mardi 5 novembre 2024

Frédéric Fauthoux (sélectionneur de l’équipe de France) : « Je rêve d’un basket total ! »

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Arnaud Bertrande
Arnaud Bertrande
Rédacteur en chef — Pole Sport Lafont presse

A 51 ans, l’entraîneur de Bourg-en-Bresse, nouveau sélectionneur de l’équipe de France, va essayer de faire aussi bien voire mieux que son prédécesseur Vincent Collet (8 médailles internationales en 15 ans).

Vous avez atteint votre rêve en prenant les rênes de l’équipe de France. Repensez-vous à vos débuts ?

Beaucoup. Quand on arrive à ce poste-là, l’émotion est très forte. On pense surtout à tout ce qui a été vécu avant. Les gens que l’on aimerait qui vivent ça aussi avec nous, mais qui ne sont plus là… J’ai aussi une pensée pour Pierre Saillant à Pau car, sans lui, je n’aurais jamais été joueur professionnel.

A quel moment vous êtes-vous senti prêt pour endosser cette responsabilité ? 

D’année en année, on s’améliore, on prend de l’expérience, du vécu, donc on se rapproche de de plus en plus de son meilleur niveau. Mais je crois qu’on ne sait jamais réellement si on est prêt ou pas. Il y a 10 ans, quand j’ai commencé à entraîner en remplaçant Antoine Rigaudeau à Levallois, je ne savais pas si j’étais prêt. Je pense que j’ai les capacités pour être le sélectionneur de cette équipe de France. On a aussi fait le nécessaire pour s’entourer d’un staff qui est costaud et compétent. Mais on verra cet été si j’étais prêt…

« L’héritage est lourd, ça doit pousser tout le monde »

Vous avez parlé d’héritage. Il y a un renouvellement aussi de joueurs. Comment allez-vous réussir à vous émanciper de cet héritage ?

Ce qui est sûr, c’est que je vais apporter ma personnalité. Je suis quelqu’un qui aime les gens, donc il faut qu’on se dise les choses. Je vais amener ma personnalité et un jeu pour essayer de gagner. L’émancipation, ce n’est pas quelque chose qui m’intéresse. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est de prendre le relais avec une nouvelle génération encadrée par des anciens de très haut niveau.

8 médailles internationales en 15 ans, c’est un sacré héritage !

L’héritage est lourd, mais ça doit pousser tout le monde. On a eu une seule fois l’or, mais le palmarès est exceptionnel.

Comment arrive-t-on à imposer sa patte quand on succède à Vincent Collet ?

On n’a pas le même feeling avec le jeu, on n’a pas le même caractère donc s’imposer c’est être soi-même avant tout et moi je serai moi-même. J’imposerai ma patte. Est-ce qu’elle va marcher ? L’avenir nous le dira.

Avez-vous le sentiment d’être le sélectionneur de l’une des meilleures équipes du monde ? 

J’aurai cette sensation-là si un jour on gagne (sourire).

Allez-vous mener de front l’équipe de France et votre club de Bourg-en-Bresse ?

Le sujet a été assez vite évacué puisque je viens de resigner avec Bourg-en-Bresse. Certaines choses ne pouvaient pas être cumulables, c’est-à-dire Euroligue et équipe de France en raison de la charge de travail trop importante. J’ai demandé à mes dirigeants que, si j’étais choisi pour prendre cette sélection, on me laisse faire les fenêtres et les compétitions estivales. Ce qui a été accordé. J’essaie de construire des choses assez solides au niveau de mes staffs pour que, s’il manque une pièce, tout ne s’effondre pas.

Vous avez coaché Risacher à Bourg et Wembanyama à l’ASVEL. A quel point est-ce important dans la transition qui va arriver en équipe de France ?

C’est une chance de les avoir déjà croisés. Victor, une année à l’ASVEL où malheureusement il a été blessé, donc il n’a pas fait une saison pleine, mais c’était une saison très intéressante pour connaître sa personnalité, son éthique de travail, ses objectifs. Zaccharie, c’est différent. Ce n’était pas un pari, mais plus une responsabilité que lui me donnait de l’amener le plus haut possible dans ses attentes pour le très haut niveau. Je ne vais pas vous mentir, je ne pensais pas que ça allait être aussi haut. Mais oui, c’est une chance de les avoir côtoyés. Je les ai même connus plus tôt puisque leurs sœurs jouaient avec ma fille en U16, je les voyais jouer avec le petit Tidjane Salaün sur les mi-temps des matches internationaux à Bourges notamment. Mais cette nouvelle génération ne pourra être qu’excellente si aussi elle est bien encadrée par la génération qui va aller jusqu’à Los Angeles 2028. Les Lessort et Yabusele, j’ai eu la chance pendant un été U20 d’être assistant avec Laurent Vila de Monsieur Toupane et c’était cette génération-là. On se connait assez maintenant bien humainement pour aujourd’hui sur le terrain avoir des résultats. Mais pour ça, il va falloir qu’une mayonnaise prenne. Il va falloir qu’on fasse des matches, des compétitions, avec un style de jeu.

« J’ai cette soif de vouloir gagner »

Est-ce également une motivation de coacher les Wembanyama, les Risacher ? 

C’est aussi une responsabilité. C’est ce que j’ai dit quand Zaccharie est arrivé à Bourg-en- Bresse. Ses parents nous ont confié, à moi, à mon staff, au club, l’avenir de Zaccharie pour le faire aller le plus haut possible. C’est pareil quand on les sélectionne. J’espère déjà qu’ils feront une très belle saison dans leurs clubs. Ça garantira aussi une bonne campagne avec l’équipe de France. Ce sont des joueurs d’exception. Il faut les considérer comme tel et les faire jouer comme tel, mais avant tout il faut qu’ils s’intègrent dans un collectif parce que tout seul on ne pourra jamais gagner. On parle beaucoup de la nouvelle génération et c’est très bien, mais il ne faut surtout pas oublier qu’il y a une génération qui est en place qui a fait de superbes résultats cet été. De ces joueurs-là aussi on aura besoin pour faire la meilleure équipe possible. On ne peut pas non plus faire une équipe qu’avec des joueurs de 18 ans, ce n’est pas possible. Il faut des cadres importants, forts et qui ont un gros sens du collectif et du devoir. 

Allez-vous devoir canaliser votre caractère sanguin ?

J’ai été basketteur professionnel. Personne ne pourrait le croire parce que je ressemble à quelqu’un de lambda avec mon mètre 81 et mes quelques kilos. Il a donc fallu du caractère pour s’imposer dans cette forêt de géants et de joueurs talentueux. Dans le haut niveau, on ne donne rien, il faut aller se le chercher. Je n’ai pas mauvais caractère, mais j’ai surtout énormément envie de gagner. Et parfois, si les joueurs ne font pas ce qu’il faut, je leur dis assez fortement, mais dans l’intérêt général. Quand on me donne la responsabilité, que ce soit un club ou une équipe nationale, ce n’est pas qu’une équipe qu’on prend en main. C’est un club, c’est une Fédération. Il y a des choses qui doivent se dire et il y a un tempérament qui qui ressort. Mais quand je vois des très grands coachs et des très grands sélectionneurs dans d’autres clubs et dans d’autres pays, je ne vais pas dire que je suis un petit garçon, mais il y a de la concurrence (sourire). J’ai cette soif de vouloir gagner. Je ne sais pas si c’est une qualité ou un défaut, mais parfois trop, mais je veux absolument gagner. Je ne sais pas pourquoi ça ferait peur à certains. Ce caractère, quand j’étais joueur, les gens à l’Elan Béarnais l’adoraient. Que ce soit à Levallois, à l’ASVEL ou à Bourg-en-Bresse, les gens l’adoraient aussi. J’espère que la France l’aimera… 

Pour vous, l’humain est essentiel. C’est la patte Fauthoux ?

On est dans un monde qui est de plus en plus individuel, égoïste. On a la chance de faire un métier où il faut partager des émotions. Pour manager, j’ai besoin de connaître les joueurs, les gens du staff. C’est pour ça aussi que j’ai choisi dans le staff des gens avec qui j’ai déjà travaillé. Grâce à ça, en termes de joueurs, on va plus loin, on donne plus pour aller chercher ce que l’on veut tous. Dans le jeu, ça peut se faire ressentir quand il faut faire une passe en plus pour que ce soit le copain qui shoote.

Quels sont les coachs qui vous ont inspiré ?

Il n’y a jamais UN coach qui forme un joueur. Chaque entraîneur apporte un petit quelque chose à un joueur. Il y a tellement de gens qui m’ont inspiré par rapport à cette fonction et même par rapport à la passion du basket. Mon premier entraîneur, mon instituteur d’Horsarrieu, c’est lui qui m’a donné la passion de ce sport. Il jouait même avec nous dans la cour d’école. Cette passion, c’est lui qui me l’a transmise. Mon caractère bouillant, mon entraîneur en sélection régionale Monsieur Bernard Gavay c’était un spectacle à lui tout seul. On observe tout ça. Et après, forcément, dans le haut niveau, tous les coachs à l’Elan Béarnais m’ont apporté énormément, de Michel Gomez à Claude Bergeaud, à Frédéric Sarre que je vais rejoindre, à Jacky Commères avec qui on a eu de longs débats sur l’entraînement. Et forcément les grands coachs d’Euroligue. Je ne prétends pas avoir inventé quelque chose dans le basket et je pense que je n’inventerai pas grand-chose. Par contre, quand on pioche un peu partout, quand on observe, on s’inspire et on essaie d’améliorer des choses qu’on aimerait faire.

Quelle identité de jeu souhaitez-vous développer ?

On a vécu des étés incroyables avec les équipes de France de jeunes. On a gagné énormément de médailles, que ce soit chez les garçons ou les filles. On l’a montré encore pendant les Jeux. Cette force défensive existe en France, on a des qualités physiques et athlétiques pour l’imposer à toutes les nations. Ça, c’est quelque chose qu’on va forcément garder, améliorer, amplifier. Mais si on veut aller très très loin dans les compétitions, je rêve d’un basket total c’est-à-dire un basket où on défend et où on peut aussi marquer beaucoup de points. Les équipes qui gagnent des compétitions, elles sont dans les deux ou trois meilleures défenses, mais elles sont souvent au-dessus des 85-90 points par match. C’est quelque chose qu’on va essayer de proposer suivant les sélections que l’on aura. En France, on a des joueurs d’exception, présent et en devenir, donc pourquoi pas arriver à avoir un jeu qui gagne beaucoup.

Comment vos joueurs à Bourg, qui sont pour certains potentiellement sélectionnables, ont-ils accueilli votre nomination ?

Je leur ai annoncé la veille de ma nomination à la fin de notre match (contre Hambourg, Ndlr). Ça a été reçu de façon très festive. J’avais l’impression qu’on avait gagné quelque chose alors qu’on a fait que deux matches dans la saison ! Ça m’a fait chaud au cœur de les voir très contents pour moi. J’ai été très touché.

Souhaitez-vous rappeler Thomas Heurtel qui évolue désormais en Chine ?

La seule chose que je peux dire aujourd’hui, c’est que Thomas est un excellent joueur de basket. Il a fait des choix de carrière. Il a toujours répondu présent pour l’équipe de France. Il joue désormais en Chine, un championnat où il y a de très bons joueurs.

Sentez-vous de la pression avant l’Euro 2025 avec une génération en termes de talents qui est assez immense en sachant que l’or fuit la France depuis 2013 ?

La pression, quand on fait ce métier-là, même au niveau amateurs, dès qu’il y a une compétition qui se profile, on a ce sentiment de pression qui arrive. Et c’est pour ça aussi qu’on est là. On aime ça. Pour avancer, il faut la sentir un petit peu. Mais ce sont des pressions positives. Avec les joueurs de qualité qu’il y a aujourd’hui forcément on a envie d’avoir le meilleur résultat possible.

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