Afficher le sommaire Masquer le sommaire
A la différence de tous les autres Monuments, parce que c’est le plus difficile à dompter, une majorité de coureurs déteste Paris-Roubaix. Seuls ceux qui le gagnent un jour parviennent à l’aimer vraiment. L’Enfer du Nord ne fait pas dans la nuance, soit on l’aime, soit on le déteste.
« Désormais, je peux dire que j’aime Paris-Roubaix (rires) ! » Après sa première victoire en 2023, les sentiments de Mathieu Van der Poel pour la Reine des Classiques résumait assez bien la manière avec laquelle elle était perçue dans le peloton. Et le champion néerlandais de poursuivre : « Mais parfois je déteste aussi Paris-Roubaix… » quand il crève ou quand il glisse sur un pavé. Pour qu’il l’aime vraiment, il a fallu qu’il la gagne !
« Parce que c’est vraiment dur, ça fait déjà mal après 200 km (sur 260 !) ». Avant lui, Hinault, déjà, n’aimait pas son caractère imprévisible, cette sensation de ne pas maîtriser grand-chose des aléas d’une course qui peut vous échapper en quelques secondes, se jouer sur un coup de dés.
A LIRE AUSSI : toute l’actualité du cyclisme dans votre mag
« Une belle course pour le public. Pour les coureurs, c’est autre chose » (Hinault)
Après son triomphe de 1981, il n’avait pas hésité à déclarer : « On ne m’enlèvera pas de l’idée que cette course est une belle cochonnerie ! » Et il n’insista d’ailleurs pas plus que ça avec une cinquième et dernière participation en 1982. Comme s’il avait fait tout ça uniquement pour se prouver à lui-même, et surtout aux autres, qu’il en était bien capable. Quarante ans après sa seule victoire, le Blaireau n’en démord pas :
À lire30 secteurs pavés sur 259 km de course, bienvenue dans l’enfer de Paris-Roubaix« C’est une belle course, pour le public… Pour les coureurs, c’est autre chose » Sans désigner les pavés, le dernier vainqueur français du Tour France les craignait surtout parce qu’ils accentuaient les risques de blessures et « je ne pouvais pas me permettre de compromettre les chances de succès sur le Tour. » Il en est ainsi aujourd’hui pour ceux qui visent les grands Tours, à l’instar de Pogacar, Vingegaard ou Roglic qui ne s’y sont encore jamais risqués. N’estce alors qu’une affaire de spécialistes ?
« Oui, concède Tony Galopin, mais le spécialiste des classiques, des profils lourds et puissants comme l’est Van Der Poel » ou Dylan van Baarle (vainqueur en 2022 et hors-délais en 2021) qui avoue : « Je suis comme tout le monde, je déteste les pavés… sauf quand je me sens plus rapide que les autres, alors ça devient amusant ». Filippo Ganna a aussi le profil (6ème en 2023) mais ça ne lui suffit pas :
« Paris-Roubaix, ce n’est pas du cyclisme, c’est un sport différent, un mélange entre se faire mal et beaucoup souffrir. » Seul à l’avoir gagné en amateurs (1979), chez les pros (1985 et 1991) et comme directeur sportif (Guesdon, 1997), Marc Madiot n’est peut-être pas objectif quand il nous dit que « si je ne l’avais pas gagné, ça m’aurait manqué. Je savais me conditionner, me transcender par rapport à l’événement. Je sentais le truc. C’est de l’instinct, sentir le moment où tu peux sortir, anticiper. Ce truc, on l’a ou on ne l’a pas. Et je l’avais. »
Gallopin adore l’enfer du Nord
Il aimait bouffer du pavé… jusqu’à se fracturer le trochanter (fémur) lors de sa dernière participation en 1994 et d’arrêter sa carrière dans la foulée. « Cette course qui m’avait tout donné, me reprenait tout ! » Même s’il n’y a jamais brillé (3 participations, 2 abandons), Tony Gallopin :
À lireDans 15 jour le Giro : quelle sortie pour Romain Bardet ?« l’adore, car c’est une course incroyable. Je comprends que certains la détestent car elle fait peur et n’est pas faite pour une grande partie du peloton mais, lorsque vous arrivez à la terminer, ce qui a été mon cas une fois (2018, 55ème), vous êtes animé d’un vrai sentiment de fierté. Arriver sur le Vélodrome avec dix minutes ou une heure de retard, peu importe, je me faisais un point d’honneur à la finir après avoir fait le job pour l’équipe. »
Il semble donc qu’on aime L’Enfer du Nord pour les mêmes raisons qu’on le déteste, pour son extrême imprévisibilité. « Comme c’est plat, la sélection se fait sur les chutes et les crevaisons… Ça fait partie du jeu, conclue le directeur sportif de Lotto. Jusqu’au dernier secteur pavé, rien n’y est figé. Et ça n’a rien à voir avec la chance ou la malchance car on sait où on met les boyaux. Et au final, les surprises sont rares, ce sont toujours les plus forts qui gagnent. »
Pogacar la gagnera-t-il un jour ?
Paris-Roubaix est le seul Monument auquel Pogacar ne s’est encore jamais frotté. Et ce ne sera toujours pas pour 2025.
S’il continue à dominer le peloton comme il le fait, la question n’est pas de savoir si le champion slovène est capable de gagner, mais bien de savoir quand il se présentera au départ de Paris-Roubaix. « Je continuerai à faire cette course jusqu’à ce que je la gagne ».
Jugée trop spécifique, voire dangereuse, pour être intégrée à un calendrier qui privilégie encore les grands Tours, le Slovène se la réserve pour plus tard, quand il aura atteint tous ses autres objectifs, à savoir mettre la main sur la Vuelta, sur Milan-San Remo et parvenir à gagner cinq Tours de France. A 26 ans, il peut encore voir venir pour ajouter les rares cordes qui manquent à son arc, à savoir la puissance. Même si Tom Boonen, quatre fois primé, croit déjà en lui :
« Je suis sûr à 100% qu’il peut gagner Paris-Roubaix, parce qu’il sait très bien faire du vélo et qu’il peut tout faire à vélo. Et Paris-Roubaix n’est pas une course difficile, il suffit de rouler vite et de tenir compte du vent. » S’estimant encore trop léger, Pogi fourbit ses armes pour se présenter au départ le jour où il se sentira en capacité de rivaliser avec les meilleurs spécialistes du genre.
À lireTour de France Femmes : Squiban exceptionnel, au tour de Ferrand-PrévotMême s’il a déjà prouvé sur le Tour des Flandres, dans des conditions difficiles, que sa science de la course, son sens des trajectoires, son mental hors norme et son habileté technique pouvaient largement lui permettre de compenser son relatif manque de puissance. « Il peut gagner tout ce qu’il veut, à condition de se le mettre dans la tête » tranche un Bernard Hinault dont les caractéristiques physiques se rapprochaient de celles de Pogacar.
A LIRE AUSSI : Arkea B&B revient dans la course
 
