Arrivé en cours de saison dernière sur le banc de Rodez, Didier Santini met en avant le professionnalisme du club, qui lui permet de mettre ses idées en place. Si le RAF a l’un des plus petits budgets de Ligue 2, il s’appuie sur une cohésion sans faille, à tous les étages, pour grandir. Entretien avec un entraîneur qui s’éclate en Aveyron.
On avait laissé Rodez sur le match de Bordeaux, en juin dernier… Ce match arrêté et les polémiques qui ont suivi n’ont pas laissé de traces ?
Non. On a bien réagi, on a fait ce qu’il fallait. En restant très discret, ce qui nous a empêché de dire des conneries. Nous, on n’y est pour rien, on est resté focus sur ce qu’on avait à faire. On a laissé les gens parler, on a continué à travailler pour mettre des choses en place. Après, si les gens ont envie de parler, ils parlent, on n’empêchera pas la bêtise humaine…
La saison dernière, vous étiez arrivé en cours de saison, ça change tout, de prendre l’équipe en main dès le début ?
C’est toujours mieux de prendre l’équipe en début de saison. Tu choisis tes joueurs en fonction de ce que tu veux mettre en place. Ce n’est jamais facile d’arriver en cours de saison. Ça a été un peu compliqué au départ, avant que les joueurs intègrent ce je voulais mettre en place.
« Tous les joueurs ont été choisis de façon collégiale, à partir de profils bien précis »
Finalement, ça s’est plutôt bien passé, puisque le club a même fait son record de points depuis qu’il est en Ligue 2…
Après des débuts un peu difficiles, on a connu une très belle période, puis on s’est peut-être un peu relâché, et c’est devenu plus compliqué. Mais dans l’ensemble, c’est une satisfaction.
Pendant le mercato, vous avez pu faire ce que vous vouliez ?
On a gardé 14 joueurs, pour le reste, on a choisi en fonction de ce que l’on veut mettre en place sportivement, mais aussi, en fonction de l’état d’esprit, des valeurs qui sont les nôtres. Tous les joueurs ont été choisis de façon collégiale, à partir de profils bien précis. On voulait des joueurs qui courent, qui ont du volume de jeu…
Le point noir du mercato, c’est le départ de votre capitaine, Rémy Boissier, parti à Dunkerque…
C’était quelqu’un qui représentait parfaitement ce que je veux, mes valeurs… C’est pour ça que j’ai passé deux heures et demi au téléphone avec lui, pour essayer de le convaincre de rester. Mais après, c’est son choix et on doit le comprendre. Moi même, durant ma carrière, j’ai pu faire ce type de choix. Après 9 ans passés ici, il pensait qu’il avait fait le tour, il avait besoin de vivre autre chose. C’est son choix à lui, pas le nôtre, mais il faut le respecter.
« Avec Dunkerque, ça s’est terminé en queue de poisson, mais ensuite, tout s’est très bien passé, les dirigeants sont restés mes amis. »
Vous allez le revoir samedi puisque Rodez se déplace à Dunkerque, un club que vous connaissez bien, pour l’avoir entraîné en National, avec de belles choses, avant d’être écarté… C’est un souvenir douloureux ?
Franchement, je suis très heureux de retourner là-bas, retrouver des gens que je connais très bien. Ça s’est terminé en queue de poisson, mais ensuite, tout s’est très bien passé, les dirigeants sont restés mes amis. On peut ne pas être d’accord sur certains points parfois, mais ça s’arrête là.
Vous êtes 8èmes , jusqu’où peut aller Rodez ?
C’est une équipe qui a d’énormes qualités, notamment athlétiques, des valeurs, du talent. Je pense que les joueurs n’ont pas pleinement conscience de leurs limites. C’est une équipe très jeune, on doit avoir le deuxième plus jeune effectif de Ligue 2. Après, il y a des choses qui ont évolué, depuis la saison dernière. Sans doute un peu grâce à notre parcours en Coupe de France. Quand on affronte des équipes comme Angers, Saint-Etienne ou Auxerre, par exemple, les joueurs ne sont plus focus sur les noms des joueurs qui sont en face, mais savent qu’ils sont capables de gagner.
De quoi espérer une belle saison…
C’est encore trop tôt pour espérer quoi que ce soit, on est 8èmes aujourd’hui, mais à deux points de la 15ème place… Mes joueurs ont de la qualité, mais il faut qu’ils soient à 100% durant toute la saison. Ça demande beaucoup de travail.
« J’ai des jeunes joueurs qui, dans deux ans seront sans doute plus haut, mais pour ça, il faut qu’ils en prennent conscience »
Vous avez un objectif de points ?
On a quand même l’un des plus petits budgets de Ligue 2 (ndlr : le plus petit, avec 8 millions d’euros). Mais, comme j’ai expliqué à mes joueurs, quand je jouais à Bastia, chaque saison, on nous envoyait en Deuxième division, mais cela ne nous empêchait pas de terminer 7ème et jouer une finale de Coupe de la Ligue… Parce qu’on avait des valeurs, même si les gens pensaient qu’on était un petit club. Aujourd’hui Rodez n’est pas un petit club. C’est la 5ème saison en Ligue 2. Les dirigeants ont fait un super boulot pour péreniser le club. Il y beaucoup de talents dans l’équipe. J’ai des jeunes joueurs qui, dans deux ans seront sans doute plus haut, mais pour ça, il faut qu’ils en prennent conscience, qu’ils restent eux-mêmes, avec leurs valeurs, et qu’ils bossent.
« Mon meilleur souvenir ici, c’est la semaine qui a précédé le match à Bordeaux. On avait très bien travaillé et, pendant 25 minutes, tout s’est passé exactement comme prévu »
Tout le groupe a appris beaucoup de la saison dernière, avec des hauts et des bas…
Après une bonne phase, on s’est peut-être un peu endormis… C’est là que l’expérience a peut-être manqué. Paradoxalement, ma meilleure semaine, depuis que je suis arrivé à Rodez, c’st celle qui a précédé le déplacement à Bordeaux. On a vraiment bien travaillé, avec beaucoup de rigueur et de sérénité, sans se mettre de pression et, pendant les 25 premières minutes du match, tout se passait exactement comme on l’avait envisagé.
A Dunkerque, vous dirigerez seulement votre 30ème match en Ligue 2, pourtant, on a l’impression que vous avez dix ans d’expérience… Vous restez toujours calme, comme si les évènements n’avaient pas de prise sur vous…
Que tu entraînes en R1, en National ou en Ligue 2, c’est la même chose. Tu ne dois pas mettre de stress à tes joueurs. J’avais moins de raisons de rester calme, quand j’entraînais dans certaines divisions, quand je pensais qu’il n’y avait pas assez de professionnalisme… A Rodez, j’ai la chance de travailler avec un staff que j’ai choisi de garder, alors que beaucoup étaient en fin de contrat cet été. Je suis entouré de gens très compétents, avec lesquels j’ai un véritable plaisir de travailler.
On sent une cohésion forte dans l’équipe, mais aussi sur le banc, c’est important…
Quand je suis arrivé, j’étais novice en Ligue 2, mais j’ai eu la chance de trouver des gens qui m’ont beaucoup aidé à mettre mes idées en place. J’ai un président qui est toujours derrière moi, qui croit en moi. On se parle, on se dit les choses, même si on n’est pas toujours d’accord.
Le raisonnement est le même avec les joueurs, la communication, c’est la clé ?
J’entraîne de très bons joueurs, ils sont tous très bons. C’est à nous de tout faire pour bien les accompagner, les tirer vers le haut. Dire à un joueur à la fin d’un match : « On n’a pas gagné parce que t’as raté un but », ce serait complètement stupide. Tous mes joueurs ont d’énormes qualités, mais il faut qu’ils en prennent conscience.
Se donner le temps de communiquer, parfois individuellement, avec les joueurs, c’est primordial ?
Tu as de la confiance en tes joueurs, des gens compétents autour de toi… Le contexte est parfait. C’est important de se donner du temps. Thomas (ndlr : Frette, préparateur physique), il sait où je veux aller, on est sur la même longueur d’ondes, c’est pareil avec mon adjoint Emerick (ndlr : Darbelet), comme avec tout le staff.
« En arrivant, je savais ce que je voulais faire. J’avais tout mis en place sur un « power point » il y a six ans. Ce staff, les conditions de travail, c’était mon rêve »
Etre entouré, c’est la grande différence avec le monde amateur ?
Le monde amateur, c’est parfois compliqué, tu dois gérer plein de choses à la fois, jusqu’aux ballons… Là tu ne t’occupes que de ce que tu veux mettre en place. Quand tu as un staff qui a des qualités, il faut s’en servir.
C’était mon rêve, depuis 2017, 2018… Ce que je voulais faire, je l’avais mis en place sur un « power point ». Je leur ai montré en début de saison. Au président, au directeur sportif, à tout le staff. Ils ont vu ce que j’avais écrit 7 ans avant. Et à 90%, c’est exactement le staff que je voulais. C’est comme ça que je voulais bosser. J’adore travailler comme ça. Prendre un, deux joueurs et travailler sur le terrain avec lui, parler tactique… pendant qu’Emerick s’occupe de l’entraînement. Ce qu’il fait hyper bien, parce qu’il a des qualités exceptionnelles.
Revenons à la compétition. Laval, où Rodez s’est incliné (1-0, en toute fin de match) est en tête, après s’être sauvé miraculeusement la sison dernière… Le championnat de Ligue 2 est fou !
C’est une super équipe. Ils se connaissent bien, jouent ensemble depuis longtemps. Avec le même entraîneur. Il ne faut pas oublier que la saison dernière, Laval était 7ème ou 8ème à la trêve. Après, ils ont eu une mauvaise période, avec une série d’une douzaine de défaites. De nombreux présidents auraient viré leur entraîneur, mais Olivier Frapoli, qui connaissait bien son équipe, est resté. On voit le résultat aujourd’hui.
La grande majorité des équipes de Ligue 2 a déjà joué en Ligue 1, certaines tout récemment, comme Troyes et Auxerre, prochains adversaires de Rodez après Dunkerque… Ce sont des matchs qu’on aborde différemment ?
On prépare tous les matchs de la même manière. Mais rien ne dit que c’est plus difficile de jouer contre Troyes qu’à Dunkerque. Ce n’est jamais évident de passer de la Ligue 1 à la Ligue 2. Personnellement, je préfère affronter des équipes comme Angers, Troyes ou Auxerre que Laval ou Dunkerque.