vendredi 19 avril 2024

Rétro cyclisme : Jean Robic, l’atypique tête de cuir

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A l’opposé d’un Bobet, dont il fut le contemporain et l’un des principaux rivaux, Jean Robic aura incarné dans la France d’après-guerre l’image d’un cycliste rugueux, instinctif et solitaire.

« Il était hargneux, accrocheur, un râleur au grand coeur qui est entré dans la légende par sa personnalité autant que par ses qualités exceptionnelles de grimpeur. » L’ancien journaliste de télévision, Jean-Paul Ollivier, a une tendresse particulière pour Jean Robic :

« Même s’il n’aimait pas beaucoup les journalistes, j’ai passé de bons moments avec lui car il avait toujours beaucoup d’histoires et d’anecdotes à raconter. »

Entre 1943 et 1959, ses années professionnelles, face au séduisant Louison Bobet, Robic tranchait dans sa manière de se comporter au sein du peloton, ou vis à vis d’une presse dont il ne recherchait pas forcément la compagnie.

« Cela lui a valu pas mal d’inimités, nous dit « Paulo la science », et un statut de mal aimé qu’il entretenait aussi pas mal en voulant réussir seul tout le temps. Il était frondeur, solitaire, donc pas toujours aidé par ses coéquipiers. »

Premier vainqueur du Tour de l’après-guerre, en 1947, Jean Robic est aussi le seul, avec le Néerlandais Jan Janssen en 1968, à avoir gagné la Grande Boucle sans jamais avoir porté le maillot jaune… avant de le revêtir sur le podium final à Paris et, six ans après, en 1953, une seule journée avant son abandon lors de la 14ème étape.

Quatrième en 1949, 5ème en 1952, il aura mal vécu de ne pas terminer ses quatre dernières éditions (1953, 1954, 1955 et 1959), trop amoindri par ses nombreuses chutes ou accidents de courses, autant que de ne jamais avoir gagné de grandes Classiques, son statut de grimpeur le condamnant à n’exister vraiment qu’en montagne, là où il alla chercher ses six victoires d’étapes.

La France retrouve le tour en 1947 avec Robic au sommet

Son titre de champion du monde de cyclo-cross en 1950 témoignait de sa capacité à se faire violence, dans un style atypique et sans cesse en rébellion contre une adversité dont il savait se servir pour aller toujours plus haut. « Il était relativement performant dans tous les domaines, précise JeanPaul Ollivier, mais il commettait trop d’erreurs et ne bénéficiait que trop rarement de l’aide des autres coureurs. »

Et quand ce fut le cas, il lui en coûta une partie de sa prime de victoire sur le Tour 1947. A l’attaque sur la côte de Bonsecours lors de la dernière étape, c’est en effet avec le concours du 5ème du général Fachleitner qu’il s’échappa pour piquer sur le fil le maillot jaune à l’Italien Brambilla. L’histoire voudrait qu’il ait fait un chèque de 100 000 francs à Léo Véron (le patron de l’équipe de France à laquelle appartenait Fachleitner) pour distribuer à tous les membres de l’équipe.

Robic, vainqueur du Tour en 1947

« Il aurait tout de même gagné ce Tour, rectifie Jean-Paul Ollivier, car ni Brambilla, ni Fachleitner, qui l’ont accompagné sur le podium, n’avaient les moyens d’aller le chercher sur cette dernière étape. »

Issu d’une famille bretonne modeste, né dans les Ardennes, Robic a toujours été affublé de sobriquets plus ou moins flatteurs (« Biquet », « tête de cuir », « trompe la mort ») eu égard à sa petite taille (1m57) et un physique disgracieux qui participait à son besoin de reconnaissance sportive.

Après une reconversion difficile dans la restauration, sa brasserie parisienne faisant faillite, il mourut à 59 ans, le 5 octobre 1980, dans un accident de la route. Ce jour-là, le célèbre journaliste de L’Equipe, Pierre Charny, écrivait : « Il était venu au cyclisme pour combattre l’humiliante ironie de ses petits copains de Radenac… » où une rue porte désormais son nom, non loin d’un musée qui retrace sa vie.

A Wissous, où il est inhumé, mais aussi à Nantes, et à Vouziers, où il est né, une allée, une place et une rue portent aussi son nom.

Tom Boissy

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