L’ancien attaquant du Togo, Emmanuel Adebayor, qui a participé à la Coupe du Monde 2006, sera l’un des consultants de New World Sport, qui diffusera l’intégralité des matchs. Il nous livre ses pronostics et croit à une victoire finale du Sénégal.
Vous vous lancez dans cette aventure avec New World TV pendant la Coupe du monde. Que pensez-vous apporter ?
Je serai consultant, on va parler football, c’est ce que j’ai toujours fait, ce que je connais le mieux. J’ai eu la chance de jouer avec tous les meilleurs joueurs de toutes les générations : Messi, R9, Zinedine Zidane, Roberto Carlos, Ronaldo qui va être là encore à la Coupe du monde. C’est quelqu’un que je connais de l’intérieur comme de l’extérieur. On a été au restaurant ensemble, on s’est entraînés ensemble, on a joué des matches ensemble donc je connais plus ou moins la qualité de l’homme. Je vais pouvoir partager son quotidien. Parler du football, c’est ce qui m’inspire le plus. J’ai joué avec les meilleurs, je me suis fait entraîner par les meilleurs, notamment Arsène Wenger, Didier Deschamps, Roberto Mancini, Harry Redknapp ; je connais tout le monde.
J’ai été le voisin direct de Sir Alex Ferguson à Manchester. Et maintenant, pour une fois, j’ai la chance qu’il y ait une nouvelle chaîne qui soit née, qui est New World TV, qui est togolaise donc je ne peux qu’être content. Ils m’ont contacté, je leur ai donné tout de suite mon accord parce que c’est l’Afrique qui gagne, c’est mon pays qui gagne. Je suis tellement fier qu’aujourd’hui tout mon pays, toute la nation aura le droit de regarder la Coupe du monde. Je suis un Togolais qui a bien gagné sa vie, je suis quelqu’un qui n’a besoin de rien, mais quand je vois le prix proposé par New World TV pour la Coupe du monde, j’ai l’impression que sur les 7 millions et quelques d’habitants, il y aura peut-être minimum six millions qui pourront s’abonner.
On vous sent touché.
Je ne pouvais pas dire non, d’autant plus que c’est une chaîne togolaise. Il va falloir les accompagner pour promouvoir l’Afrique, promouvoir mon pays. Vous savez, ça fait très longtemps qu’on a du mal footballistiquement. Mon pays qui est le Togo a du mal à gagner des matches, a du mal à se qualifier pour des CAN, donc peut-être via notre chaîne, via cette chaine-là, on peut faire d’autres projets, installer des infrastructures pour retrouver l’équilibre dans le pays, pour qu’on puisse aller de l’avant.
Pourquoi, à vos yeux, est-ce important que ce soit un projet panafricain ?
J’ai eu la chance de jouer en Europe donc je n’avais pas de problèmes à payer tout ce qui est Canal +, Sky Sports, BT Sport mais, pour mes jeunes frères et sœurs, c’est autre chose, c’est très cher. Certaines personnes gagnent 30€ par mois en Afrique, alors que l’abonnement à Canal + chez nous c’est plus ou moins déjà 25 ou 30€, donc ça te fait un mois de salaire. Là, pour 4 à 7 € par mois, c’est possible ! On va travailler ensemble pour promouvoir l’Afrique et que l’Afrique gagne quelque chose, devienne un meilleur continent. Aujourd’hui, cela fait deux ans que je suis en Afrique et je vois que le monde de demain va vers l’Afrique.
Comment voyez-vous cette Coupe du monde pour les équipes africaines ?
On va tous être derrière le Sénégal, d’autant plus que c’est la meilleure équipe en ce moment en Afrique. C’est la dernière équipe qui vient de remporter la CAN qui s’est déroulée en janvier au Cameroun, avec notamment un joueur comme Sadio Mané (ce dernier s’est blessé juste avant le Mondial et est incertain, Ndlr), un défenseur comme Koulibaly, un milieu de terrain très redoutable, très connu comme Gana Gueye ; je pense qu’aujourd’hui le Sénégal peut rivaliser contre tout le monde avec un joueur qui vient de terminer deuxième meilleur joueur au monde au Ballon d’Or. Dans l’histoire, c’est le deuxième qui arrive à ce stade-là, parce que le tout premier était son Excellence Mister George Weah qui a gagné le Ballon d’Or en 1995. A nous de le soutenir, d’envoyer nos prières vers lui, pour qu’il puisse nous ramener la Coupe du monde sur notre continent. Après, les autres pays comme le Maroc, la Tunisie, le Ghana, le Cameroun, on doit les soutenir car c’est l’Afrique.
Le football africain a-t-il progressé ?
Bien sûr, le football a beaucoup progressé, aujourd’hui on voit le développement, on voit le championnat ivoirien qui est diffusé sur Canal +, New World TV vient de signer une convention avec le championnat togolais qui va s’appeler championnat D1 Lonato, ce qui est énorme. Ça va permettre de promouvoir les joueurs. Il y a cinq-six ans, il n’y avait pas de championnat dans notre pays. Aujourd’hui, c’est régulé, chaque année il y a un championnat. Donc c’est à petits pas, mais on va vers l’objectif.
« Porter le maillot et les couleurs de son pays à la Coupe du monde, il n’y a rien de plus beau, de plus extraordinaire »
Racontez-nous votre premier souvenir de Coupe du monde ?
J’avais 13-14 ans si j’ai une bonne mémoire en 1998. Je suis parti à l’entraînement, j’étais dans un club qui s’appelle CDS, Centre de Développement Sportif, et en rentrant il était tard. J’étais dans un quartier où une seule personne avait une télé. Automatiquement, tout le quartier à chaque match se retrouvait là-bas. On parle de la finale de la Coupe du monde entre le Brésil et la France, j’étais obligé de regarder, je devais regarder ! Quand je suis arrivé après l’entraînement, il n’y avait plus de place dans la maison. Donc j’ai été obligé de regarder la finale via les fenêtres. Et quelques années plus tard je me retrouve avec l’acteur principal de cette finale qui est Zinedine Zidane. J’ai joué contre lui quand j’étais à Monaco. Quand je l’ai vu, c’est juste l’émotion qui m’a emporté. “Ok donc c’est réel, Zidane il existait vraiment !”. Je ne savais pas que les joueurs étaient réels. Pour un petit togolais, je vous parle de 1998, il n’y avait pas de lumière, d’électricité, même pas de salle d’eau chez moi, c’est pour vous dire, je me retrouve à être dans le vestiaire avec Ronaldo, Iker Casillas, les Ramos, les Thierry Henry, Dennis Bergkamp. C’est franchement un rêve qui est devenu réalité d’un enfant qui est né en Afrique, qui à l’époque n’avait pas de chaussures, qui n’avait pas de cahiers à l’école, mais je me suis focalisé sur ma carrière, sur mon football et c’est le football qui m’a permis d’être la personne que je suis aujourd’hui.
Vous parlez du Sénégal, peut-il offrir la première Coupe du monde à l’Afrique ?
C’est le souhait ! Mais ça va être compliqué, ça va être très difficile, d’autant plus que je vois maintenant des équipes comme le Brésil avec des joueurs en pleine forme. Mais, sur un terrain de football, avec la motivation, avec le continent qui va être derrière eux, en tout cas moi j’en rêve. C’est gratuit, ce n’est pas payant de rêver, après si ça se réalise il n’y a rien de mieux. Si ça ne se réalise pas, on va continuer et on va attendre encore la Coupe du Monde 2026.
Qui voyez-vous en finale ?
Pour la finale, j’aimerais bien voir Brésil-Sénégal.
Le Sénégal champion du monde, ça paraît compliqué…
C’est le rêve d’un gamin. Si on m’avait dit que j’allais jouer à Madrid…. Le rêve, on a le droit de rêver. Si le Sénégal finit deuxième, c’est déjà énorme. J’ai déjà vu jouer Sadio Mané, je l’ai vu grandir, quand il était à Southampton. Je savais qu’il avait beaucoup de talent, de potentiel, mais je n’aurais jamais pensé qu’un jour il serait deuxième meilleur joueur du monde. Cela veut dire qu’en étant sérieux, en travaillant, tu peux y arriver, tous les rêves sont permis. Il peut aussi nous ramener la Coupe du monde chez nous, c’est mon souhait bien sûr.
Vous avez joué la Coupe du Monde en 2006. Quel souvenir gardez-vous de cette Coupe du monde en Allemagne ?
J’étais très jeune, 19-20 ans, et je ne me rendais pas compte de ce qu’était la Coupe du monde. C’est seulement six, sept ans après que je me suis rendu compte que c’est grandiose ce qu’on a fait. Je souhaite à tout jeune footballeur, qui va devenir footballeur de haut niveau, d’au moins une fois jouer la Coupe du monde. La dernière fois, on était au Liberia pour rencontrer le président de la République, Mister George Weah, et on parle, on parle ; on lui dit tu étais fort comme attaquant, il dit moi j’étais le meilleur joueur du monde, moi en rigolant je lui dis meilleur joueur du monde ? Mais tu n’as pas fait la Coupe du monde ! Porter le maillot et les couleurs de son pays à la Coupe du monde, je peux vous garantir, la main sur le cœur, il n’y a rien de plus beau, de plus extraordinaire. Et en plus de cela en étant togolais. Le Togo, c’est un petit pays de 7 millions d’habitants, il n’y pas de grands joueurs, il n’y a pas de joueurs qui jouent la Champions League. A l’époque, il n’y avait pas un joueur qui était en Champions League et on était quand même qualifié pour la Coupe du monde. Il n’y a rien de plus beau que ça.
« Didier Deschamps sait très bien qu’il a perdu des éléments très importants »
Vous avez évoqué Ronaldo. C’est sa dernière chance de gagner la Coupe du monde.
Il y a Ronaldo, il y a Messi, c’est leur dernière Coupe du monde. C’est une Coupe du monde qui va être très compliquée pour eux. Les jeunes joueurs d’aujourd’hui ça court vraiment vite, ils sont physiques. Maintenant, c’est leur dernière Coupe du monde, leur dernière grande compétition, ils sont aussi motivés que les jeunes donc ça va être une Coupe du monde intéressante à regarder.
Pensez-vous que l’équipe de France puisse faire le doublé ?
Ça va être compliqué avec les blessures de Kanté et Pogba. Qu’on le veuille ou non, Pogba, c’est l’ambianceur de l’équipe, l’animateur. Kanté, c’est le plus silencieux des footballeurs que j’ai connus, très sérieux, très zen, il fait son boulot, on lui demande 100, il donne 220 ! Didier Deschamps que je connais très bien va vous dire que oui on va aller à la Coupe du monde pour quelque chose, mais il sait très bien qu’il a perdu des éléments très importants.
« Si le Qatar peut accueillir une Coupe du monde, un pays africain aussi ! »
Un dernier mot, qu’est-ce que vous devenez, quels sont vos projets ?
J’ai beaucoup de projets en ce moment, je suis consultant chez New World TV pour commencer, je travaille avec l’ambassade des Etats-Unis au Togo, je travaille aussi avec l’ambassade de France. J’ai mon projet d’agriculture, je suis en train de construire un centre de formation chez moi pour développer les jeunes joueurs, pour leur donner la chance de trouver des clubs en Europe et je suis dans l’immobilier parce que quand je jouais j’ai investi. J’ai une agence, j’ai des gens qui travaillent pour moi. Je voyage en Afrique, on m’appelle maintenant chez moi le pigeon voyageur parce que je voyage tous les deux ou trois jours, je profite au maximum.
Comment vous investissez-vous pour le football togolais ?
Je suis né pour aider le football togolais, j’ai mis ma vie, j’ai risqué ma vie pour le Togo et aujourd’hui je n’ai pas de raisons pour abandonner. Tout que je peux faire, c’est combattre pour que le Togo retrouve son rang. A un moment donné, on faisait partie des dix meilleures équipes en Afrique donc on peut le retrouver avec l’état d’esprit, l’envie, la motivation, avec la communion de la population, on peut y arriver.
Revoir une Coupe du monde sur le sol africain vous y croyez ? Il n’y en a eu qu’une seule, c’était en Afrique du Sud en 2010.
Bien sûr, si même le Qatar arrive à accueillir la Coupe du monde… C’est vrai qu’on l’a accueillie en 2010 en Afrique du Sud qui était vraiment magnifique. Maintenant, on fera tout aussi pour pouvoir l’amener peut-être en Afrique sub-saharienne, francophone ou anglophone. Un pays comme le Nigeria, le Ghana, je pense qu’il y a les infrastructures, il y a tout pour accueillir la Coupe du monde. Maintenant, on est en 2022, le but c’est de ramener la Coupe du monde chez nous donc je préfère me focaliser sur comment faire pour que la coupe revienne chez nous pour une fois. Après, on verra comment faire pour l’organiser. Mais, pour l’instant, c’est de se focaliser pour pouvoir la gagner.