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Le roi du dopage est mort

Mort de Victor Conte, figure du scandale BALCO

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Victor Conte, figure centrale de l’un des plus grands scandales de dopage de l’histoire du sport, est décédé lundi 3 novembre à l’âge de 75 ans des suites d’un cancer du pancréas. Son entreprise, SNAC (Scientific Nutrition for Advanced Conditioning), a confirmé la nouvelle, saluant « sa vision » et « son héritage ». Chimiste autodidacte, entrepreneur redouté et ancien musicien funk, Conte laisse derrière lui un legs complexe, mêlé d’ombre et d’influence durable sur le sport mondial.

BALCO, le laboratoire qui a révélé les failles du sport d’élite

Conte s’est fait connaître au début des années 2000 comme fondateur de la Bay Area Laboratory Co-Operative (BALCO), une société de compléments alimentaires qui s’est transformée en centre névralgique d’un réseau de dopage à grande échelle. En 2003, une perquisition du FBI dans ses locaux a mis au jour un système sophistiqué de distribution de stéroïdes conçus pour échapper aux contrôles antidopage.

L’onde de choc a ébranlé les fondations du sport professionnel américain. Des icônes comme Marion Jones, Barry Bonds, Tim Montgomery ou Shane Mosley ont été directement impliquées. Jones a perdu ses médailles olympiques, Bonds a vu sa réputation durablement entachée. L’affaire BALCO a marqué un tournant : pour la première fois, les stéroïdes ont cessé d’être une rumeur pour devenir le cœur d’un débat public et politique sur l’intégrité du sport.

Une affaire qui a redéfini la lutte antidopage

Le scandale a conduit à la publication du livre Game of Shadows et au lancement d’une vaste enquête confiée à l’ancien sénateur George Mitchell. La Major League Baseball (MLB) a été contrainte de revoir entièrement son approche de la lutte antidopage. Victor Conte, devenu symbole d’une époque, a plaidé coupable en 2005 pour distribution de substances interdites et blanchiment d’argent. Il a été condamné à quatre mois de détention dans un centre fédéral à sécurité minimale — une peine perçue comme faible au regard de l’ampleur de l’affaire.

De trafiquant de performance à conseiller de champions

Loin de disparaître après sa condamnation, Conte a poursuivi sa trajectoire. Il a relancé son entreprise SNAC, cette fois officiellement tournée vers la performance légale et la nutrition sportive. Installé dans les anciens locaux de BALCO, il s’est reconverti en mentor pour des athlètes, en particulier dans la boxe professionnelle. Son approche mêlait science de la performance, oxygénation cellulaire et suivi biométrique.

Au fil des années, plus de 25 champions du monde ont collaboré avec lui, parmi lesquels Terence Crawford, Devin Haney, Mikey Garcia, Claressa Shields ou Daniel Jacobs. Malgré cette reconnaissance, son passé continuait de susciter la méfiance. En 2024, le boxeur Ryan Garcia l’a accusé d’avoir manipulé le système antidopage après un test positif à l’Ostarine. Conte, cofondateur de l’agence VADA (Voluntary Anti-Doping Association), a répondu par un démenti ferme, qualifiant ces accusations de « désinformation ».

Une figure controversée entre mea culpa et justification

Victor Conte n’a jamais nié son rôle dans le scandale BALCO. Au contraire, il a souvent revendiqué sa position de lanceur d’alerte paradoxal. « J’ai aidé à niveler le terrain de jeu », affirmait-il en 2010, estimant que le dopage généralisé imposait une réponse systémique. Il a également collaboré avec certains organismes de contrôle pour améliorer la détection des substances interdites.

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Jusqu’aux derniers mois de sa vie, affaibli par la maladie, il a continué à publier des analyses sur la performance, l’éthique sportive et la transparence des tests antidopage. Son discours, toujours direct et technique, reflétait une position ambivalente : ni repentant complet, ni provocateur assumé, mais une voix singulière dans un système qu’il avait d’abord contourné, puis contribué à réformer.

Une vie marquée par le funk avant la chimie

Avant de devenir l’homme du scandale BALCO, Victor Conte avait une première carrière dans la musique. Né à Fresno, en Californie, il a été bassiste dans les années 1970 pour plusieurs groupes de funk et de blues rock. Il a notamment joué avec Tower of Power, groupe emblématique de la scène californienne, apparaissant sur leur album We Came to Play! (1978). Surnommé « Walking Fish » pour sa présence scénique, il a également collaboré avec des artistes comme Herbie Hancock et Sugarcane Harris.

En 1984, il abandonne la musique pour fonder BALCO. À l’époque, il propose des bilans sanguins personnalisés aux athlètes, prétendant optimiser leur nutrition et leurs performances. Ce qui commence comme un service légal bascule progressivement vers une stratégie de dopage de pointe, utilisant des substances indétectables par les tests existants.



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