le plus beau palmarès de l’arbitrage français, ce n’est pas ce qui m’anime »
Vous avez gravi les échelons à vitesse grand V. Comment vivez-vous cette mise en lumière ?
Il n’y a pas autant de sollicitations que ça. Ce n’est pas quelque chose qui me flatte, qui flatte mon ego que d’être interrogé par des médias, et si je peux éviter, je l’évite.
Avez-vous l’impression que l’image de l’arbitre est en train de changer ?
À lireNeymar prolonge à Santos et peut croire à la Coupe du MondeL’image de l’arbitre a toujours été assez bien perçue.
C’est peut-être la faute des médias si on avait l’impression du contraire…
C’est vous qui le dites, pas moi. Dans les moments où vous êtes en recherche, vous les médias, de buzz, vous faites beaucoup de mal au football et à l’arbitrage parce que vous vous éloignez de la fonction pédagogique. Un média doit être dans la transmission. Et lorsque vous cherchez le buzz, vous oubliez la fonction première d’un média, à savoir la transmission d’une information. Vous faites alors effectivement du mal au football et pas qu’à l’arbitrage.
Letexier a arbitré un match féminin
Il n’y a qu’une femme (Stéphanie Frappart) parmi les 20 arbitres de Ligue 1. Ce n’est pas beaucoup. Y a-t-il encore des préjugés ?
Je ne genre pas l’arbitrage. C’est une activité qui peut être aussi bien pratiquée au masculin qu’au féminin. Aux derniers Jeux Olympiques, on a été désignés nous sur un match féminin et on a arbitré de la même manière. Ça ne posait pas de problème depuis des années de voir les sœurs Bonaventura au hand arbitrer les plus gros matchs du monde.
Certains arbitres hommes ne sont peut-être pas ravis de la mise en avant d’une femme (Stéphanie Frappart)…
Franchement, pas du tout. Nous, ce qu’on veut, au même titre que nos collègues féminines, c’est que ce soit la compétence qui soit mise en avant. Stéphanie a déjà eu à s’exprimer des centaines de fois sur cette question et systématiquement elle répond que c’est la compétence qui doit être mise en avant, elle ne se juge pas comme une femme, mais comme une arbitre qui doit être jugée sur ses compétences. Si j’avais dû répondre, j’aurais répondu exactement la même chose.
« La compétence d’un arbitre doit être mise en avant »
Sans hors-jeu, n’y aurait-il pas moins d’erreurs d’arbitrage ?
Il n’y a quasiment plus d’erreurs sur le horsjeu ! La marge d’erreur aujourd’hui sur une situation de hors-jeu est en dessous des 1% et largement. En France, on ne l’a pas, mais que ce soit sur toutes les compétitions européennes, sur les Championnats d’Europe, sur les Jeux Olympiques, il y a aujourd’hui le hors-jeu semi-automatisé qui existe. Le hors-jeu semi-automatisé, ça se joue au millimètre.
À lireGardiens de but français : des talents en voie de disparition…Un joueur, un attaquant qui serait en position de hors-jeu pour un millimètre serait sanctionné. Ce sont des capteurs. Tous les joueurs sont visualisés en 3D. La ligne est tracée par une machine. Le point de départ du ballon est fixé par une machine. Un horsjeu d’un millimètre est un hors-jeu. L’objectif de ceux qui veulent éradiquer l’erreur dans le football est atteint, il n’y a plus d’erreur sur les situations de hors-jeu.
La sonorisation des arbitres en L1 a été repoussée faute de moyens. Y étiez-vous favorable ?
Le projet de sonorisation des arbitres, il visait, à ce que l’arbitre, une fois le visionnage fait en bord terrain, communique et explique sa décision. On n’était pas sur une sonorisation à 100%. Ça aurait permis de davantage humaniser l’arbitre encore et de davantage apporter de la pédagogie à l’outil et à l’arbitrage. Toute initiative qui permet ça est une bonne initiative. En attendant, ce n’est pas moi qui maîtrise le budget de la LFP…
Et concernant une sonorisation complète ?
À lireFilipe Luis (Flamengo), l’entraîneur du futurLa sonorisation complète, on s’était positionné déjà nous arbitres il y a trois ou quatre ans sur notre ressenti personnel et la majorité des arbitres y était favorable et je faisais partie de cette majorité.
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