Le Coach du Stade de Reims est attendu au tournant après les magnifiques promesses de la seconde partie du dernier championnat.
19 matches sans défaite. C’est l’hallucinante série qu’a réussie Will Still lors de sa prise de fonctions sur le banc du Stade de Reims en 2022/2023, entre octobre 2022 et mars 2023. Avec ce total, il est devenu le premier entraîneur à réaliser une telle série à son arrivée sur le banc dans les cinq grands championnats, au XXIe siècle. Le précédent recordman ?
Le regretté Tito Vilanova, resté invaincu lors de 18 matches consécutifs avec le FC Barcelone en 2012/2013. Sans faire injure à Yunis Abdelhamid, Thomas Foket, Folarin Balogun et leurs partenaires, Will Still n’avait pas tout à fait le même matos à disposition que Tito Vilanova (Messi, Xavi, Iniesta, Fabregas, Villa…).
Vu de Reims, la statistique est même irréelle : avant Still, le club champenois n’avait jamais approché une telle série, pas même à la grande époque du football champagne dans les années 1950 et 1960. En Ligue 1, seuls le FC Nantes de 1994/1995 (32), les Paris-Saint-Germain de 2015/2016 (27) et de 1985/1986 (26), l’Olympique Lyonnais de 2004/2005 (21) et l’AS Saint-Etienne de 1957/1958 (21) avaient réussi par le passé des séries supérieures à celles du Stade de Reims 2022/2023.
19 matchs sans défaite avec Reims
La différence, tout de même, est que toutes ces équipes avaient été sacrées championnes de France en fin de saison. Mais elles étaient aussi considérées comme les principales favorites. Malgré ce tour de force, Will Still n’avait pourtant pas figuré dans la liste des cinq entraîneurs nominés pour le Trophée UNFP du meilleur coach de Ligue 1 (!).
Ce sont Franck Haise, Philippe Montanier, Paulo Fonseca, Pascal Gastien et Igor Tudor qui avaient été mis en avant pour leurs travaux à la tête de Lens, de Toulouse, de Lille, de Clermont et de Marseille.
Au lieu de s’étouffer sur l’absence du technicien de Reims, le milieu avait préféré s’offusquer de l’absence de Christophe Galtier, en passe d’être couronné champion de France aux commandes de l’armada du PSG… Dans le monde des techniciens, en revanche, Will Still est un exemple pour toute une génération d’entraîneurs.
Le plus jeune entraîneur du top 5 européen
C’est ce que nous a ainsi confié un coach professionnel, Fabien Pujo, en poste au troisième niveau national au GOAL FC :
« Pour nous les techniciens qui entraînons à des niveaux plus modestes, il est un exemple car une trajectoire comme la sienne arrive très, très rarement en France. Sa réussite montre qu’il ne faut pas obligatoirement avoir 400 matches de Ligue 1 pour entraîner en Ligue 1. Il apporte beaucoup de nouveautés et de fraîcheur au championnat de France. Will Still est un messager pour nous. Il montre qu’on peut réussir en L1 en arrivant d’un niveau inférieur. Cela peut ouvrir une réflexion chez les dirigeants. Une réflexion où la compétence primerait sur le C.V. »
Plus jeune entraîneur des grands championnats
Alors qu’il fêtera seulement ses 31 ans le 14 octobre, Will Still, qui a horreur qu’on lui rappelle son âge, est le plus jeune entraîneur des cinq grands championnats européens. Prolongé en juin dernier jusqu’en 2025, il sera à coup sûr courtisé dans un futur proche par des cadors européens s’il poursuit son irrésistible ascension. Considéré comme un ovni dans le milieu, il n’a jamais été un footballeur de haut niveau. Il avait lui-même évoqué son parcours atypique dans une passionnante tribune publiée par Coaches’Voice :
« A n’importe quel moment de ma vie, si quelqu’un m’avait dit que je serais l’entraîneur principal d’une équipe de Ligue 1 à 30 ans, je lui aurais dit de me frapper au visage. Cela aurait été une suggestion totalement ridicule. L’idée qu’à 30 ans je dirigerais une équipe contre Neymar, Kylian Mbappé, Sergio Ramos et Marco Verratti, et dans la pirogue adverse de Christophe Galtier, était tout aussi folle. La vie peut être folle, cependant. Je n’ai jamais fixé de limites ou de limites à ce que je pourrais accomplir, mais je n’ai jamais non plus fixé d’objectifs spécifiques. Quand je suis devenu entraîneur, je n’avais pas l’intention d’atteindre le plus haut niveau en France à un âge précis. »
Will Still impressionne le monde amateur
Né en Belgique de deux parents anglais ayant quitté le Royaume-Uni deux ans plus tôt, le jeune technicien raconte le parcours qui l’a forgé :
« J’ai saisi l’occasion d’aller à l’université et de passer du temps en Angleterre à 18 ans. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé qu’il y avait tellement plus dans le football que de jouer. Il y avait l’entraînement, l’analyse, le dépistage, la physiothérapie, la préparation physique. Le coaching semblait être la meilleure chose à faire. C’était ce qui se rapprochait le plus de l’adrénaline de jouer. Ma première expérience d’entraîneur a été avec l’académie de Preston North End. C’était fantastique d’y participer. » (…)
Will Still, de simple analyste vidéo à entraîneur
« Quand je suis revenu en Belgique après avoir terminé mes études universitaires, j’ai entrepris d’acquérir de l’expérience dans le jeu professionnel. Je suis allé frapper aux portes. J’ai trouvé l’adresse de tous ceux que je pouvais dans le football belge et je suis allé les voir. (…) Certaines personnes ont dit qu’elles m’appelleraient dans deux semaines, mais je n’ai jamais eu de nouvelles d’elles. Je commençais à perdre espoir. »
« Et puis, le dernier entraîneur que j’ai essayé a gardé sa porte ouverte pour moi. C’était Yannick Ferrera, un jeune entraîneur belge qui était en charge à Saint-Trond en deuxième division belge. Je faisais de l’analyse vidéo au début, mais au fil du temps, je passais de plus en plus de temps sur l’herbe. Sans que rien d’officiel ne soit dit, j’ai fini par devenir quelque chose comme un assistant pour lui. »
Trois ans après, devenu adjoint à Lierse, un autre club de deuxième division belge, il a été propulsé entraîneur en chef après l’éviction du manager. Il avait alors seulement 24 ans. Relégable à sa prise de fonctions, son équipe a immédiatement remonté la pente. « Ce qui était fou, c’était à quel point mon monde était bouleversé, raconte-t-il. Soudain, je me faisais arrêter dans les magasins et je me voyais dans les nouvelles et à la télé. Bien que j’étais l’entraîneur-chef d’une équipe professionnelle, j’essayais encore des choses dans Football Manager. »
« Obsédé par football manager »
Car, oui, Will Still estime que sa réussite est en partie la conséquence de sa passion dévorante pour le jeu : « Je n’avais jamais pensé que Football Manager avait eu une influence sur ma carrière réelle, mais en y réfléchissant maintenant, c’est définitivement le cas. J’étais obsédé par ça quand j’étais enfant, et jouer au jeu a probablement allumé le feu en moi que j’ai maintenant en tant qu’entraîneur sur la ligne de touche. J’étais obsédé par ça en grandissant. Mon frère et moi y jouions sans relâche nous n’avions pas le droit d’avoir une PlayStation, alors nous jouions à Football Manager sur l’ordinateur familial. »
Mais ce n’est pas les yeux braqués sur un ordinateur que l’on fédère un groupe. Et Will Still a surtout réussi à tisser une très forte relation avec les joueurs. Les joueurs le tutoient, blaguent avec lui.
Un entraîneur aussi proche de ses joueurs
« Je ne pense pas qu’il y ait un joueur contre Will ou qui n’aime pas comment il est, expliquait ainsi Alexis Flips avant son départ à Anderlecht. Tout le monde l’aime bien, sa façon de diriger l’équipe. Cela montre que c’est un bon coach. C’est le frérot, il n’y a pas ce petit mur de coach avec lui. Avant, c’était l’adjoint, et tu le tutoies et tu rigoles plus avec l’adjoint qu’avec le coach. Il n’a pas changé. Mais, si je ne me trompe pas, il n’aime pas se faire appeler coach ! Donc, c’est compliqué de le vouvoyer ».
De son propre aveu, Will Still a un rêve bien précis : entraîner West Ham. Il avait dévoilé cette ambition dans sa lettre : « Le petit garçon en moi qui a passé toutes ces heures à devenir l’un des meilleurs managers du monde et à tout gagner sur Football Manager me dit de m’accrocher au rêve d’entraîner West Ham. Je suis un grand fan de West Ham, et ce serait vraiment le rêve. Evidemment, il y a un peu de chemin à parcourir avant d’y arriver, donc j’ai beaucoup de travail à faire et des heures dans le monde réel à faire. Je suis prêt à relever le défi. » S’il y parvient, ce sera à coup sûr bénéfique pour le Stade de Reims.