Longtemps réservée aux propriétaires ou aux notables locaux, la fonction présidentielle est devenue un métier à part entière que certains n’hésitent plus à exercer dans des clubs différents.
Il fut un temps, pas si lointain, où les présidents des clubs français avaient
un (autre) métier. Souvent chefs d’entreprises, ils parvenaient à assumer une fonction présidentielle qui ne peut plus faire aujourd’hui l’économie d’un poste à plein temps. Le départ des dinosaures du foot français qu’étaient Nicollin, Aulas, Martel ou Molinari a laissé la place à une nouvelle génération composée de profils bien différents.
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Plus jeunes,mieux formés au management de clubs, notamment au sein du centre d’économie et de droit de l’université de Limoges pour certains, issus d’écoles de commerce pour d’autres, ils aspirent à faire carrière et ne s’interdisent rien, surtout pas de changer de club en cours de route. S’il était impossible d’imaginer Louis Nicollin ou Jean-Michel Aulas ailleurs qu’à Montpellier ou Lyon, il est presque devenu normal de voir un président changer de casaque au gré de ses ambitions ou des humeurs des actionnaires.
Ainsi de Gauthier Ganaye, qui a déjà été, à 34 ans à peine, à la tête de cinq clubs dans quatre pays différents… Directeur juridique, secrétaire général et directeur du développement du RC Lens entre 2013 et 2016, il fut en 2017 le plus jeune président de club (Chief Executive Officer) du foot anglais
(accessoirement aussi le premier français) au Barnsley FC, avant de rejoindre
le navire niçois en février 2019, puis l’AS Nancy Lorraine en décembre 2020, tout en étant directeur général du KV Ostende au Danemark. L’été dernier, il rejoignait la galaxie de John Textor à la présidence du RWD Molenbeek. Et ce n’est pas fini !
OM, OL, des Présidents-salariés
Originaire du Nord, c’est au contact de Gervais Martel que Ganaye s’est fait les dents. “Quand il était au RC Lens, il s’intéressait à tout à l’intérieur du club, se souvient Martel. Il était curieux du fonctionnement de toutes les composantes avec la volonté d’avoir une vue panoramique. Comme il est intelligent et ambitieux, il a cette capacité de s’adapter à des contextes aussi différents que Barnsley, Nice ou Molenbeek.”
A bien des égards, Ganaye est le meilleur représentant de cette nouvelle race de présidents, prêts à croquer dans tout ce qui se présente à condition d’enrichir leur cv et de développer leur réseau “Ces profils de dirigeants formés pour les postes à responsabilité sont des alternatives pour le futur”, analyse Jean-Michel Roussier, l’actuel boss du Havre, qui, du haut de ses 68 ans et de ses passages à la tête de trois clubs (OM, juin 1995-avril 1999, Nancy, février 2018-février 2020, et Le Havre depuis juin 2022) représenterait pour le coup davantage le passé.
Ganaye, Holveck, Létang… les nouveaux modèles
A l’instar d’un Francis Graille (68 ans), d’un Pierre Blayau (73 ans), président du Stade Rennais (1998-2000) et du PSG (2005-2006), ou d’un Luc Dayan (66 ans), les premiers de cordée dans le registre de la polyvalence présidentielle. Fondateur de Visual TV, plus tard directeur général de Sportfive (2006-2009), Francis Graille a longtemps été proche de Luc Dayan, avec qui il est désormais fâché, mais avec qui il vécut aussi sa première expérience de président en rachetant le LOSC.
Des cars-régies qu’il arpentait du temps où sa société produisait les images de Jour de Foot pour Canal + à la tête des Dogues (1999-2002), qu’il a revendus en réalisant une plus-value de 2 M€, mais aussi du PSG (2003-2005), président-délégué à la fin de l’ère Canal +, puis d’Auxerre (2017-2021), version James Zhou, l’Auvergnat ne s’est pas ménagé pour assouvir sa fringale entrepreneuriale et sa passion du sport.
Letang, de directeur général à Président
Ancien médecin venu au foot via WND Sport, son agence de marketing sportif, Luc Dayan s’est spécialisé dans les projets de sauvetage et de restructuration de clubs après avoir été à l’origine du rachat du LOSC en 1999. C’est dans cette logique-là, qu’expliquent ses baux de courte durée, de quelques semaines à quelques mois, qu’il a été amené à prendre la présidence de pas moins de quatre clubs pros, du LOSC au RC Lens en passant par Nantes et Strasbourg. Via son agence, il est ensuite intervenu dans les dossiers de
reprise de l’AS Cannes (2001), de l’OGC Nice (2002), de l’ASSE (2003), du Mans (2004), de Rennes, Valenciennes (2014) et Bastia (2017).
Une décennie plus tard, une autre génération a pris la suite, dans le sillage de Gauthier Ganaye, dans celui de Nicolas Holveck, d’Olivier Létang ou de Jean-François Soucasse, trois quinquas aux parcours différents, mais au potentiel important. Lorsque le premier arrive à la présidence du Stade Rennais en 2020, il a déjà pas mal bourlingué à Nancy, vice-président pendant une décennie, à Monaco (directeur général adjoint) et au Cercle Bruges, le club filiale, avant de revenir à Nancy cette saison après une pause forcée pour soigner un cancer.
Des Présidents bis comme au TFC
Ancien joueur pro à Reims, le second y a assuré sa reconversion comme directeur sportif (2006-2012) avant d’intégrer le PSG au début de l’ère QSI comme directeur du football (2012-2017) puis de prendre son envol à la tête du Stade Rennais (2017-2020), du LOSC depuis trois ans à la prise de contrôle du club par Merlyn Partners en succédant à Gérard Lopez.
A Toulouse, s’il n’a jamais été officiellement président du club d’Olivier Sadran, Jean-François Soucasse (51 ans) a été pendant 15 ans bien davantage qu’un simple directeur général pour assurer la gestion au quotidien et occuper l’espace laissé libre par son boss. A Saint-Etienne, il retrouve un club où il a joué entre 1995 et 1998 avec la casquette d’un président exécutif… en attendant la future vente tant espérée par l’impayable duo Romeyer-Caiazzo.
Et on peut imaginer, qu’ensuite, ses compétences et son expérience seront encore utiles dans un autre club, un autre contexte, pour un autre défi à relever. Enfin, si le TFC est sa première expérience de président, ses passages à Arsenal, Saint-Etienne, Totteham, Liverpool ou Fenerbahçe font peut-être de Damien Comolli (52 ans) le prochain sur une liste qui ne cesse de s’étoffer à mesure que se redessine saison après saison le portrait robot du président du XXIème siècle.