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Un nouveau défi sans précédent pour Yvan Bourgnon : « Rendre l’impossible possible »

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Alors que les amateurs de courses au large sont admiratifs devant les exploits des navigateurs du Vendée Globe, Yvan Bourgnon prépare un défi beaucoup plus dingue encore, qui n’a jamais été réalisé : le tour du monde en multicoque, mais dans le sens inverse. Interview exclusive. (photo, Xavier Bouquin)

Réaliser le premier tour du monde en solitaire à bord d’un multicoque, à contre- courant des vents et courants dominants : c’est le défi maritime sans précédent que se lance Yves Bourgnon, navigateur et aventurier de renom. Celui qui, il ya 12 ans, réalisait un incroyable tour du monde à bord d’un petit catamaran de sport, veut « rendre l’impossible possible ». Le marin nous en dit plus sur cette aventure exceptionnelle prévue fin 2026, tout seul à bord d’un bateau de 32 mètres de long. 

Comment vous est venue cette idée ?

Ça fait quelques années que j’ai ça dans la tête, mais professionnellement, je n’ai pas eu le temps de me dégager du temps pour le faire. Là enfin, je peux être à 100% sur le projet. J’ai toujours navigué sur des multicoques et la perspective de faire un tour du monde est très attirante. J’ai fait beaucoup de choses, mais jamais ça. Après, il y a deux sens pour le faire. Le sens « classique », comme les bateaux du Vendée Globe, c’est intéressant, mais si tu n’a pas un bateau à 25 millions d’euros, un budget à 5 millions par an et une écurie de 30 personnes, tu n’as aucune chance de faire le record. Et on voit que c’est très compliqué. Il y a eu une quinzaine de tentatives depuis 7 ans, sur ce genre de bateau, et ils n’y arrivent pas. Ils n’arrêtent pas de casser. Et ils ont des budgets démoniaques pour le faire. Aujourd’hui, le record du tour du monde à l’envers, c’est un défi qui reste accessible financièrement. Avec des bateaux anciens qui sont robustes. 

« Il faut accepter d’aller dans le dur »

Pourquoi cela n’a jamais été fait ?

Si ça n’a pas été fait, c’est parce qu’il n’y a aucun skipper qui veut y aller. Mais les bateaux des anciennes générations sont tout à fait capables de le faire. Après, il faut accepter d’aller dans le dur. Après les défis que j’ai déjà fait, j’ai eu envie de me lancer dans cette aventure. Faire le Tour du monde avec un cata de sport (entre 2013 et 2015, Yvan Bourgnon fait un tour de monde « à l’ancienne », avec un catamaran de sport. Il part avec Vincent Bauvarlet, mais le terminera seul, après de nombreuses péripéties, dont un naufrage, ndlr), c’est beaucoup plus dur que ce défi là. Vu de l’extérieur, ça parait peut-être complètement fou, mais j’ai fait des trucs bien plus fous (il sourit), donc il n’y a pas de raisons, que ce ne soit pas réalisable.

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Il faut avouer que vous êtes attiré par ce genre de défis incroyables…

J’aime bien ouvrir de nouvelles voies. Montrer que l’impossible est possible. Et puis j’y prends du plaisir. Quand je suis parti faire le tour du monde, j’en ai bavé dans l’Atlantique, mais après, dans l’Océan indien ou le Pacific, j’ai ai vraiment profité. Oui, je cherche la difficulté, je ne vais pas cherché à vous faire croire le contraire, mais ce n’est pas non plus pour ce faire mal du début à la fin. Je finis par y trouver du plaisir. ça m’intéresse de trouver des solutions. De trouver des « modes d’emploi » que personne encore n’a trouvé. C’est un peu comme les premiers qui ont fait des sommets de 8000 mètres, ils ont dû tâtonner… Ils ont cherché, ils ont fouiné… 

Vous n’êtes pas non plus maso…

Non (sourire). Après, tout est dur. On ne va pas dire que c’était facile de grimper là-haut… Sur le parcours, il y a des moment au près, une trentaine de jours de portant, ça va aussi être sympa. D’abord, il faut savoir que c’est un bateau confortable, avec des moyens techniques très évolués… C’est vrai que le passage du Cap Horn est le point délicat de ce parcours, mais on a des informations météorologiques qui sont tellement précises, qu’on arrive à faire en sorte d’éviter des grosses vagues, des grosses dépressions. On le voit sur le Vendée Globe aujourd’hui, s’il y a très peu de casse, c’est aussi parce que les bateaux ne vont plus dans les conditions les plus extrêmes. 

« Les multicoques sont des bateaux qui vont plus vite, mais qui sont aussi plus dangereux »

C’est quoi la principale différence avec les multicoques ?

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Les multicoques, ça marche surtout bien au près… Ce sont des bateaux qui vont plus vite, mais qui sont aussi plus dangereux. Un multicoque, quand ça se couche, ça ne se relève pas. Contrairement à un monocoque. On a vu Thomas Ruyant (actuellement 8ème du Vendée Globe, ndlr), qui s’est pris un gros orage, son bateau s’est couché, il a cassé une voile (son J2 s’est déchiré, ndlr), mais son bateau s’est redressé et il a pu continuer. Avec un multicoque, c’était terminé. Avec la même tempête et la même surface de voile, j’aurais fini à l’envers. Avec un multicoque, tu n’as pas cette soupape de sécurité que tu peux avoir sur un monocoque. 

La particularité, c’est que vous n’aurez pas votre bateau avant avril 2026…

Le bateau, IDEC. SPORT, est en ce moment aux mains d’Alexia Barrier, qui va faire le trophée Jules Verne à la fin de l’année (un tour du monde à la voile avec un équipage 100% féminin, ndlr), et il sera disponible à partir d’avril 2026.  Le projet est de le préparer pour pouvoir faire une première tentative fin 2026. En ce moment, il y a la recherche de fonds, la préparation physique, l’entraînement. On aura le bateau un peu plus tard.

Rappelons que vous allez tenter ce défi en solitaire…

C’est vrai que ça relève encore un peu le challenge. Mais c’est un bateau très bien équipé, notamment avec un bon pilote automatique. On a vu par exemple Francis Joyon gagner la Route du Rhum sur ce bateau là, en 2018, à 63 ans. 

« Parfois, on a la boule au ventre, je ne vais pas dire le contraire »

En 2025, vous allez continuer à naviguer ?

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Oui, bien sûr. Je consacre toujours 60 jours par an à passer en mer, pour naviguer, faire des courses, m’entraîner. En 2026, ce sera encore plus, puisque j’aurais le bateau. 

La recherche de Fonds, ce n’est pas le plus agréable…

(Dubitatif) Oui… Mais j’y suis habitué. Après ce n’est pas non plus si énorme que cela, je cherche le budget d’un skipper qui doit faire milieu de classement au Vendée Globe. Ce sont des budgets qui sont très accessibles. 

Ça représente combien ?

C’est un budget de 2,5 millions d’euros par an pendant trois ans. En intégrant le bateau. 

Vous n’avez jamais peur ?

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On a la boule au ventre parfois, je ne vais pas dire le contraire. Quand il y a un grain qui arrive et qu’on a pas trop eu le temps d’anticiper. Quand le bateau est à la limite, sur le point de sous-virer, on serre les dents… Ce qu’il faut, c’est faire en sorte que ça arrive le moins souvent possible. On sait que sur un tour du monde, il va y avoir trois ou quatre situations d’urgence qu’il va falloir gérer. Mais heureusement, il n’y a pas que des moments comme ça. Il y a des moments où le bateau glisse tout seul, où ça avance vite.

C’est quand même un bateau qui est très grand, il fait 32 mètres de long, il est est très large… C’est un bateau qui est relativement tolérant. Ce n’est pas un bateau qui va souffrir au moindre coup de vent. Et, je me répète, mais aujourd’hui, les moyens météo à notre disposition permettent d’anticiper de plus en plus. On arrive à savoir une heure, deux heures, quatre heures avant, qu’on va se prendre un gros coup de vent. On arrive à anticiper. Sur un bateau comme ça, une manœuvre prend une heure, on arrive à anticiper le danger. 

Ça fait partie de notre adrénaline, ça nous rend plus fort. Quand tu vis des épisodes comme ça, tu en ressorts encore plus fort. Ça te renforce pour la fois d’après, tu as le mode d’emploi pour la fois suivante. C’est ce qu’on appelle l’expérience. Il faut accepter de sortir de sa zone de confort. 

C’est vécu comment par votre famille ?

Depuis le temps, ils sont habitués. C’est surtout ma mère qui se fait le plus de mouron… Mes enfants et ma femme sont habitués à vivre ça. Je ne vais pas dire qu’ils dorment toujours très bien, ils suivent tout ça de très près. C’est d’ailleurs les avantages et les inconvénients aussi des GPS. Maintenant il y a des traceurs qui permettent de savoir exactement où on se trouve, et de savoir tout ce qui nous arrive. Parfois ça peut être un peu inquiétant, mais la majorité du temps, c’est rassurant. Il y a aussi des systèmes de communication très élaborés, ce qui a tendance à rassurer les familles. 

Sur les foils : « Est-ce que ça vaut le coup de faire des bateaux qui valent deux millions de plus, pour gagner cinq jours sur un tour du monde ? »

Vous préférez ce type de défi à la compétition ?

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La compétition, j’en ai fait beaucoup pendant 20 ans et je continue d’ailleurs à en faire. Ça m’a ultra passionné, entre 20 et 40 ans en gros. Aujourd’hui, j’ai un peu plus d’attirance pour ce genre de défi, ouvrir des voies, rencontrer des gens, vivre des choses d’exception. Quand on arrive à 45 ans (Yvan Bourgnon en a 53, ndlr), on a acquis beaucoup d’expérience et on est plus mature pour vivre des choses d’exception. A 20 ans, en voile, tu es encore « un puceau », tu ne sais rien faire. Personnellement je n’ai pas encore fait de tour du monde par le sud, en passant par l’équateur. C’est quelque chose que je voulais faire avant de raccrocher. 

Vous auriez été intéressé par une course comme le Vendée Globe ?

Oui, oui… Après, j’ai fait d’autres choses dans ma vie, sur des multicoques. A une époque, je n’aurais pas dit non. Après, j’avoue que quand il n’y avait pas de foils sur les bateaux, ça m’ennuyait un peu. Quand on a l’habitude de naviguer sur des bateaux qui sont les plus rapides du monde… Avec la génération des foilers qui sont apparus en 2020, là j’avoue que c’est plus intéressant. Si je trouve que les bateaux sont devenus intéressant, d’un autre côté, je trouve que ce sont des budgets pharaoniques, pour un gain qui reste « petit », avec un risque de taper des cétacés qui est quand même important, même s’il y a eu assez peu de foils cassés cette année. Mais ça reste des appendices qui dépassent énormément sur les bateaux, avec forcément un risque de collision important.  Est-ce que ça vaut le coup de faire des bateaux qui valent deux millions de plus, pour gagner cinq jours sur un tour du monde ? Je ne suis pas sur du truc, c’est beaucoup de carbone, beaucoup de pollution… 

Le tracé du parcours d’Yvan Bourgnon :



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