vendredi 29 mars 2024

Cyclisme : l’angoisse de la chute

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Eric Mendes
Eric Mendes
Journaliste

Les chutes n’ont jamais été aussi nombreuses cette saison dans le peloton. Le cyclisme est-il devenu plus dangereux ? Le Doyen français du peloton, Cyril Lemoine (39 ans), coureur de B&B Hotels-KTM, nous éclaire.

« Le cyclisme n’est pas plus dangereux aujourd’hui qu’il ne l’était lorsque j’ai débuté il y a une vingtaine d’années. Les chutes ont toujours existé. Si elles semblent plus nombreuses, c’est aussi parce que l’organisation des équipes est devenue plus carrée, le coaching, largement dépendant des oreillettes, plus précis et ciblé qui tend effectivement à robotiser notre fonctionnement, à accentuer la pression. Dans le peloton, sur une même course, nous avons tous à peu près les mêmes consignes : se trouver au bon endroit, au bon moment pour être le mieux placé avant l’explication finale.

Lorsque cet endroit-là correspond à une route qui se rétrécit, qui change de nature ou devient plus difficile, forcément, on sent la tension monter d’un cran au sein du peloton. Personne ne veut laisser sa place et parfois certains n’hésitent pas à griller des priorités pour récupérer l’avantage et compenser l’ascendant pris par un concurrent.

Le vélo est-il plus dangereux pour le peloton ?

Et c’est le clash. Le fait de disposer de freins à disques accentue encore le risque de bloquer les roues et de se faire percuter. Au-delà des aléas d’une course qui peut durer entre 4 et 6 heures, un seul moment de déconcentration suffit. Contrairement aux Grands Prix moto, où les chutes de pilotes n’engendrent que rarement des blessures sérieuses car ils ne font que glisser, les aménagements urbains ou les obstacles naturels augmentent la dangerosité de nos chutes. Les organisateurs ne font peutêtre pas suffisamment attention à cette réalité lorsqu’ils dessinent un parcours.

Dans cette polémique, la responsabilité des coureurs est évidemment engagée. Je le constate, notamment sur des épreuves de moindre envergure, où beaucoup d’équipes Continentales invitées, parce qu’elles veulent briller, sont prêtes à prendre des risques inconsidérés. Je me mets à la place de coureurs qui jouent leur va-tout, mais cet état d’esprit n’est pas sans conséquences.

Emprunter un trottoir ou une piste cyclable pour remonter dans le peloton est interdit, pourtant ceux qui le font ne sont pas souvent sanctionnés. Pour limiter les risques, commençons déjà par faire appliquer le règlement. Le reste, il y aura toujours des moments d’extrême tension, des coureurs amenés à frotter sévère sans y être forcément habitués ou préparés, selon le profil des courses.

« Pour limiter les risques, commençons déjà par faire appliquer le règlement »

Dans ma carrière, j’ai été pris à deux reprises dans des chutes qui m’ont obligé à abandonner, sur la 1ère étape du Tour de France l’année dernière et en 2011 sur le Tour de Palma de Majorque, avec un mois d’arrêt derrière. Je comprends que des blessures sérieuses traumatisent ceux qui en sont victimes. Personnellement, j’ai cette capacité à passer outre et à ne pas ressentir d’appréhension lors du retour à la compétition. Encore faut-il ne pas jouer aux kamikazes. »

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