Amené à présider le LOSC, Lens, Strasbourg ou Nantes, dans le cadre de leur changement d’actionnaires, c’est en spécialiste des rachats de clubs que Luc Dayan fut aussi impliqué dans celui du PSG avant l’arrivée de QSI en 2011. Dix ans après, il effectue un état des lieux.
Dix ans après, selon vous, les propriétaires qataris ont-ils réussi au PSG dans leur quête de crédibilité et de légitimité ?
Le PSG avait déjà acquis suffisamment de crédibilité sportive, notamment à l’époque Canal+, pour que les nouveaux actionnaires n’aient pas à en rechercher davantage. Au niveau du palmarès, français et européen, le passé parle pour le club avec des titres et une coupe d’Europe. Pour la légitimité, c’est autre chose.
Les Qataris sont arrivés après une période plus compliquée sous l’égide de Colony Capital. Mais ils ont mis tout de suite tellement d’argent et de compétence à tous les niveaux de responsabilités que le club n’a mis que trois ans pour se positionner parmi les grands d’Europe et être à la hauteur de l’image d’une ville comme Paris. Certes, ils n’ont toujours pas gagné la Ligue des Champions, leur objectif prioritaire, mais cette compétition est tellement aléatoire parfois que ce n’est pas foncièrement anormal.
« La famille royale passionnée par le PSG, c’est son club »
Est-il possible de savoir le montant total de l’investissement des Qataris pour parvenir à ce bilan ?
Pour ça, il faudrait ajouter aux investissements dans les transferts, toutes les sommes apportées dans le sponsoring par des sociétés qataris, toutes les pertes couvertes ou effacées à certains moments pour parvenir à l’indispensable équilibre budgétaire. L’un dans l’autre, si on considère une moyenne de 200 M€ d’investissement par saison, sur dix ans, on ne doit pas être loin des 2 milliards d’euros.
Une telle somme est impossible à amortir !
Mais je ne pense pas que ce soit leur objectif. Leur investissement est passionnel et politique. D’abord politique parce qu’ils sont venus à Paris à l’initiative de Nicolas Sarkozy, et en échange d’un probable soutien pour la Coupe du Monde 2022. Ensuite passionnel parce que le PSG est devenu le club de la famille royale. Parmi les décideurs, jusqu’aux partenaires, à l’instar du groupe Accor, on retrouve la même passion pour le club, la même envie de réussir, la même ambition. On est vraiment là dans une expression à la mode, chère à notre Président de la République, le « quoi qu’il en coûte » !
Les qataris se concentrent sur Paris pour Luc Dayan
Qu’en est-il de la méthode ?
Elle est très différente de ce qui se fait par exemple à Manchester City avec Abou Dabi qui a mis en place une organisation visant à acquérir des clubs, créer des académies et des centres de formation, autour d’un concept de jeu animé par un entraîneur, en l’occurrence Pep Guardiola.
Pour le moment, l’ambition qatari s’est concentrée sur le seul PSG et elle n’a pas profondément changé la nature du club. A l’époque de Canal+ déjà, il y avait des hauts et des bas, et la santé du club dépendait principalement de l’équipe, du talent des joueurs, de leur forme.
A un autre niveau d’engagement financier, et avec une domination plus forte sur le foot français, on retrouve la même façon de fonctionner avec QSI… qui change d’entraîneur souvent, qui mise sur des stars. Comme à l’OM, les fondamentaux du club n’étant pas très forts, son adn prend le pas sur les stratégies des actionnaires. L’OM a toujours été un club instable, quels que soient les profils de ses propriétaires, le PSG est resté aussi sur le même schéma de fonctionnement.
Luc Dayan persuadé que QSI sera encore-là dans 10 ans
Dans dix ans, en 2030, les Qataris seront-ils encore là ?
Sauf accident, je ne vois pas de raison pour qu’il en soit différemment. La famille royale (l’émir Tamim Ben Hamad al-Thani) est vraiment passionnée par le PSG, c’est son club, et tant qu’elle aura les moyens de lui assurer son train de vie, c’est-à-dire tant qu’il y aura suffisamment de ressources de gaz dans le pays, ça peut continuer très longtemps.
Même au-delà de la Coupe du Monde 2022 ?
Après 2022, ce sera peut-être moins important pour l’état du Qatar, mais ça restera aussi fort émotionnellement pour l’émir. J’ai du mal à imaginer un retrait de sa part. Un changement d’actionnariat peutêtre… Seul un profond changement politique au Qatar pourrait venir changer la donne. Cette perspective apparaît très improbable pour le moment.