jeudi 28 mars 2024

Jean-Michel Ferri évoque le titre du FC Nantes en 1995 : « On était tellement bien ensemble ! »

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Frédéric Denat
Frédéric Denat
Journaliste

Il n’était pas le plus spectaculaire des canaris champions de France en 1995, mais l’impact de Jean-Michel Ferri sur cette génération a été important. Formé à la Jonelière, le milieu de terrain international (5 sélections) originaire de Lyon – il est aujourd’hui entraîneur du FC Corbas était l’homme de confiance de Suaudeau. Une fierté.

Pensez-vous avoir été le capitaine de la meilleure équipe de l’histoire du FCN ?

C’est en tout cas celle qui a le plus marqué les esprits. Nous étions une bande de potes qui se suivaient depuis le centre de formation et qui allaient symboliser tout ce que représentait alors le jeu à la nantaise, avec deux techniciens exceptionnels, Reynald Denoueix à la formation et Coco Suaudeau avec les pros qui ont eu cette capacité à tous nous faire progresser, à tirer le maximum de chacun.

Et comme nous avons tous explosé en même temps, que nous étions de bons joueurs et de sacrés compétiteurs, ça a donné ce titre en 1995.

Quels rapports entreteniez-vous avec Suaudeau ?

J’étais son homme de confiance. J’essayais de lui rendre cette confiance sur le terrain en étant un rassembleur, un fédérateur, ce qui n’était pas très difficile eu égard à la mentalité du groupe, à cette volonté commune que nous avions tous de débuter les matches pour tous les gagner. Et ça a commencé en 1992… jusqu’à cette saison 1994/1995 où on a tout gagné. Ou presque. Sans calculer.

En championnat, vous n’avez perdu qu’à Strasbourg lors de la 32ème journée. Comment analysez-vous cette défaite ?

On avait perdu à Strasbourg justement parce qu’on s’était mis à trop calculer, à trop débuter les matches pour ne pas les perdre. Avec la série d’invincibilité qui s’étirait, et qui nous avait permis de nous motiver, au fil des matches, on avait fini par être rattrapés par l’enjeu.

Mais cette défaite a finalement été un mal pour un bien car nous avions immédiatement rebondi. D’autres auraient pu s’écrouler et ne pas être champions. Nous avions mérité ce titre, en étant costauds dans toutes les lignes, avec les deux meilleurs buteurs et un style de jeu très séduisant.

Denoueix et Suaudeau déterminant dans la formation et le jeu nantais

Quels furent les moments forts de cette saison ?

Les deux tournants l’ont été face au PSG, champion de France en titre et favori. A l’aller, en août, à la Beaujoire, nous gagnons 1-0 avec le fameux but de Loko qu’on revoit encore tous les ans. Au retour, en janvier, on remet ça au Parc plus largement (3-0) alors que nous n’avions que cinq points d’avance et qu’une défaite aurait tout relancé. On marquait les esprits une nouvelle fois.

Vous étiez milieu défensif, vous inscriviez-vous dans la lignée des Henri Michel, Didier Deschamps, etc ?

Oui, d’ailleurs je suis venu au club un peu pour ça. Depuis Lyon, où j’ai grandi, j’étais un vrai fan du FC Nantes et plus particulèrement d’Henri (Michel). C’était mon idole. Peut-être que ça a joué dans mon parcours. Au centre de formation, j’ai beaucoup appris, Coco m’a ensuite fait énormément progresser, à mesure que j’ai pris des responsabilités et que j’ai gagné en confiance.

J’ai bénéficié aussi de notre manière de jouer. Si on parle souvent de jeu à la nantaise à travers les envolées offensives et les buts, à la base, notre jeu était avant tout basé sur la récupération. C’était notre force : aller chercher le ballon dans les pieds de l’adversaire le plus haut et le plus vite possible. Ça nous obligeait à faire beaucoup de courses, des interceptions. Physiquement, il fallait être au top et les préparations d’avant saison étaient essentielles. On bossait beaucoup.

« À la base, notre jeu était avant tout basé sur la récupération »

Quel était le joueur le plus fort de cette génération ?

Question difficile (rires)… Il y avait tellement de bons joueurs, aux qualités différentes, chacun dans son registre. Mais s’il y en avait un à retenir, je citerai Japhet N’Doram, parce que ce n’est pas forcément vers lui qu’allaient les projecteurs à ce moment là.

Alors que ce fut un très très grand joueur qui avait en plus cette capacité à rendre les autres meilleurs. Il était humble et guerrier à la fois. Son immense talent balle aux pieds, son intelligence de jeu ne l’empêchaient pas d’aller au charbon quand il le fallait. Et voir un tel joueur mettre les mains dans le cambouis, ça ne pouvait que donner envie aux autres de s’y mettre aussi. Il donnait un peu le tempo à l’équipe.

Avez-vous néanmoins des regrets par rapport à cette saison de rêve ?

Oui, ils sont forcément liés à notre demifinale de Ligue des Champions face à la Juventus. A l’aller, si nous restons à onze jusqu’à la fin du match, je suis certain qu’on ne perd pas. Et comme on a gagné au retour…

Vous êtes parti en 1998, comment avez-vous vécu l’après FC Nantes (il a joué à Istanbulspor, Liverpool et Sochaux) ?

Il aurait certainement fallu que je parte avant, mais nous étions tous tellement bien ensemble dans ce club… La cassure est intervenue au départ de Coco en 1997, ce qui a fait beaucoup de mal à tout le monde. Même si j’ai beaucoup d’admiration pour Denoueix, qui a ensuite démontré qu’il était aussi un grand entraîneur, c’était une fin de cycle, après des départs de joueurs importants.

On se dit alors que c’est le moment de voir autre chose, que si on ne le fait pas on le regrettera toute sa vie. Au final, je me suis aperçu, avec d’autres, que l’herbe n’était pas toujours plus verte ailleurs. Au départ de Coco, parce que j’avais beaucoup de respect pour Raynald, j’ai voulu rester une saison de plus pour assurer la transition. Mais on est passés du titre au maintien et mentalement c’était difficile.

Avec Kita le FC Nantes s’inscrit dans la durée pour Ferri

Comment avez-vous vécu la descente aux enfers du club ?

Les départs de Coco, puis de Denoueix et de Budzynski, de tous les hommes forts du club, ne pouvaient que déboucher sur un changement de stratégie donc de jeu.

Quels rapports entretenez-vous avec le club aujourd’hui ?

Je reviens assez souvent et c’est toujours avec plaisir. J’ai de bons rapports avec le président Kita qui a beaucoup fait, dans des conditions difficiles, pour le club. Sans lui, le FC Nantes n’existerait certainement plus. Trop de gens ont eu tendance à l’oublier.

On l’a beaucoup critiqué, mais il a hérité de pas mal de casseroles et a eu le mérite de s’inscrire dans la durée. Il a pris ses marques et depuis quelques saisons on sent que ça revit. Lors de mon dernier match à la Beaujoire, j’ai senti qu’il se passait quelque chose.

Les supporteurs nous avons un des meilleurs publics de France , qui constituaient aussi un élément déterminant de notre réussite, étaient encore là. Lorsque l’engouement revient ainsi, ce n’est jamais un hasard, ça prouve qu’il se passe quelque chose. Le président est sur la bonne voie.

Le club se prépare à vivre un nouveau cycle à travers le projet Yellow Park. Qu’en pensez-vous ?

Pour ma génération, d’autres ensuite, Nantes c’est avant tout la Jonelière et la Beaujoire. Mais pour les générations d’avant, c’était Marcel Saupin. La transition s’est faite naturellement. Ce sera pareil avec le nouveau stade qui symbolisera une autre époque et une autre ambition.

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