11ème en 2021, 4ème en 2022, à 26 ans, David Gaudu peut rêver d’accrocher le podium sur la Grande Boucle. Bernard Hinault, dernier vainqueur français sur le Tour de France (1985), a peut-être trouvé (enfin) un successeur… Entretien réalisé pour Cyclisme Magazine et Le Quotidien du Sport.
Quel bilan faites-vous de votre saison passée ?
Il y a eu du bon et du moins bon. Il y a eu ces deux victoires (2ème étape du Tour de l’Algarve et 3ème étape du Critérium du Dauphiné, Ndlr), cette 4ème place au Tour de France. Il y a eu aussi une part de malchance, la chute, la blessure. C’est une saison qui va me servir aussi mentalement parce que j’ai réussi à être au top toute la saison. Maintenant, l’objectif, c’est aussi d’allier la saison physique de 2021, où j’avais été présent toute la saison, au mental de 2022.
La saison avait commencé par des déclarations tonitruantes sur le podium au Tour. Cette idée a-t-elle fait son chemin dans votre esprit ?
Quand Marc Madiot l’a annoncé, on a voulu prendre un peu de recul ! (rires) Quand on annonce un podium sur le Tour, ça reste quand même le Tour, la plus grande course, la plus difficile.
Ça faisait un petit peu peur sur le papier, après j’ai tellement été frustré du début de saison, une fois qu’on a passé Paris-Nice, les Ardennaises. Je suis arrivé au stage, quand j’ai repris, j’étais déterminé, j’avais envie que d’une chose, c’est le Tour de France ! Quand on réussit un Tour de France, ça efface presque tout une partie de sa saison. Je n’avais que ça en tête : le Tour, le Tour, le Tour.
Gaudu espère éviter la place du « con »
4ème du dernier Tour, sentez-vous que vous pouvez faire grimper le curseur encore plus haut ?
Cette année, l’idée, c’est clairement d’être au niveau physique. L’an passé, je pense que je n’ai pas été sur le Tour de France à 100% de mes capacités. En revanche, en termes de mental, j’ai réussi à passer un gros cap, ce qui a fait que ça a comblé mon niveau physique. Il faut pouvoir allier les deux maintenant. Quand on a fini 4ème du Tour, on ne peut plus se cacher, on ne va pas dire qu’on joue un top 10 alors que c’est l’objectif de l’année.
On est là pour faire mieux tout simplement donc là ce sera pour jouer le podium. On est en train de discuter de ce qu’on va mettre en place sur les stages pour tout simplement que j’apprenne à répondre aux attaques des grands favoris parce que l’an passé on avait beau être dans la gestion, maintenant si on veut progresser il faut aussi savoir répondre aux attaques.
Est-ce à dire que cette année on va vous voir répondre, attaquer aussi face aux grands leaders ?
Le but, c’est ça, c’est de pouvoir répondre, de pouvoir attaquer. L’an passé, avant le Tour de France, avec Marc, on avait un deal, c’était de ne jamais exploser, de toujours être là même si au lieu de perdre dix minutes, en perdre que deux ou trois, d’être toujours là dans le match pour le général. C’est ce qui s’est passé. Maintenant, il faudra prendre plus de risques. Je préfère prendre des risques pour essayer d’aller chercher le podium que de terminer 4ème du Tour encore une fois.
« Je préfère prendre des risques pour essayer d’aller chercher le podium que de terminer 4ème du tour encore une fois »
Le Tour 2023 a l’air taillé pour vous, cela rajoute-t-il de la pression ?
Comme j’ai toujours dit, sur le Tour, il y a toujours beaucoup plus de pression. L’an passé, je me suis mis dans un état pour pouvoir supporter la pression psychologique. S’il y a plus de pression, je serai dans le même état. Je pense que le parcours est l’un des parcours qui me convient le mieux.
On ne sait jamais, c’est peut-être la chance de ma carrière pour aller chercher le podium sur le Tour. Il y a un chrono qui se finit en bosse, il y a énormément de montagne, il y a des étapes assez courtes comme la dernière.
L’adversité est de plus en plus forte avec Pogacar, Vingegaard, Roglic, et Evenepoel qui arrive. Pouvez-vous être dans le match face à eux ?
Dans tous les cas, il faut toujours y croire. L’an passé, on était les seuls en janvier à croire qu’on pouvait titiller le podium. Même si on est assez loin en termes de minutes, on finit juste derrière le podium. Il faut toujours vouloir croire en sa bonne étoile et croire en soi. On disait que Pogacar était intouchable, au final il nous a fait une fringale dans le Granon.
On n’est pas à l’abri qu’il se retrouve dans une journée sans, ou qu’un autre coureur, même moi, se retrouve dans une journée sans. Après, je me détache un peu de cette génération des Pogacar, des Vingegaard, des Evenepoel. A leur âge, je n’avais pas la maturité qu’ils ont déjà. J’arrive un peu comme l’équipe à être un peu dans l’âge d’or, entre 27 et 30 ans. J’arrive à peu près dans cette période-là donc normalement c’est ça qui devrait faire la différence aussi.
David Gaudu veut lever les bras plus souvent
Sur quelles étapes avez-vous envie de lever les bras ?
On a envie toute l’année de lever les bras, si on peut lever les bras autre part qu’au Tour on a envie de lever les bras. C’est surtout que sur le Tour, un 14 juillet, gagner en haut du Grand Colombier, sur une montée sèche comme ça, c’est quelque chose qui peut me convenir.
Il y a forcément l’étape reine avec l’arrivée à l’altiport avec les 5500 mètres de dénivelé positif qui est alléchante, ça va être une étape de fou. Il y aura aussi forcément le Puy de Dôme qui est mythique, en fait presque toutes les épreuves de montagne sont alléchantes sur le papier. Je pense que ça va être un Tour très difficile où il va falloir être très fort.
Pour ce qui est des autres courses, Liège-Bastogne-Liège c’est un rêve. Mon rêve, c’est de gagner le Tour de France, mais peut-être que mon deuxième rêve, c’est de gagner Liège-Bastogne-Liège. C’est une course que je regardais quand j’étais gamin. J’ai eu la chance de faire 3ème (en 2021, Ndlr), c’est une classique qui correspond à mes caractéristiques et maintenant c’est de plus en plus débridé. Gagner Liège-Bastogne-Liège est dans un coin de ma tête.
Sentez-vous une pression de plus en plus importante sur vous après votre 4ème place ?
Je me mets la pression naturellement. Après, c’est sûr qu’il y a plus de pression, il y a de plus en plus d’attentes. On va dire que ça fait partie du jeu et que derrière je me remets une pression supplémentaire aussi. C’est ce qui me fait avancer aussi, j’ai toujours fonctionné comme ça depuis que je suis tout petit.
Propos recueillis par Olivier Rivaud