vendredi 29 mars 2024

Emiliano Martinez, le vilain des Villans

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Frédéric Denat
Frédéric Denat
Journaliste

Une seule action, dans le temps additionnel de la prolongation de la finale de la Coupe du monde, a suffi pour en faire le héros de tout un peuple. Sans cette sortie « en diagonale » décisive face à Kolo Muani, Emiliano Martinez, sacré meilleur gardien de l’année 2022 à la cérémonie FIFA The Best, ne serait jamais devenu le vilain des Villans !

« Je suis sorti en diagonale en laissant volontairement un peu d’espace sur ma gauche au premier poteau. Comme pour lui dire : « Vas-y, mets-là à cet endroit ». Je l’ai poussé à tirer là. Puis, au moment de sa frappe, j’ai détendu mon bras et ma jambe gauche pour refermer l’angle. »

Lorsqu’il décortique pour France Football la parade la plus importante d’une carrière déjà largement entamée, l’international argentin de 30 ans poursuit : « C’est quelque chose que j’avais travaillée. Le fait de m’être entraîné pendant des années avec de grands attaquants m’a aidé sur cette action. »

En profitant du manque d’expérience du jeune attaquant français (un Mbappé en feu ne serait pas tombé dans son piège !), Emiliano Martinez a tiré parti d’un parcours atypique qui lui a effectivement permis de croiser rapidement la route des plus grands attaquants de la planète, notamment Thierry Henry ou Robbin Van Persie lorsqu’il est arrivé à Arsenal.

Martinez a un début de carrière discret

Mais qui ne le prédestinait pas à devenir un jour champion du monde. Vendu à 17 ans par son club formateur, le CA Independiente, numéro 3 derrière Ospina et Szczesny, Martinez n’a jamais réussi à s’imposer chez les Gunners malgré 2 apparitions précoces en Ligue des Champions (2014/2015) et 15 matches de Premier League éparpillés sur six saisons.

Au milieu de ses nombreux prêts en D2 ou D3 anglaise (Oxford, Sheffield, Rothertam, Wolverhampton ou Reading) où il n’imprimait toujours pas, son passage en Liga du côté de Getafe en 2017/2018, où il ne fut aligné qu’à 7 reprises, semblait confirmer qu’il n’avait pas l’étoffe d’un grand gardien, en tout cas pas d’un de ceux qui marquent leur temps et entrent

dans la légende d’un pays. Et pourtant… Pour lui, tout va s’accélérer lors de la saison 2020/2021. En signant à Aston Villa après avoir assuré l’intérim à Arsenal pour aller décrocher la Cup anglaise et le Community Shield, sa première sélection avec l’Albiceleste en juin 2021 pour la Copa America est un vrai déclic.

Désormais, il y a Schumacher, Buffon… Et lui !

A 29 ans, il a assez de bouteille et de talent pour gérer mentalement cette promotion tardive, s’imposer enfin et, déjà, être décisif pour arrêter trois tirs au but en demi-finale face à la Colombie puis d’aller chercher la Copa face au Brésil en finale, 28 ans après le dernier succès des Argentins.

Enfin titulaire avec les Villans en Premier League, élu meilleur gardien de la compétition sud-américaine, Emiliano Martinez ne va ensuite cesser de monter en puissance jusqu’à ce 18 décembre 2022 qui le fait entrer dans une autre dimension. En l’espace de quelques minutes, d’inconnu du grand public et de beaucoup d’observateurs, « Dibu » devient le héros de toute l’Argentine.

Avant de s’égarer dans des célébrations indignes de son talent et de son parcours, tout avait été presque parfait pour l’enfant de Mar del Plata. Dans le tabloïd anglais, The Mirror, même Arsène Wenger, celui qui l’a recruté à Arsenal en 2010 et lui a offert sa première chance en 2012, à 20 ans, ne tarissait pas d’éloges sur son ancien gardien :

« Il symbolise bien le rapport passionnel qu’entretiennent les Argentins avec le foot. Lorsque je le côtoyais à Arsenal, il dégageait beaucoup de confiance en lui, même s’il ne jouait pas beaucoup et il parvenait à se nourrir des grands matches sans être inhibé. Avec une tendance à être parfois trop confiant quand les choses allaient bien pour lui… »

Un excès de confiance remarqué par Wenger

Le portrait est pertinent qui renvoie a posteriori autant aux pitreries ridicules de Martinez après le sacre, qu’à ses performances XXL en quarts de finale face aux Pays-Bas et en finale face à la France avec pas moins de 4 tirs au but arrêtés et cette fameuse sortie en diagonale pour enfoncer le clou.

« Nous étions conscients de ses immenses qualités, poursuit Wenger. Il était déterminé, avait une grande passion du jeu et avait le désir d’apprendre. Même lorsqu’il ne jouait pas, continuait à s’entraîner avec la même conviction et la même motivation. Le voir à ce niveau en sachant tout ce qu’il a traversé est encore plus remarquable. Il peut être fier de ce qu’il a réalisé. »

Lorsque nous l’interrogeons sur son compatriote désormais célèbre, l’ancien stéphanois Oswaldo Piazza préfère dédramatiser ses dérapages et insister sur sa capacité de résilience.

Martinez dans la même trempe que Buffon

« Il ressemble à cette équipe d’Argentine parce qu’il vient de loin lui aussi, personne nous attendait à ce niveau, et parce qu’il a puisé sa grinta dans une carrière où rien ne lui a été donné facilement. Sa personnalité est ce qu’elle est mais, sur le terrain, il répond présent et ne manque de respect à personne. »

Et c’est vrai qu’au rayon des gardiens qui ont fait pleurer les Bleus en Coupe du monde, Martinez n’est pas le pire. Le vilain des Villans l’est beaucoup moins que le cynique et violent Harald Schumacher du France-Allemagne de Séville (1982).

Avec Gianluigi Buffon qui ôta d’une claquette la possibilité à Zidane de réaliser en 2006, après celui de 1998, son deuxième doublé en finale, il est tout de même sur le podium et pour un moment encore dans toutes les têtes de tous les supporteurs français qui ne sont pas prêts d’oublier cette diagonale du fou !

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