jeudi 25 avril 2024

Cyclisme : un nouveau modèle de formation à la française ?

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Frédéric Denat
Frédéric Denat
Journaliste

Ils sont passés par là, Bardet, Cosnefroy, Latour, Peters et plus récemment Champoussin. Ils valident la pertinence de ces équipes réserves, antichambres des pros. Nées au début des années 2000 sur le modèle des clubs de football et de leurs centres de formation. Depuis, sous des appellations différentes (U23, Academy, Development, Conti…), de plus en plus de formations possèdent leur équipe bis.

« Sur les cendres de 1998, nous avons calqué notre modèle sur ce qui existe depuis plus longtemps dans les sports collectifs, notamment le football. »

Pour Clément Dupuy, directeur sportif d’AG2R Citroën U23, appellation de la branche sportive du CCF, Chambéry Cyclisme Formation, le début de la prise de conscience des dirigeants et entraîneurs du cyclisme professionnel remonte à la fin des années 90 marquées par les révélations sur le dopage à l’instar de l’affaire Festina.

Des équipes régionales partenaires des teams World Tour

« Le but était d’offrir un accompagnement plus encadré aux jeunes. Leur apprendre à mieux les connaître et mieux les former pour ne pas les laisser seuls face aux risques liés au dopage, mais pas seulement. Nous insistons aussi beaucoup sur la notion de double projet, sur l’importance de préparer l’après-carrière. C’est évidemment encore plus essentiel pour ceux qui n’y parviennent pas. »

Ainsi est né en 2001 ce qui va vite devenir le centre de formation de l’équipe pro AG2R. Dirigée par Loïc Varnet, la structure a pris une nouvelle dimension avec l’arrivée de Citroën. Crédibilisé par les réussites de Bardet, Paret-Peintre, Geniets, Latour, Cosnefroy, Peters ou Champoussin, le dernier « made in Chambéry », le pôle est une des références en la matière au niveau mondial (1).

« Nous avons été précurseurs, poursuit Clément Dupuy, même à l’étranger ça n’existait pas. Il y avait bien quelques pôles, mais qui ne fonctionnaient que jusqu’au vendredi soir. Or, pour nous, l’évaluation du week-end est importante qui doit aussi valider le travail de la semaine. »

En 20 ans, les team World tour ont développés des équipes bis

Depuis 20 ans, d’autres équipes ont suivi l’exemple savoyard. De Jumbo-Visma Development (Continental) à Lotto Soudal U23, en passant par Alpecin Fenix Development Team (Continental) ; Development Team DSM (Continental), Israel Cycling Academy ou Bahrain Cycling Academy, abandonnant à d’autres le principe des clubs partenaires comme Bora-Hansgrohe. Elle est allé chercher la nouvelle pépite du cyclisme belge, Cian Uijtdebroek. Dans sa filiale jeunes, la Team Auto Eder, ou B&B Hotels qui fonctionne avec le VC Pays Loudéac, comme TotalEnergies avec Vendée U. Même si Marc Madiot avait depuis longtemps misé sur les jeunes, la Conti de Groupama-FDJ n’est sortie du bois qu’en 2019.

« L’arrivée de Groupama en 2018 nous a donné le coup de pouce dynamique, humain et financier dont nous avions besoin pour concrétiser un projet que nous imaginions depuis le début de l’aventure » témoigne le manager général.

40% des stagiaires AG2R passent pro

Immédiatement confiée à Jens Blatter, l’équipe Continentale est basée à Besançon, accueille 12 coureurs entre 18 et 22 ans.

Ils sont accompagnés d’un capitaine de route plus expérimenté. Tous, rémunérés sur la même base de salaire et qui bénéficient d’un centre d’expertise et de partage des compétences avec l’équipe World Tour ; d’un stage en commun en Espagne tous les ans d’une semaine. Ainsi que de cours hebdomadaires d’anglais, de nutrition, de mécanique, de communication, de sponsoring et de prise en mains des outils d’entraînement.

Lors du récent Tour de Bretagne, plusieurs centres de formation étaient au départ; Development Team DSM, Israel Cycling Academy, Loto Soudal U23 (créée en 2007) avec un podium pour le jeune Vincent Retailleau et un top 10 pour Jordan Labrosse tous les deux d’une Conti AG2R vainqueur par équipe.

Au sein d’un cyclisme qui ne cesse d’évoluer et qui n’est plus le même sport à maturation lente d’il y a vingt ans, AG2R Citroën a su s’adapter.

« Le jeunisme que nous vivons actuellement n’est pas une tendance nouvelle, analyse Clément Dupuy, et il ne faut pas généraliser la réussite de quelques-uns, comme Pogacar, Bernal ou Evenepoel aussi forts soient-ils. Les sollicitations d’agents arrivent de plus en plus tôt, le monde autour du coureur change.Onalereculdecequisepassedanslefooteton connait les risques. »

Des politiques de formation différentes entre les équipes françaises

A la différence de chez Groupama-FDJ, aucun coureur en formation chez AG2R Citroën n’est payé.

« On marche sur deux jambes, le sport et les études. Notre taux de passage pro est de 40%, se félicite l’un des cinq directeurs sportifs de l’équipe (avec Léo Peters, Frédéric Ostian, Jean-Michel Flochon et Patrice Paquier) donc 60% ne passent pas pro et sont dans l’obligation de faire leur vie dans un autre domaine d’activité. »

D’où l’importance de ne pas former que des cyclistes, aussi des hommes qui se serviront toute leur vie de ce qu’ils ont appris dans ces centres de formation qui ne disent pas leur nom, mais qui se substituent petit à petit aux meilleurs clubs amateurs jusqu’à peu les uniques pourvoyeurs de futurs pros -, et qui constituent désormais une étape presque indispensable dans le long processus qui mène au professionnalisme.

(1) 28 coureurs passés par le CCF sont professionnels en 2021 dans 15 équipes différentes.

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