Cet ancien milieu offensif a été un grand joueur, puis un grand entraîneur. Et un immense sélectionneur de l’équipe de France. Son leitmotiv : le beau jeu.
ors de la Coupe du Monde 1958, la Fran- ce est l’invitée surprise dans le dernier carré. Batteux emmène les Bleus jus- qu’en demi-finales. Cette sélection connaît son apogée en atteignant la 3ème place de la compétition en battant l’Allemagne de l’Ouest 6-3. En Suède, les Bleus gagnent une recon- naissance internationale. Albert Batteux et sa philosophie joueuse y contribuent beaucoup : “Il a été élu meilleur entraîneur français de l’his- toire et c’est bien mon avis. Il me laissait jouer comme je savais. Il ne m’a jamais fait dépendre d’un système” confiera bien plus tard Ray- mond Kopa. “C’était un passionné. Il pouvait parler toute une nuit de football. Les gens res- taient pour l’écouter. Il parlait de tout, des tac- tiques, du mental, de la technique. D’ailleurs, il faisait des discours formidables” ajoutera Just Fontaine, l’homme aux 13 buts pendant le Mondial suédois.
Robert Herbin : « une grande source d’inspiration »
« Je l’ai apprécié comme individu quand il est venu à Saint-Etienne. J’avais beaucoup sympathisé avec. Je me souviens d’un match que nous avions raté. Le président Rocher nous avait réprimandés. Albert Batteux avait alors pris la parole et lui avait répondu : « Je vous offre le champagne, Monsieur” (rires). Pour ses obsèques, nous avons fait le déplacement avec plusieurs joueurs sur Grenoble. En tant qu’entraîneur, il ne prônait ni la prudence, ni la méchanceté, ni le mauvais comportement des joueurs. Albert Batteux a été une grande source d’inspiration pour bon nombre d’entraîneurs. Il a été passionnant et passionné » disait de lui Robert Herbin, l’ancien capitaine de Batteux chez les Verts.
Revenons à 1958. La France finit meilleure attaque (23 buts) de la compétition. Ce n’est pas sans raison. La vision du football offensive voulue par Batteux a été parfaitement exécutée : un jeu offensif, de la technique, de la rapidité, à l’opposé du jeu physique en vogue à l’époque. Le spectacle tient toujours une large place dans le discours de Batteux.
Dominique Colonna : « Une clairvoyance extraordinaire »
L’ancien gardien Dominique Colonna (13 sélections) confirme : « J’étais le seul à tutoyer Batteux. Je me souviens d’un homme très posé. Il avait été aussi un très bon joueur. Il est devenu un grand entraîneur. Je lui disais toujours : “Bébert”, l’embêtant avec toi, c’est qu’il n’y a jamais rien à rajouter. Il avait pour habitude de critiquer chaque joueur sur le match qu’on avait joué. Il était certes très critique, mais il restait très juste. Il aimait revenir sur le match d’avant pour mieux préparer celui d’après. Albert Batteux était vraiment quelqu’un. J’ai connu des Parisiens qui demandaient l’autorisation d’assister à la préparation de match mise en place par Batteux.
Avec lui, on essayait de procéder en passes courtes. Beaucoup d’équipes voulaient nous copier. Ce fameux jeu à la rémoise. Avec lui, les entraînements étaient beaucoup basés sur des cinq contre cinq. Il a joué une grande part dans nos bons résultats lors de la Coupe du Monde 1958. Il était d’une clairvoyance extraordinaire. A première vue, on le croyait un peu désinvolte. Mais quand il mettait en place des rassemblements ou faisait des réunions, rien ne lui échappait. Il lui arrivait de nous rappeler des choses que nous-mêmes avions oubliées. C’était vrai- ment un immense Monsieur. Cette Coupe du Monde 1958, on aurait dû la remporter. Mais il n’y a pas de regrets à avoir. On était resté un mois entier dans un petit village en Suède de moins de 2000 habitants. Tout le monde nous connaissait. Et quand on allait jouer, tout le village suivait. Dans une épreuve comme la Coupe du monde, les préparations tactique et physique sont impor- tantes, mais l’ambiance est primordiale… » . Dans ce secteur également Batteux était un orfèvre en la matière…