jeudi 28 mars 2024

Jacky Durand : « Grâce aux jeunes, je m’ennuie de moins en moins ! »

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Frédéric Denat
Frédéric Denat
Journaliste

Le dernier vainqueur français du Tour des Flandres (1992), vainqueur de trois étapes sur le Tour (super combatif en 1998 et 1999), cultive une liberté de ton et un sens de l’analyse qui en font l’un des consultants préférés. Sur Eurosport depuis 15 ans, Jacky Durand avoue retrouver plaisir et enthousiasme grâce au vent de fraîcheur que fait souffler la nouvelle génération.

Régulièrement, les sondages vous plébiscitent parmi les consultants préférés. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

En 2005, quand j’ai débuté, je n’imaginais absolument pas être encore là en 2021. Au départ, ce n’était pas forcément ma priorité. Etre encore là aujourd’hui signifie forcément quelque chose. Il faut croire que mon style, un peu à l’ancienne, un peu à l’intuition, est apprécié. Une chose est sûre : je ne suis pas, je n’ai jamais été, dans la gestion de ma carrière de consultant. En cela, c’est vrai, je ne dis pas forcément ce que les autres veulent entendre.

Comment êtes-vous venu à ce rôle de consultant ?

A la fin de ma carrière, après vingt ans dans le vélo, je voulais absolument rester dans le milieu. Mais notre sport, au contraire d’autres, n’offre que peu de débouchés sinon comme directeur sportif, mécano, dans le médical ou consultant. J’ai passé mes diplômes d’état pour être directeur sportif, j’ai aussi pensé au métier de speaker sur les courses.

J’étais ouvert à tout. J’ai envoyé un cv à Eurosport où je ne connaissais personne, même pas le journaliste phare de l’époque, Patrick Chassé. Quelques jours après, j’ai reçu une réponse, sous la forme d’un vrai entretien d’embauche et d’une mise à l’essai.

Jacky Durand toujours sur le vélo…

C’est fou d’imaginer qu’un coureur de votre dimension soit obligé d’envoyer un cv !

Oui, c’était aussi une autre époque. Après coup, Patrick m’a avoué que si je n’avais pas fait le premier pas, ils avaient l’intention de m’appeler…

Depuis 2005, avez-vous gardé le même regard sur le cyclisme ?

J’ai toujours l’impression d’être sur un vélo… surtout depuis deux ou trois ans où je m’ennuie de moins en moins en regardant les courses grâce à la nouvelle génération qui est parvenue avec beaucoup de talent à casser les codes. Il y a quelques années, les scénarios étaient écrits à l’avance.

Lorsque j’ai débuté comme consultant, lorsque vous aviez Cancellera ou Boonen au départ, vous saviez que la course allait se dérouler comme tel. C’est fini ce temps-là, tout peut exploser n’importe quand aujourd’hui et il faut s’en féliciter. Il se passe des trucs qu’on ne pouvait même pas imaginer avant : qu’un grand leader ou un favori attaque par exemple à 80 km de l’arrivée.

Les jeunes coureurs en roue libre

Qu’est-ce qui explique cette nouvelle mentalité ?

Les jeunes coureurs ont peut-être moins la culture du vélo que leurs aînés et ils se posent moins de questions. Comme ils ont envie et n’ont pas de complexes, ils veulent avant tout prendre du plaisir, s’éclater sur un vélo sans a priori. Je me souviens de la première fois où j’ai vu Mathieu Van der Poel, sur les Boucles de la Mayenne. Il avait le maillot de leader sur les épaules et ça ne l’a pas empêché d’attaquer à 150 km de l’arrivée.

Je suis allé voir son directeur sportif et je lui ai demandé si c’était une consigne. Il m’a répondu : « Absolument pas ! Mathieu veut juste s’amuser… » Certains coureurs vont sur des courses comme d’autres vont au boulot, d’autres y vont pour prendre du plaisir sur un vélo. Parfois, ça se retourne contre eux parce qu’ils ont de vrais coups de bambou mais, au final, ça dynamite les courses et ça les rend plus intéressantes.

« Hinault gagnerait il le tour dans le contexte actuel ? La question peut se poser… »

Chez les Français, le profil d’Alaphilippe estil représentatif de l’état du cyclisme national ?

Julian a décomplexé de nombreux coureurs français. Je suis par exemple certain que, sans Alaphilippe, un Cosnefroy n’aurait jamais couru de la même manière au sein d’une équipe AG2R où tout est calibré et calculé. Lui, il y va ! Comme Martin, Gaudu, comme d’autres…

On a une belle génération et la chance d’avoir des coureurs parmi les meilleurs mondiaux dans toutes les catégories, chez les grimpeurs, les puncheurs, les sprinteurs. Franchement, pour un consultant, ça fait plaisir. J’en avais soupé de commenter des courses où il fallait descendre au-delà de la 15ème place pour trouver un Français.

Dans la quête du successeur d’Hinault ou de Fignon pour gagner un grand Tour, quel coureur français a selon vous le plus de potentiel ?

Il y a trois ans, je vous aurais dit Thibaut Pinot, parce qu’il était le plus complet. Mon discours est aujourd’hui un peu différent et il tend à relativiser cette succession si attendue, trop attendue. On nous rabâche ça en permanence, mais c’est oublier que les temps ont changé. Le cyclisme français peut très bien vivre sans gagner le Tour de France.

Je dis souvent à Hinault, même si ça ne lui plait pas, que lorsqu’il gagnait le Tour, la concurrence se limitait à la vieille Europe avec en plus un Australien, un Américain et quelques Colombiens qui n’existaient qu’en montagne. Aujourd’hui, le cyclisme international change la donne. Hinault gagnerait-il le Tour dans le contexte actuel ? La question peut se poser…

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