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A l’issue d’une saison à 25 victoires dont la fameuse triple couronne, Tour-Giro-Mondiaux, Tadej Pogacar a fait bien davantage que marcher sur les traces d’Eddy Merckx. Il l’a rejoint dans la légende. Peut-il désormais le dépasser ? Bernard Hinault le pense.
A 26 ans, Eddy Merckx avait déjà été deux fois champion du monde, avait gagné cinq grands Tours et dix Monuments. Au même âge, Tadej Pogacar est en retard d’un titre mondial, d’un grand Tour et de trois Monuments.
“S’il continue comme ça et qu’il n’est pas perturbé par des blessures, Pogacar a les moyens de faire mieux qu’Eddy, diagnostique Bernard Hinault, qui poursuit dans un grand sourire, mais d’abord il va falloir qu’il fasse mieux que moi !”
Au niveau du palmarès, c’est déjà fait sur les Monuments, pas encore sur les grands Tours où le Blaireau dispose d’une belle avance. Fidèle à ses principes, le quintuple vainqueur du Tour n’aime pas le jeu des comparaisons qu’il trouve futile, sans pertinence sportive ;
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Pogacar en retard sur Merckx
« car ce n’était ni le même matériel, ni les mêmes courses, ni le même peloton qui est devenu mondial quand il n’était qu’Européen à notre époque. Les conditions de vie et d’entraînement n’avaient rien à voir. Dans ces conditions, comment voulez-vous comparer, c’est impossible. Merckx aurait-il été meilleur que Pogacar aujourd’hui ? Aurait-il été aussi dominateur ? Comme on ne le saura jamais, ça ne sert à rien de se poser la question ! »
À lire30 secteurs pavés sur 259 km de course, bienvenue dans l’enfer de Paris-RoubaixOn lui a quand même posé… et en insistant un peu le Breton a fini par lâcher : « La seule chose qu’on peut leur reconnaitre à tous les deux, c’est leur volonté de gagner et le plaisir d’être sur un vélo. J’étais aussi animé par le même état d’esprit ; le plaisir par la victoire, le plaisir de dominer ! Parvenir à lâcher les autres coureurs, c’était le pied. Bien davantage que de se dire qu’on marquait notre temps. »
Ce qui ne les empêcha pas de le faire et d’être considérés, avec Merckx, Coppi et Anquetil, comme les plus grands coureurs de l’histoire. Après eux, le Slovène peut-il espérer les supplanter, prendre le fauteuil du GOAT du cyclisme mondial jusqu’à présent occupé par Eddy Merckx ? Hinault le pense donc.
Hinault désigne Pogacar comme le successeur de Merckx au palmarès
Mais à condition qu’il conserve « cette volonté offensive permanente qui est sa marque de fabrique. S’il a, comme Eddy avait, qu’une seule chose en tête en prenant le départ de toutes les courses, les gagner toutes, Pogacar reste offensif même quand les choses ne tournent pas en sa faveur. On l’a vu l’an dernier sur le Tour, même battu par Vingegaard, il a continué à attaquer, jusqu’au bout, tout le temps. »
« Et quand il part, il n’est pas dans la gestion, il donne tout ce qu’il a pour faire le plus gros écart. Comme Merckx sur le Tour 1969 quand il arrive avec huit minutes d’avance sur l’étape de Mourenx après 140 km d’échappée. Il aurait pu gérer, se contenter de quatre minutes, ça suffisait, mais non, il est allé plus loin. Pogacar est comme ça » capable d’attaquer à plus de 100 kilomètres de l’arrivée lors du dernier Tour de Lombardie et de reconnaitre ensuite que c’était une erreur, “oui, une belle connerie qui lui a permis de gagner” ironise Hinault, certainement un de ses plus grands fans.
« A nous les anciens, Pogi nous fait rêver parce que, contrairement à nous, et c’est aussi ce qui le distingue un peu de Merckx, il est capable de gagner sur tous les terrains, en montagne, en c-l-m, dans les sprints… »
« On se retrouve tous un peu dans ce personnage qui fait tant de bien au cyclisme parce qu’il dégage du bonheur, de la joie. Il incarne un cyclisme moderne et sympa, agréable à regarder. On sent qu’il est heureux sur un vélo, il a souvent le sourire. »
Le réalisme froid de Merckx tranche avec le panache de Pogacar pour une même domination
Et le Breton têtu de reconnaitre : « je souriais moins, c’est vrai, mais c’était une autre époque. Aujourd’hui, les coureurs sont davantage dans la communication. »
À lireDans 15 jour le Giro : quelle sortie pour Romain Bardet ?Ils n’hésitent pas à assumer leurs ambitions comme leurs doutes, dans une forme de transparence qui serait passée pour de la provocation ou de la faiblesse en des temps où, pour s’imposer, il fallait en imposer. Le réalisme froid de Merckx tranche avec le panache de Pogacar pour une même domination.
En avalant au moins un Monument par an entre 1966 et 1976, à l’exception de 1974, année de son triplé Giro-Tour-Mondial, le Cannibale a aussi profité d’un peloton beaucoup moins homogène qu’aujourd’hui. Mais son appétit de victoires étant aussi fort, on peut aussi se dire que Merckx aurait gagné autant avec une concurrence plus relevée.
Ça l’aurait certes obligé à puiser dans ses réserves plus souvent mais, au final, l’association de son talent inné, de son physique extraordinaire et de son mental hors norme auraient fait la différence.
Alors qu’il lui reste encore cinq bonnes années pour se rapprocher du maître, le plus grand exploit de Pogacar aura été d’ouvrir le débat, ce que seul Hinault avait réussi à faire dans les années 80.
4 Giro, 1 Vuelta, 2 Tour de France, ce qu’il manque à Pogi
« Si je n’avais couru qu’après les victoires et les records, j’aurais géré ma carrière différemment, nous dit le champion français qui fêtera ses 70 ans le 14 novembre. Or, je ne courrais qu’après le plaisir et lorsqu’il a été moins présent, je ne voyais pas l’intérêt de continuer. »
Il aurait certainement fait mieux que Merckx sur les grands Tours, mais pas sur les Classiques où le Belge reste intouchable. Il manque encore une Vuelta, quatre Giro, deux Tour et douze Monuments à Pogacar pour revenir à sa hauteur.
À lireTour de France Femmes : Squiban exceptionnel, au tour de Ferrand-PrévotLe match est lancé. Pour le gagner, aucun autre champion que le Slovène n’a paru aussi bien armé. Il part de loin mais, sur la dynamique de son exceptionnelle saison 2024 où rien ni personne ne lui a résisté, ses temps de passage lui permettent de rêver détrôner un jour le roi des Belges. “S’il y en a qu’un qui peut le faire, c’est lui !” Parole de Blaireau.

 
