Depuis qu’il a prouvé qu’il pouvait rivaliser en montagne avec les meilleurs, tous les ans, la même question revient sur toutes les lèvres : et si c’était l’année Gaudu ? La question est d’autant plus légitime en 2023 que le Breton a réalisé le meilleur début de saison de sa carrière.
En 2021 déjà, alors qu’il venait de remporter la 6ème étape du Tour du Pays Basque, à la pédale face à Roglic, et que le Tour de France préparait son grand départ depuis chez lui, la Bretagne, tout le monde se demandait : et si c’était l’année de David Gaudu ?
Vainqueur de deux étapes de la Vuelta en 2020 (8ème au final), son nouveau statut de leader protégé, en l’absence de Pinot, le prédestinait à jouer un rôle de premier plan pour la pre-mière fois de sa jeune carrière. Prometteuse, sa 11ème place (2ème Français derrière Guillaume Martin) le plaçait encore à plus d’un quart d’heure du podium. Un an après, malgré ou grâce au retour de Pinot à ses côtés, la même attente entourait le grimpeur français alors qu’il venait d’enrhumer Van Aert de manière impressionnante sur les routes du Dauphiné.
Cette fois, la 4ème place au général le rapprochait à six minutes du 3ème, mais toujours loin d’un maillot jaune qu’il n’a toujours pas revêtu. Cette année, à l’approche de sa sixième Grande Boucle, à 26 ans, sa performance sur Paris-Nice (2ème), où il fut le seul à suivre le rythme imposé par Pogacar, laissant Vingegaard, Yates ou Bardet sur son porte-bagage, en fait logiquement un sérieux prétendant pour un premier podium… qui lui a échappé pour deux petites secondes sur le Tour du Pays Basque remporté haut la main par Vingegaard.
David Gaudu retrouve son esprit d’attaquant
Amoindri par des allergies, souvent à la limite de la rupture, Gaudu a puisé dans ses réserves physiques et mentales pour ne pas flancher sur des routes qu’il retrouvera à partir du 1er juillet. Avant d’attaquer les Ardennaises et d’entrer dans le dur de la préparation de son objectif numéro 1 de la saison, le Tour, ses trous d’air avaient semblé moins nombreux et surtout moins profonds que d’habitude. Le Costarmoricain aurait-il franchi un cap ?
Son coach, David Han, n’était pas loin de le penser, se satisfaisant de voir « un David Gaudu ayant retrouvé son état d’esprit d’attaquant ». « L’an passé, j’étais souvent en gestion, en mode effort curseur, disait-il sur le podium de la Promenade des Anglais, entre les deux dernières vainqueurs du Tour. Cette année, je veux répondre à leurs attaques, voire les attaquer. (…) Il ne faut pas s’exciter, garder ce rythme toute l’année. Vingegaard et Pogacar ne sont peut-être pas à 100% non plus. Une chose est sûre, ma forme m’a permis de rivaliser avec eux sur une semaine. »
« Un jour, il va bien falloir réussir à le battre » (Gaudu à propos de Pogacar)
Battu par le Slovène en mars, par le Danois en avril, la logique voudrait qu’il soit battu par les deux en juillet. Il refusait pourtant de tomber dans la fatalité. Après tout, il avait été le seul à pouvoir accompagner le premier au sommet du col de la Couillole, lors de la 7ème étape, avant d’être battu au sprint.
« Je fais encore 2ème derrière Pogacar mais un jour il va bien falloir réussir à le battre ! » Un jour… peut-être, sûrement même, mais plusieurs jours d’affilée sur trois semaines c’est une autre affaire.
« Gaudu a passé des paliers, c’est certain, note Cyrille Guimard, mais de là à le voir contrarier Pogacar… Le Slovène est apparu souverain sur tous les terrains cette année. Il était intouchable. Il faut voir s’il parviendra à maintenir ce niveau incroyable jusqu’au Tour où il aura une revanche à prendre. S’il a appris de ses erreurs de l’an passé, il sera encore plus fort. Et s’il ne l’est pas, il y a toujours Vingegaard qui semble en position de défendre son titre sans aucun problème avec une équipe très forte. »
Pogacar pas imbatable
Trop fort Pogacar, trop forte Jumbo-Visma pour Gaudu comme pour l’ensemble du peloton. « Ce n’est pas une question de talent, poursuit Guimard, car on a vu des vainqueurs de Tour qui en avaient moins que le petit Gaudu, mais de circonstances » de celles qui alignent les planètes et vous propulsent en jaune sur un fait de course, un abandon, une blessure, une échappée fleuve, une bordure…
Sur Eurosport, l’ami d’enfance de Gaudu, son coéquipier chez Groupama-FDJ, Valentin Madouas, ne se résignait surtout pas :
« Je crois vraiment que Gaudu peut gagner le Tour de France. Il a passé un cap depuis l’an dernier, il a trouvé sa manière de courir avec l’expérience d’un coureur de 26 ans. Il est très serein. Ce sera compliqué, car la concurrence est énorme donc ça ne dépend pas que de lui. Mais on part de toute façon pour faire mieux que l’an passé et pour se mettre en capacité de profiter de tous les aléas de la course. »
« On ne va pas se cacher, embrayait Gaudu. On vient sur le Tour pour jouer le podium », ce qui reste encore la meilleure manière d’observer le duel attendu entre Pogacar et Vingegaard, à l’affût d’une défaillance ou d’un statu quo qui profiterait à un troisième larron. Mais avec un podium, et en attendant peut-être mieux, on pourrait déjà répondre « oui » à la question qu’on se pose tous depuis trois ans : est-ce l’année Gaudu ?
Tom Boissy