1- Bernard Hinault
Comme une évidence, cette 1ère place récompense un palmarès hors norme que seul Eddy Merckx peut contester au niveau mondial. En France, l’impact du Blaireau dépasse largement ses 146 victoires chez les pros, entre 1975 et 1986. Parce qu’au-delà de ses 10 victoires en grands Tours, ses 9 classiques et son titre de champion du monde, Bernard Hinault a incarné un cyclisme offensif et flamboyant pendant une décennie au cours de laquelle il n’a jamais cessé de dominer le peloton.
Sans certaines blessures, il aurait même ajouté quelques étages à son palmarès, notamment au moins un Tour de France de plus. Avec, il a parfois réussi l’impossible grâce à un mental hors norme. Il était le plus complet de tous, le plus têtu, le plus professionnel et le plus craint aussi.
En s’appuyant sur cette réputation, il a mis tous ses concurrents à sa botte, de Zoetemelk à Fignon, en passant par Moser ou LeMond qu’il accompagna au sommet avec la bénédiction de Tapie. Transcendé par une volonté farouche de marquer son temps, en allant gagner sur des terrains qui n’étaient pas forcément les siens, son panache lui a aussi permis de gagner les coeurs.
2- Jacques Anquetil
Premier coureur à remporter le Tour à cinq reprises, premier français à s’imposer sur le Giro, premier à remporter les trois grands Tours, le grand Jacques détient aussi un record qui en dit beaucoup sur sa permanence au plus haut niveau pendant 15 ans : ses 13 podiums sur les trois grands Tours entre 1957 et 1967 (6 surleTour,6surleGiroet1surlaVuelta) !
Détenteur d’un record de l’heure qu’il chipa à Fausto Coppi, imprenable sur les c-l-m, il ne manque à Anquetil que le titre de champion du monde (2ème en 1966) et une victoire de prestige sur une classique de légende comme Paris-Roubaix où, contrairement à Hinault, il ne sut jamais s’y faire violence (crevaison en 1958 alors qu’il allait gagner, 8ème en 1960), préférant rester sur son registre de prédilection, en remportant notamment 9 Grand Prix des Nations pour autant de participations.
En considérant les Classiques, courses d’un jour, comme une loterie, il les négligea au point de n’en remporter que trois… une misère pour un coureur de sa dimension qui aurait pu, s’il l’avait voulu, les gagner toutes.
3- Louison Bobet
Il ne manque qu’une Vuelta et LiègeBastogne-Liège au palmarès du « plus grand perfectionniste que le cyclisme français ait connu », comme aime à le qualifier Jean-Paul Ollivier, l’ancien journaliste et historien du vélo. Car sinon, il a (presque) tout gagné, 4 des 5 Monuments, 2 des trois grands Tours et un titre de champion du monde en 1954 qui aurait mérité de faire des petits en 1957 et 1958 (deux fois 2ème). Premier grand coureur cycliste à cultiver son image, à sortir du cadre purement sportif pour intégrer le cercle de ceux qu’on n’appelait pas encore les people, sa carrière aura été marquée, à son avantage, par sa rivalité avec le plus rugueux Jean Robic.
4- Raymond Poulidor
A défaut de les battre, il est le seul à avoir réussi à bousculer les deux géants des années 60-70, Anquetil et Merckx, à dix ans d’intervalle. Trois fois 2ème, cinq fois 3ème sur la Grande Boucle, si son Tour n’est jamais arrivé ce n’est pas faute d’avoir tout donné entre 1962 et 1976 pour 14 participations (une seule absence en 1971) et de nombreux morceaux de bravoure sur tous les cols de France qui suffirent à en faire une légende.
Grand spécialiste des courses à étapes, on oublie trop vite qu’il a plus gagné qu’Anquetil et Bobet et qu’il compte aussi deux Classiques à son palmarès et une flopée de Top 10 sur les Monuments (Paris-Roubaix 1962, 1963, 1967, 1968, 1972 et 1973, Tour des Flandres 1963, Milan-San Remo 1964, 1966 et 1968, Tour de Lombardie 1965, 1966, 1967, 1969 et 1976, Liège-Bastogne-Liège 1968, 1970, 1973 et 1976, Flèche Wallonne 1970 et 1972).
5- Laurent Fignon
« Il professore » comme ils l’appelaient en Italie, un de ses terrains de chasse préférés (1 Giro, 2 Milan-San Remo) est passé à 8 secondes d’un triplé dans le Tour et à 3 minutes d’un succès sur un troisième grand Tour, la Vuelta, qui l’aurait sans nul doute fait gagner quelques échelons dans la hiérarchie des meilleurs cyclistes français de l’histoire. A défaut, il a été l’un des seuls à avoir assez de classe et de tempérament pour pouvoir contester la domination implacable qu’Hinault faisait régner sur le peloton des années 80. En étant plus fort que le Blaireau, sur tous les terrains, Fignon a mérité le respect de tous.
6- Julian Alaphilippe
A 30 ans, sa chance de succéder à Hinault est certainement passée. Premier de ce Top 10 sans aucun grand Tour au palmarès, Alaphilippe a bien d’autres faits d’armes à son actif pour justifier cette 6ème place. Et d’abord une capacité inédite à ce niveau à appréhender le vélo, à préparer ses courses, à les gérer comme un plaisir.
Cet enthousiasme communicatif lui vaut une popularité hors norme encore accentuée par son double titre de champion du monde et ses 18 jours en jaune sur le Tour. Même s’il aura du mal à intégrer le Top 5, sa quête d’un second Monument ou d’un 3ème maillot arc-en-ciel le rendrait inaccessible à ses contemporains.
7- Bernard Thévenet
Vainqueur du premier Tour à se terminer sur les Champs-Elysées, en 1975, il est surtout entré dans l’histoire pour avoir réussi à battre Eddy Merckx à la régulière, en lui prenant 1min56 dans la montée de Pra-Loup, avant de remettre ça en 1977 profitant d’un gros coup de fatigue du Cannibale. Avant l’éclosion d’Hinault, après le duel Poulidor-Anquetil, Thévenet a assuré la transition sans pouvoir néanmoins se faire un palmarès à la hauteur de ses exploits sur le Tour.
8- Laurent Jalabert
Il a beaucoup gagné, notamment des étapes sur les trois grands Tours, deux Monuments, et suscité autant d’admiration, pour sa capacité à gagner sur tous les terrains, que de scepticisme… pour les mêmes raisons. Sprinteur de formation, le Panda s’est transformé en spécialiste des échappées au long cours pour devenir performant en montagne et gagner avec autant de panache le classement à points sur le Tour, le Giro et la Vuelta que celui de la montagne sur le Tour et la Vuelta. Dans ce registre de baroudeur-sprinteur-grimpeur, il fut un précurseur qui annonçait l’émergence d’une génération de coureurs capables de gagner sur n’importe quel terrain.
9- André Darrigade
Considéré à juste titre comme un des meilleurs rouleurs de tous les temps, le Lévrier landais est surtout un des rares français à avoir porté le maillot arc-enciel (1959), le maillot jaune (pendant 19 jours sur 6 éditions différentes), le maillot vert à deux reprises (1959 et 1961), le maillot de champion de France, à avoir gagné un Monument, le tout en étant le lieutenant attitré d’Anquetil à l’époque des équipes nationales. Sa trace aurait pu être encore plus profonde s’il avait remporté un Tour 1956 à sa portée et finalement perdu à cause d’une crevaison entre Luchon et Toulouse et d’une mésentente avec son directeur sportif au profit de Roger Walkowiak.
10- Richard Virenque
Le Tour fut son unique terrain d’expression, l’épreuve qui le révéla, et qui l’entraîna aussi vers une fin de carrière douloureuse en marge de l’affaire Festina. Pendant dix ans, dans un style on ne peut plus généreux, en amenant sept maillots à pois jusqu’à Paris, il fut la coqueluche du public français, l’animateur des étapes de montagne. Et même s’il ne porta le maillot jaune que deux jours, ses sept victoires d’étapes et ses deux podiums (1996 et 1997) l’ont définitivement fait entrer dans la légende du Tour. Donc du cyclisme français.