mardi 10 décembre 2024

Guillaume Martin-Guyonnet (Groupama-FDJ) : « Je voudrais connaitre une 3ème fois l’état de grâce… »

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Arnaud Bertrande
Arnaud Bertrande
Rédacteur en chef — Pole Sport Lafont presse

Après Platon vs. Platoche, Socrate à Vélo et La Société du peloton, le nouveau coureur de la Groupama-FDJ publie son 4ème livre, Les Gens qui rêvent (aux éditions Grasset), un livre plus personnel. A cette occasion, le premier français du Tour de France 2024 (13ème), s’est livré dans un long entretien. 

Votre père est l’un des personnages principaux de votre nouveau livre Les Gens qui rêvent. Comment a-t-il pris que vous dévoiliez autant de choses sur lui ?

Il en était à la fois fier et heureux. En même temps, ça lui faisait un peu peur. C’est quelqu’un de très sensible donc c’est toujours délicat de voir une bonne partie de sa vie dévoilée. Il y avait des histoires qu’il me racontait depuis mon enfance. Et il y en a d’autres que je lui ai demandé de répéter ou que j’ai creusées. Ça lui tenait vraiment à cœur, sur la période de son enfance, de mettre en valeur tout ce microcosme à Ménil-Hubert-sur-Orne, tous ces gens auquel il est très attaché sentimentalement. Il était très heureux que ces gens de peu, entre guillemets, soient connus par ce livre. 

A-t-il lu le livre avant sa parution ?

Je lui ai fait relire. Il l’a relu je ne sais combien de fois et c’était vraiment émotionnel pour lui.

Il a travaillé dans une imprimerie et il a fait du vélo. Est-ce lui qui vous a donné le goût du vélo et de l’écriture ?

C’est sûr qu’il y a un lien. Il a lui-même écrit, il a fait des tentatives d’écriture, mais son truc, c’était plutôt de fabriquer l’objet livre, l’objet papier. Ma mère est comédienne, metteuse en scène. Il y a donc aussi un rapport avec la littérature. 

Vous dites que vous avez commencé à écrire quand vous avez perdu l’innocence de vos premières années cycliste. 

Quand j’ai commencé à n’être que cycliste, cycliste pro, finalement j’ai commencé à m’ennuyer parce qu’avant j’étais à la fois étudiant, – je faisais mon Master de philosophie – et je menais ma carrière amateurs. J’étais donc bien occupé. Quand on est cycliste pro, on s’entraîne beaucoup, mais il reste des heures dans la journée et moi j’avais besoin d’écrire, je suis un peu hyperactif. Quand on devient professionnel, le rapport au cyclisme, et peut-être à tous les métiers, à partir du moment où on les exerce professionnellement, il y a quelque chose qui change. Il y a des obligations, des horaires… Ça casse un peu cette insouciance. Et du coup j’ai commencé à prendre une distance et à être dans une forme de réflexivité par rapport ça. 

Vous abordez dans le livre la problématique du burn-out. Quand on est cycliste, faut-il lutter contre une certaine forme de routine ?

C’est paradoxal. Il y a à la fois le risque du burn-out et du bore-out, le fait de trop s’ennuyer au sens de la répétition. On n’est pas des nageurs, au moins on a le paysage qui défile mais, pour autant, d’année en année on fait à peu près les mêmes courses, les mêmes stages aux mêmes endroits, on s’entraîne sur les mêmes routes, on fait les mêmes exercices, c’est un microcosme, on voit un peu toujours les mêmes personnes. Il y a un risque de répétition, d’ennui et de burn-out avec la pression du résultat des équipes, des journalistes, du public, des réseaux sociaux. Tout ça dans un contexte en plus où, dans le cyclisme, les jeunes sont de plus en plus jeunes.

Ce burn-out, l’avez-vous connu ? 

Burn-out, je ne pense pas jusque-là, mais j’ai senti, qu’à un moment donné, notamment par rapport aux réseaux sociaux et à Twitter en particulier, ça devenait vraiment délétère pour moi et que j’étais arrivé à une forme peut-être pas d’addiction, mais j’avais quand même le réflexe de scroller, de taper mon nom et de voir ce qu’on disait de moi. J’avais beau me dire que j’avais de la distance par rapport à ça, en fait, je n’en avais pas. Je regardais et ça me touchait. 

Le cyclisme vous a aussi permis de vous extérioriser par rapport à votre timidité. Mais, finalement, qui est le vrai Guillaume Martin, celui qui est chez lui en Normandie ou celui qu’on côtoie durant la saison sur un vélo ?

On est tous des boules à facettes. On compose tout le temps. Forcément, je suis dans une posture quand je vous parle, mais ça ne veut pas dire que je suis faux. Avec ce livre, les gens vont connaître une autre facette de moi, une autre partie de ma vie. Dans le train, je répondais par exemple à une demande de devis pour les gites (du domaine familial de la Boderie, Ndlr). Ça, c’est le Guillaume Martin-Guyonnet !

« Je ne sais pas si Tadej Pogacar a lu mes livres »

Vous signez d’ailleurs le livre Guillaume Martin-Guyonnet du nom de votre père et votre mère alors que dans le vélo c’est Guillaume Martin !

Jusqu’à présent, mon nom officiel, à l’état civil, c’est Guillaume Martin, mais il y a deux ou trois ans, sur le papier de demande de licence FEC, j’ai marqué Martin-Guyonnet avec le nom de ma maman et je pensais que ça n’aurait pas d’incidence. En fait, c’est apparu dans les listes de départ de courses. Ça avait été enregistré comme ça. Les commentateurs à la télé ont commencé à utiliser Guillaume Martin-Guyonnet. Du coup, j’ai commencé à le revendiquer. Je dois refaire mon passeport l’an prochain et je vais le refaire au nom de Guillaume Martin-Guyonnet. Je parle beaucoup de mon père dans ce livre, mais j’ai deux parents et j’ai envie de mettre les deux en valeur. 

Même si vous prenez toujours du plaisir sur votre vélo, le plus important, finalement, n’est-ce pas votre vie en Normandie, à s’occuper des animaux, à bâtir le domaine ? 

C’est très différent, c’est complémentaire. Est-ce que si j’avais que cette vie-là avec les ânes, la gestion des gîtes n’y aurait-il pas une forme de lassitude à un moment donné ? Au vu de mon caractère, je sais que j’ai besoin d’être hyperactif, d’avoir plusieurs activités, de l’écriture aussi en plus. Toute ma vie, je continuerai à avoir des activités multiples et très diverses. C’est vrai qu’aujourd’hui j’ai une attirance pour ce lieu parce que ça me rapproche de l’enfance, ça m’éloigne aussi du stress de la vie de cycliste, mais je ne vais pas abandonner la vie de cycliste. J’ai peur que ça me manque ensuite. 

Les autres cyclistes doivent savoir que vous écrivez des livres puisque c’est votre 4ème. Comment réagissent-ils ? 

Il y a vraiment toutes les réactions. Une partie n’est pas encore au courant. Une autre est au courant, mais ça ne l’intéresse pas. En tout cas, il n’y a pas de moqueries. C’est fini cette époque où on pointait du doigt l’intello de la classe. Le monde du vélo est un milieu avec quand même pas mal de diversité avec des gens qui viennent de milieux socio-culturels assez différents. Certains ont lu un de mes livres ou mes livres et m’en parlent. Même des étrangers. Ça a été traduit en espagnol par exemple. 

Pogacar l’a-t-il lu ?

Je ne sais pas, mais je ne lui parle pas beaucoup non plus, mais je sais qu’Esteban Chavez a lu mes livres.

Pourquoi ne parlez-vous pas avec Pogacar ? 

On n’est pas tout à fait de la même génération (Pogacar a 26 ans, Ndlr). De toute façon dans le cyclisme moderne, on parle de moins en moins parce qu’il y a de moins en moins le temps. Ça roule de plus en plus vite !

« Une télé danoise voulait que je prenne la pause avec un livre de Nietzsche sur la voiture du directeur sportif. J’ai refusé »

Etiez-vous agacé d’être surnommé “Le philosophe du peloton” ?

Ça m’agaçait quand c’était vraiment dans la caricature, dans le cliché. A l’occasion de mon premier livre chez Grasset, une télé danoise, lors de mon premier Tour en 2017, en cuissard, à 15 minutes du départ, voulait que je prenne la pause avec un livre de Nietzsche sur la voiture du directeur sportif. J’ai refusé. Ça faisait vraiment trop cliché. 

Même s’il y a des références philosophiques, votre dernier livre est plus un roman.

Je voulais élargir ma palette à la fois hors du cyclisme et hors de la philosophie. 

Savez-vous déjà quel sera le thème du prochain ? 

J’ai quelques idées, mais rien vraiment qui m’embarque, qui me décide à vraiment travailler dessus.

La Normandie est à l’honneur dans votre livre. Comment expliquer que cette région a produit autant de cyclistes ? 

Ce sont des terres historiquement paysannes. Le moyen de déplacement le plus facile, c’était le vélo. Ce sont des durs au mal. Ça colle bien à l’esprit du vélo. Il y a moins de courses en Normandie, mais à chaque fois il y a quand même un public assez important. Je suis d’ailleurs très heureux que le Tour revienne en Normandie. Il y aura vraiment beaucoup de monde. 

Suivez-vous les coureurs normands, les futurs Guillaume Martin ? 

Il y en a déjà de très performants chez les pros comme Kévin Vauquelin, Paul Lapeira… Mais chez les amateurs, je ne suis pas trop, je n’ai pas le temps. Mais pourquoi pas accompagner un coureur s’il y a LA rencontre.

Vous aviez reçu un prix, le prix Jacques de Fouchier par l’Académie Française pour votre livre “La société du peloton”. Est-ce aussi fort qu’une victoire ? 

C’était quand même assez prestigieux avec une réception sous la coupole de l’Académie. J’étais accompagné par mes parents et mon frère. J’avais le droit à un accompagnateur sous la coupole. J’y suis allé avec mon père. C’était pour lui comme pour moi assez émouvant… Après, une victoire, c’est complètement différent, ça ne s’échange pas !

« J’ai connu deux fois l’état de grâce sur un vélo. J’aimerais le connaître une troisième fois »

Le titre de votre nouveau livre, c’est “Les gens qui rêvent”. Aujourd’hui, à quoi rêvez-vous après avoir avoué avoir connu (seulement) deux fois l’état de grâce sur votre vélo ? 

Je peux au moins le connaître une 3ème fois ! (sourire) Je l’ai connu une fois avec Wanty, une fois avec Cofidis. Là, je change d’équipe (de Cofidis à Groupama-FDJ, NDLR). Ça peut vraiment m’aider à avoir un coup de boost dans ma carrière. On a fait un premier stage administratif en octobre. Je pense vraiment que c’est un cadre qui va m’apporter de la sérénité. 

De quoi rêvez-vous alors ?

De retrouver justement cet état de grâce. Après, parler de résultats, évidemment que le jour J, c’est ça qui me motive, c’est d’aller gagner…

N’avez-vous pas coché une course en particulier ?

Je n’en ai pas gagné beaucoup (9, Ndlr) (rires). Gagner une étape du Tour ou un Monument comme Liège-Bastogne-Liège, je serais très content, mais je ne sais pas si ça changera fondamentalement ma personne. Par contre, réussir à aller tirer quelque chose d’autre de moi-même, ça me motive. 

« La 6ème étape du prochain Tour de France passe à 500 mètres de chez moi ! »

La 6ème étape du prochain Tour de France Bayeux-Vire Normandie doit également vous motiver…

Ce serait pas mal. Il y a une partie que je ne peux pas ne pas connaître parce que ça passe à 500 mètres à peine de chez moi ! La fin, à Vire, je vois à peu près le tracé mais, pour l’instant, c’est un peu flou. Je suis à l’affût de tous les journaux locaux qui essayent d’enquêter sur le tracé ! Dans les équipes, on a VeloViewer qui va nous permettre d’avoir assez vite le détail exact du tracé. 

Vous ne pouvez pas ne pas être au départ de ce Tour de France !

J’espère ne pas le rater !

« Le vélo est vraiment un sport dangereux »

Vous pensez désormais à la chute alors que ce n’était pas le cas avant. Est-ce une question d’âge ?

Oui, avec l’âge, on commence à prendre plus conscience des choses et aussi de ce qu’on a à perdre. Des choses très concrètes. On s’est engagé sur des emprunts et s’il y a une chute qui vous empêche d’être cycliste il n’y aura pas les revenus en face de l’emprunt que vous avez contracté. On court donc différemment. L’accumulation des chutes fait aussi qu’il y a une sorte de mémoire corporelle. On n’a pas envie d’y retourner, d’avoir mal. Quand on est jeune, on ne sait pas à quel point ça peut faire mal une chute. A titre personnel, je ne suis pas non plus paralysé sur le vélo, j’arrive à frotter, à descendre plutôt bien maintenant après une période où j’avais eu des problèmes. Mais j’ai conscience du danger aussi parce qu’objectivement, on l’a vu cette année, on le voit tous les ans, c’est vraiment un sport dangereux. La peur est rationnelle, elle est normale. C’est vraiment dangereux ce qu’on fait. 

Comment éviter toute ces chutes ?

Il y a eu une accumulation. On va trop vite parce que le matériel, parce que l’entraînement, etc. Le matériel, on peut essayer de trouver des axes pour brider les vélos. Le spectacle sera le même si on va 3 km/h moins vite. C’est juste qu’on tombera un peu moins vite ! On incrimine souvent les organisateurs sur la gestion des parcours, mais il y a aussi la responsabilité des coureurs. C’est comme quand on se balade à pied dans Paris, les incivilités sont partout. Le peloton n’est pas épargné.

Vous dites que la concurrence n’a jamais été aussi dense. Faire un Top 10 d’un grand Tour devient-il de plus en plus compliqué ? 

Ça se voit ne serait-ce qu’avec les capteurs de puissance. 

Quand vous voyez l’outrageuse domination de Pogacar vous posez-vous des questions ? 

J’essaie de ne pas me poser trop de questions parce que je n’ai aucune réponse. 

En 2016, la seule offre pour passer pro que vous aviez, c’était celle de l’équipe belge Wanty. Aucune équipe française ne s’est intéressée à vous et vous dites que c’est une chance. Pourquoi ? 

Ça a été une chance parce que je suis arrivé dans un cadre vraiment familial, une ambiance belge, wallonne, un esprit d’accueil. Je suis arrivé dans une équipe qui n’était pas très importante à l’époque, mais qui était en pleine ascension. Il n’y avait pas une concurrence interne très forte. Très vite, ils m’ont mis leader sur des courses comme le Tour de Romandie. Au bout d’un an, je faisais le Tour de France et j’avais une position de leader pour le classement général. Si j’avais intégré une équipe française, ça n’aurait pas été aussi rapide. J’aurais été aussi dans un cadre plus formaté, plus hiérarchique. 

Auriez-vous arrêté si vous n’aviez pas eu cette offre ?

Trois jours après que j’ai signé avec Wanty, Arkéa m’a contacté, trop tard, donc j’aurais finalement eu quand même une autre possibilité. Sinon, franchement je ne sais pas ce que j’aurais fait. On arrivait en octobre. J’avais mon Master, mais je ne m’étais réengagé sur rien d’un point de vue études. J’avais en tête de faire une école de journalisme. Je serais peut-être à votre place aujourd’hui ! (sourire)

Avant de passer pro, vous viviez de manière assez sommaire. 

Forcément, j’étais étudiant. Je n’avais vraiment pas beaucoup d’argent. Mes parents n’en avaient pas, ils ne pouvaient pas m’aider. J’habitais avec ma compagne déjà. On devait vraiment s’organiser pour le loyer, la nourriture… J’avais juste un peu d’indemnités de Sojasun, mon équipe de l’époque, et une bourse au mérite, mais ça n’allait pas chercher très loin, quelques centaines d’euros. Mais je n’avais pas du tout de sentiment de précarité. C’est quand on commence à avoir de l’argent qu’on commence à avoir peur de perdre quelque chose alors qu’avant on vivait très bien en n’ayant pas grand-chose. 

Bernard Thévenet nous disait qu’à son époque il se préparait l’hiver avec les travaux de la ferme. Vous êtes revenu un peu à ça en vous mettant à la maçonnerie !

Il faut le faire, sans se blesser, de manière raisonnable, mais c’est une manière de travailler, si on considère juste l’aspect physique, qui se rapproche quand même plus de la réalité. Le faire sur un appareil, c’est un mouvement qui travaille, mais ça ne correspond à rien dans la vraie vie alors que là ça mobilise également les muscles et ça a un grand mérite d’être utile. Soulevez de la fonte, c’est vraiment de l’énergie inutile, gaspillée en vain. 

« J’essaie de réfléchir au sport de demain et d’envisager un sport plus vert et un sport qui s’adapte aussi au réchauffement climatique »

Vous vous posez plein de questions sur votre métier de cycliste concernant la pollution, l’empreinte carbone, le gaspillage alimentaire…Seriez-vous devenu écolo ? 

Ça fait quelques années que je suis conscient, concerné et mobilisé par le sujet. Ma position est forcément ambiguë. Je fais un sport vert, et en même temps, j’ai un mode de vie d’un athlète de haut niveau qui implique des déplacements en avion, donc un bilan carbone largement plus élevé que la moyenne. C’est le grand paradoxe du vélo. On a aussi des courses avec énormément de voitures. Ce que je peux essayer de faire, l’avion, j’essaie de le prendre le moins possible. Je suis parti en vacances en Ecosse et j’y suis allé en train. La Vuelta, je suis rentré de Madrid en train, du Tour de France de Nice en train. J’essaye au maximum, mais parfois je n’ai pas le choix. J’essaie aussi d’être actif sur le sujet sur les réseaux sociaux, surtout Instagram. J’ai été contacté par une association qui s’appelle Sports for the Planet qui utilise l’influence des sportifs pour mobiliser sur la cause écologique. J’essaie d’être un peu actif là-dessus et aussi de réfléchir au sport de demain et d’envisager un sport plus vert et un sport qui s’adapte aussi au réchauffement climatique parce qu’il faudra se poser cette question-là. L’an dernier, j’avais échangé avec la responsable RSE d’ASO du Tour.

Vous avez donc envie de vous engager.

Après, ce n’est pas ma nature d’être un porte-parole ou de me lancer dans la défense de grandes causes mais, quand on m’interroge, je réponds. Mais je ne vais pas brandir un combat en étendard parce que ce n’est pas ma nature. 

Avez-vous le sentiment de jouer avec votre santé en étant aux prises avec la pollution ?

Le pourcentage d’asthmatiques chez les cyclistes doit être phénoménal et là ce n’est pas une histoire de dopage. Il est plus élevé que la population. Ce n’est pas par volonté de tricher, c’est juste qu’on est exposé au quotidien, dans des situations d’hyper ventilation, à énormément de polluants, donc forcément on développe de l’asthme.

Cela pourrait-il remettre en cause votre métier de cycliste ?

Je donne plein d’arguments dans le livre pour dire que le sport aujourd’hui ça n’a plus aucun sens. Heureusement que l’être humain ne se limite pas à satisfaire ses besoins vitaux essentiels. Le sport, clairement, on pourrait s’en passer. L’être humain peut vivre sans sport et la société pourrait continuer à vivre sans sport, mais on pourrait aussi vivre sans art. Pour autant, est-ce que l’être humain serait la même chose s’il n’y avait pas l’art ? Heureusement qu’on est capable de faire des choses gratuitement et, du coup, je pense que le sport participe de ça.

Vous pourriez vous consacrer à écrire, à s’occuper du domaine familial…

Il y a des choses associées au sport que j’aime, cette idée de persévérance, de tirer le maximum de son corps et aussi même d’un point de vue presque métaphysique. Le non-sens du sport, on peut le mettre en parallèle avec le non-sens de l’existence. Jusqu’à présent, je ne sais pas si quelqu’un a déjà trouvé un sens irréfutable à l’existence. Finalement, le non-sens du sport, c’est une bonne réponse au non-sens de l’existence. C’est comme une contre-attaque, une forme ironique de faire réponse au non-sens de l’existence. C’est aussi d’un point de vue métaphysique comme ça que je vois ma pratique du sport. 

Quand on opte pour une nouvelle équipe, le matériel est-il vraiment important ? On pourrait penser qu’en dehors des chronos, les équipes ont peu ou prou le même matériel…

Le grand public ne se rend pas compte à quel point le matériel a une incidence. Il y a tellement de paramètres en plus. Le même vélo, avec des boyaux ou des pneus de marques différentes ne répondra pas du tout de la même manière et la performance ne sera pas du tout la même. Chez Cofidis, la marque qu’on avait proposait plusieurs gammes de pneus. Sur une gamme, on perdait quasiment 30 watts rien qu’avec le pneu. 30 watts, c’est vraiment énorme. Après, il y a l’aérodynamisme, le poids, la rigidité, tout cumulé ça peut vraiment faire une différence énorme.

A 31 ans, vous estimez avoir encore une marge de progression. A quel niveau ?

J’ai dit tout le bien que je pensais du premier stage administratif que j’ai fait avec la Groupama-FDJ, donc il y a tous ces petits détails qui pourraient être optimisés et qui feront sans doute qu’à la fin je pourrai progresser.

« Je sens que j’ai des choses en moi qui n’ont pas été encore totalement creusées »

Pouvez-vous encore franchir un palier à titre personnel ?

Je parlais des états de grâce que j’ai eus dans ma carrière. Je ne sais pas si, ces dernières années, j’ai réussi vraiment à retrouver, – les watts que je pouvais faire en 2020 peut-être -, mais en termes de ressenti, cette forme de fluidité, je ne l’ai pas forcément ressentie, mais je pense que je peux encore la ressentir et peut-être même faire encore mieux. Je sens que j’ai des choses en moi qui n’ont pas été encore totalement creusées. 

Beaucoup de jeunes Français ont rejoint cet hiver des équipes étrangères. Est-ce inéluctable ?

Je peux les comprendre. Il y a une attirance de voir comment on travaille ailleurs. Il faut aussi penser au développement en tant qu’être humain. J’étais vraiment très heureux d’avoir cette expérience chez Wanty même si ce n’était pas très lointain. Pour moi, ça a été très enrichissant de rencontrer de nouvelles personnes, une nouvelle manière de travailler, de développer mon anglais. Dans le cyclisme, on a cette chance de pouvoir vivre cette expérience. Dans un métier plus traditionnel pour avoir une expérience à l’étranger, ça implique souvent un déménagement, d’imaginer sa vie ailleurs. Là, on peut le faire sur deux ans et on reste chez soi. 

Les équipes françaises n’ont-elles pas les moyens de retenir leurs pépites ?

Il y a des considérations qui me dépassent sur les systèmes du droit français. Les coureurs français coûtent plus chers aux équipes françaises. Pour avoir un coureur de même niveau, elles vont dépenser plus pour un coureur français.

A 31 ans, vous auriez pu avoir envie de faire un (dernier) très beau contrat…

Cette réflexion, j’ai pu l’avoir avant, au moment où je lançais des emprunts pour les gîtes. Là, cette considération est vraiment rentrée en ligne de compte. Aujourd’hui, c’était vraiment le projet sportif qui comptait. Je m’étais fixé ça dès le début de l’année. Et d’ailleurs, si j’avais réfléchi par rapport à l’argent, je serais plutôt resté chez Cofidis…

C’est moins intéressant financièrement chez Groupama-FDJ ?

Oui donc ce n’est pas ça qui m’a décidé. J’étais à un moment de ma carrière où j’avais besoin vraiment de retrouver le plaisir.

« J’ai envie de faire le Tour de Pologne, le Tour Down Under… »

Y a-t-il une course que vous avez envie de découvrir ?

D’ici la fin de ma carrière, c’est une demande que j’ai formulée, j’aimerais bien faire à peu près toutes les courses World Tour excepté Paris-Roubaix et le Tour des Flandres. Par exemple, je n’ai jamais fait le Tour de Pologne, j’aimerais le faire une fois. Au même titre que le Tour Down Under même si ce n’est pas top pour le bilan carbone (sourire). Après, je ne le ferai pas cette année parce que la première année je pense que c’est important de rester sur quelque chose d’assez classique parce qu’il y aura déjà pas mal de changements. Mais le faire une fois, ça me tente. Je suis curieux de nouvelles choses.

Comme faire les trois grands Tours dans la même année…

Pourquoi pas ! En tout cas, j’aimerais bien refaire le Giro une année (il l’a disputé une seule fois en 2022, Ndlr) et pourquoi pas les trois grands Tours dans une année.

Pogacar peut-il les gagner en une année ?

Moi, en tout cas, je n’aurais pas l’ambition de gagner les trois la même année. Si j’en gagnais juste deux, ça me suffirait ! (sourire)

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