jeudi 28 mars 2024

Interview exclusive de Michaël Landreau : les coulisses de son projet pour le FC Nantes

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Frédéric Denat
Frédéric Denat
Journaliste

« Un club à Nantes… pour quoi faire ? » C’est la question à laquelle veut répondre Michaël Landreau à travers son projet de reprise, dont il nous dévoile les secrets.

A l’initiative d’un projet de reprise de son club formateur, Michaël Landreau se propose de répondre à cette question : un club de football professionnel à Nantes, pour quoi faire ? En marge d’une fin de saison, enfin excitante, des joueurs de Kombouaré, il révèle pour Le Quotidien du Sport tous les leviers qu’il entend actionner pour créer le club qui corresponde à ses aspirations les plus profondes; quitte à casser les codes.

Michaël, les valeurs du FC Nantes à travers lesquelles vous avez grandi et qui ont fait la gloire du club sont-elles encore compatibles avec la réalité du football du XXIème siècle ?

Qu’on veuille diriger un club de football ou une entreprise, dans la vie en général, tout dépend de ce que l’on veut faire, c’est une question d’humanisme et de philosophie. Le foot reste le plus populaire de tous les sports, celui à travers lequel on peut transmettre le plus de messages. Inévitablement, il est aussi le reflet de sociétés qui, malgré tout, accordent de plus en plus d’importance à leur raison d’être, qui veulent donner du sens à tout ce que l’on peut entreprendre. A bien des égards, c’est peut-être le bon moment pour réactiver les valeurs dont vous parlez et qui ont longtemps caractérisé le FC Nantes. Tout dépend en fait de comment on gouverne, de ce qu’on souhaite partager.

Pourtant, quand on discute avec des anciens du club, entraîneurs ou joueurs, beaucoup disent qu’ils ne pourraient plus fonctionner de la même manière aujourd’hui…

Dans la même philosophie de jeu ou de fonctionnement de club, des exemples démontrent l’inverse. Il n’y a qu’à regarder ce qui se fait à Metz, à Montpellier, à Reims, à l’Athletic Bilbao, à l’Ajax Amsterdam ou à l’Atalante Bergame et à Villareal, demi-finaliste de la Ligue des Champions. Je ne dis pas qu’ils fonctionnent comme le FC Nantes des années Suaudeau ou Denoueix mais ils parviennent à avoir une vraie spécificité qui doit plus à un savoir-faire qu’à des moyens financiers importants. Chacun à leur manière, aucune n’étant meilleure qu’une autre à mes yeux, ils prouvent qu’ils peuvent bien travailler.

Ce ne sont pas les clubs les plus médiatisés, n’est-ce pas frustrant ?

Chacun son job. Si les médias préfèrent parler du PSG, de City ou du Real, ça les regarde, chacun prend ses responsabilités dans son domaine de compétence. Je ne suis pas là pour en juger mais pour être fidèle à celui qui m’emploie. Jusqu’au jour où on peut se séparer car on n’est plus sur la même longue d’onde. C’est la liberté de chacun. Je n’aime pas être dans le conflit. Je préfère faire que commenter. Et lorsque je fais mon boulot de consultant, je le fais avec ma lecture personnelle, sans aucun jugement de valeur.

Eric Carrière, un de vos anciens coéquipiers nantais, a récemment avoué son ras le bol face aux dérives individualistes du football moderne. Le rejoignez-vous ?

Il est libre, je peux le comprendre. Il privilégie une aventure humaine dans un autre secteur d’activité parce que ça correspond davantage à sa façon de voir les choses et de fonctionner. Que ce soit dans le football ou ailleurs, je serai toujours attiré par les projets qui ont du sens, où il y a de la complicité, un alignement, une volonté d’aller dans la même direction. Dans cette logique, le foot est un moyen d’épanouissement, pour écrire quelque chose, mais je suis comme Eric, attiré avant tout par l’aventure humaine.

« On sent une énorme adhésion à ce qu’on veut mettre en place. C’est impressionnant ! »

On imagine que c’est ce qui vous anime dans votre projet de reprise du FC Nantes. Où en êtes-vous ?

On y est en plein ! Nous sommes complètement dans la construction d’un projet, son élaboration. Nous voulons innover dans la construction de l’actionnariat car il s’agit, à nos yeux, du meilleur moyen de placer le club au coeur de son environnement, avec tous ses supporters comme partie prenante. Le meilleur moyen aussi d’être fidèle à ce qui fait sa spécificité. Le meilleur moyen selon nous de protéger la partie technique. On veut écrire nos convictions, bâtir un projet qui sera fidèle au club, à la ville, à la région. Si on ne respecte pas cette histoire et cette culture, ça ne peut être que conflictuel. Cela ne veut pas dire que nous n’aurons pas de discussions, qu’il n’y aura pas de tensions mais je pense qu’il est essentiel qu’on parvienne à s’aligner avec toutes les composantes du club; sportifs, administratifs, institutionnels, partenaires, supporters, fournisseurs etc, etc.

Comment est perçue votre initiative par l’environnement du club ?

(enthousiaste !) On sent une énorme adhésion à ce qu’on veut mettre en place. C’est impressionnant !

« On se laisse encore un peu de temps pour être financièrement prêts à discuter avec le président Kita »

N’est-ce pas aussi la conséquence de la frustration née de la gestion du président Kita ?

Disons que c’est une opportunité de ce qui se passe depuis 15 ans. Waldemar (Kita) a mis en place une stratégie qui lui est propre. On peut en parler, critiquer… mais encore une fois nous souhaitons être des acteurs, pas des commentateurs. On veut construire quelque chose qui corresponde à ce que nous voulons incarner.

Quel rôle aurez-vous dans cette future organisation ?

Là encore, et même si je sais qu’on aime bien mettre les gens dans des cases, on ne raisonne pas de la sorte. On veut casser les codes. Aujourd’hui, j’ai envie de regarder de quelle manière je peux être utile au projet, où je me sens le mieux. Pour le moment, eu égard à ma notoriété médiatique, il s’avère que je suis le plus utile dans un rôle de communication. Demain, peut-être qu’un autre sera mieux placé et que je serais plus efficace dans un autre domaine.

Quelles sont les prochaines échéances de ce rachat programmé ?

On se laisse encore un peu de temps pour être financièrement prêts à discuter avec le président Kita. Le temps est notre ami parce que nous ne nous positionnons pas comme un milliardaire qui arriverait avec son argent mais sans se poser forcément les bonnes questions. Nous, on s’interroge sur le comment, sur le pourquoi. Que doit être le FC Nantes ? Quel environnement ? Quelle philosophie de jeu et de fonctionnement ? Quel actionnariat ? A partir du moment où on considère que le club est un bien commun, la grande question est la suivante : un club de foot pro à Nantes, pour quoi faire ?

« Une victoire en Coupe de France ne changerait rien, ou pas grand chose, dans la future négociation. »

Comment vivez-vous la saison, plutôt réussie, des joueurs de Kombouaré ?

Quand vous êtes supporteur d’un club, comme je le suis, vous ne pouvez que bien vivre ces moments de communions et de joie qui ont accompagné les deux matchs référence que furent le PSG et Monaco à la Beaujoire. L’équipe a fait preuve d’une belle énergie a su partager des émotions. Le parcours en coupe de France a donné du corps à la saison.

Si le club gagnait la coupe de France, et devenait européen, sa valeur ne pourrait qu’augmenter ! Une mauvaise nouvelle pour le repreneur que vous êtes ?

On peut voir ça comme ça… mais si on creuse un peu on peut aussi considérer que ces bons résultats sont contextuels et pas structurels de la méthode Kita. Entre l’image et la rationalité, le fait de gagner la Coupe de France, d’être en coupe d’Europe, ne ramènerait pas le meilleur joueur, Kolo Muani, de l’Eintracht Francfort où il a déjà signé, libre, son contrat. Il n’augmenterait pas la valeur de l’effectif. Gagner la coupe de France ne permettrait pas au club d’être propriétaire de son stade, ni d’être obligé de moderniser son centre d’entraînement. Finalement, ça ne changerait rien, ou pas grand chose, dans la future négociation.

Pour conclure, si vous n’aviez qu’à retenir qu’un moment de vos 13 saisons et de 421 matchs au FC Nantes, quel serait-il ?

Ce qui me vient à l’esprit, tout de suite, là, c’est la complicité et les liens multi-générationnels que nous avons pu créer entre nous, avec les gens au sein et autour du club. Même si je me suis senti bien à Bastia et à Lille, à Nantes, sans aucun jugement de valeur par rapport à ce que j’ai pu vivre ailleurs, il y a quelque chose de différent.

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