Ancien équipier de « Pinpin », le vainqueur du Tour de France 1975 et 1977 évoque un coureur avec une personnalité qui ne laissait pas indifférent. Bernard Thévenet décrit sa relation avec Roger Pingeon.
Quels souvenirs gardez-vous de Roger Pingeon ?
Roger avait gagné le Tour de France en 1967 et le Tour d’Espagne en 1969. Il a été le premier adversaire de Merckx dans le Tour de France. Sur le Tour de France en 1969, il fait 2ème derrière Merckx. En 1968, il n’avait pas été loin non plus (5ème). Il le bat même dans une étape. Roger Pingeon était vraiment un grand coureur. Mais il était un peu fantasque avec des idées parfois un peu bizarres. Mais, sur le plan du potentiel, il avait énormément de talent.
Dans quelles circonstances l’avez-vous connu ?
J’étais dans son équipe Peugeot entre 1970 et 1972. Quand je suis passé pro, il était le leader de l’équipe. Il est ensuite parti une année chez Jobo avant de mettre un terme à sa carrière en 1974. On avait même fait troisièmes ensemble d’un trophée Baracchi (ancienne course contre-la-montre disputée par une équipe de deux coureurs en Italie, Ndlr).
J’étais donc son équipier lors de mon premier Tour de France en 1970. Malheureusement, il avait abandonné au bout de huit jours. C’était un sacré coursier. Mais autant il était fort mentalement quand il était décidé, autant il pouvait s’arrêter rapidement si les choses ne s’étaient pas passées normalement et comme il les avait prévues…
Bernard Thévenet fidèle de Pingeon
On lui prêtait d’ailleurs un caractère bien trempé…
Il avait surtout des idées très arrêtées. J’ai le souvenir qu’il abandonne dans le Tour en 1972 (9ème étape) car il s’était mis en tête de passer en tête au Tourmalet. Son passage en 7ème ou 8ème position ne lui convenait pas.
Il avait alors décidé de tout arrêter (sourire). Ce n’était pas dans ses plans ni son objectif. Pourtant, plus de cent coureurs auraient aimé passer comme lui 7ème ou 8ème dans cette difficulté. Cela ne lui avait pas plu. Autant il était armé psychologiquement quand tout fonctionnait, autant il était désarmé quand c’était le contraire. Et pourtant, à certains moments, il réalisait des exploits extraordinaires.
Peut-on dire que son palmarès n’a pas été à la hauteur de son talent ?
Ce n’est pas faux. Il était passé professionnel tardivement (en 1965). Pingeon avait été longtemps avant dans la plomberie. Il avait aussi fait entre 28 et 33 mois de service militaire. Le temps qu’il se remette au vélo, cela lui avait pris deux ans pour revenir à haut niveau.
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