jeudi 25 avril 2024

La chronique de Noël Tosi* : conservation, possession… la fin du jeu offensif ?

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Entraîneur très expérimenté, qui a baroudé sur plusieurs continents, dirigé une douzaine de clubs et été sélectionneur en Afrique, Noël Tosi* nous livre chaque lundi sa chronique.

Les nouveaux projets de jeu, tournés vers la possession, sont-ils un frein au jeu offensif ? C’est la question que je me suis posée cette semaine. En effet, cette nouvelle façon d’élaborer le jeu, en partant de derrière, en basant son projet de jeu sur la conservation, doit nous permettre cette réflexion. N’avons-nous pas supprimé une certaine forme de folie offensive dans le jeu ?

Je ne suis pas contre ce genre de méthode, elle est noble, et je dois avouer que de nombreux coachs et de nombreuses équipes pratiquent cette façon de faire.

Les plus et les moins du jeu de possession

Sur les points positifs, il est indéniable que la conservation de balle permet à l’équipe en possession du ballon de moins défendre. Dans le même ordre d’idées, il est évident que cette équipe-là privilégiera les attaques placées qui deviendront une spécialité indéniable et permettront une maitrise évidente du jeu.

Toutefois, et nous le voyons avec le Paris Saint-Germain, lors d’une sortie de balle sous pressing, il est possible de trouver les espaces, avec la possibilité d’une attaque rapide avec Kylian Mbappé.

Les deux formes d’attaque sont possibles, en sachant que la deuxième sera assurément plus dangereuse pour la transition offensive.

Les attaques placées se heurteront à une défense ultra regroupée. Mais c’est un choix volontaire. Cette nouvelle méthode est souvent appelée « jeu de position » (juego de position), car elle permet de dominer son adversaire de part la position et le déplacements des joueurs sur le terrain. C’est un nouveau style pour comprendre et voir le jeu. En bref, deux éléments sont déterminants : la possession du ballon et la récupération rapide.

Cette façon de jouer, ce style particulier, place les joueurs à différentes hauteurs sur le terrain, en largeur et en profondeur. A ne pas confondre avec le contre pressing qui, lui, permet une récupération rapide après la perte de balle.

Les cinq secondes les plus importantes du monde…

Pour illustrer mes propos, nous partirons du postulat que le Paris Saint-Germain et Pochettino sont adeptes du jeu de position, qui permet de générer des situations de supériorité numérique par rapport à l’adversaire, alors que Pep Guardiola est plutôt dans le style contre pressing avec ses cinq secondes les plus importantes au monde : celles qui séparent la perte de balle de la récupération. Une course contre le temps travaillée à l’entraînement.

L’entraîneur catalan a notamment des exercices fétiches, qui permettent aux joueurs de se démarquer par rapport à l’espace.

Jeu 1 : Il se joue à 7 contre 4. Les joueurs en possession du ballon peuvent s’appuyer sur trois joueurs placés à l’extérieur, appelés « joueurs d’appuis ».
Jeu 2 : le terrain est divisé en 4 parties. Le duel pour le ballon se joue à 6 contre 4 (les chasseurs). Quand les joueurs (rouges ici) ont fait 5 passes, ils envoient le ballon dans la zone à l’extrémité. Les trois joueurs « en attente » vont y chasser le ballon. Quand ce dernier est récupéré, les rôles des équipes s’inversent. Les chassés deviennent chasseurs.

Nous pouvons remarquer que dans cette optique, l’essentiel du contenu des entraînements se situe sur des portions de terrains qui n’incluent pas la notion de gardien de but, de tirs et de finition.

Nous remarquons aussi que la notion de duels aériens et d’accélération du jeu se situent dans les 30 derniers mètres à l’approche de la surface de réparation. C’est peut-être pour cela que nous avons moins de jeu offensif, car l’objectif premier de ces deux méthodes est d’imposer son style à l’adversaire à partir de la conservation.

Et la folie offensive ?

Vous me rétorquerez : « Et le PSG qui en passe six à Clermont, ce n’est pas du jeu offensif ? » Certes ! Mais quand on est mené de deux buts par le Real Madrid, cette façon de jouer est un échec… On aimerait qu’il y ait un peu plus de folies offensives, avec peut-être, une méthode différente.

A force de travailler la conservation de balle, qui met les joueurs dans un certain confort, on a oublié que le but premier du football est de se créer des actions de but. Nous mettons nos joueurs et notre équipe dans un certain rythme et dans un jeu où les duels sont de moins en moins nombreux.

« La folie offensive », c’est ce que tout le monde aime. Alors, est-ce qu’avec ces nouveaux projets de jeu, nous l’oublions un peu ? Certainement !

Mais les entraîneurs vont devoir s’adapter à ces interrogations. La conservation ? Oui ! Mais il faut aussi être capable de changer totalement la façon de jouer de son équipe, si ce style de jeu est en échec durant le match.

Le contre pressing ? Parfait ! Mais citez-moi une équipe qui presse pendant 90 minutes ? Cela n’existe pas ! Il y a toujours des temps forts et des temps faibles dans un match.

Savoir changer de style de jeu

Alors, voilà la nouvelle donne pour les entraîneurs : garder ses convictions et être de capable de changer le cours d’un match, non pas en changeant de système — passer du 3-5-2 au 4-3-3 — mais de style de jeu, en passant de la conservation de balle ou à un jeu de position, à un style plus direct, où les centres vont faire fuser les ballons devant les buts, où on va essayer en 3 ou 4 passes d’aller très vite vers le camp adverse, avec plus de duels et un peu moins de maitrise. Mais surtout, de la « folie offensive ».

Je pense que l’un des points importants de l’avenir du métier d’entraîneur passe par là : avoir plusieurs styles dans un projet de jeu. Cela peut vous paraître utopique ou impossible, voire même du grand n’importe quoi.

Mais n’oublions jamais ce commentaire de José Mourhino : « Quelques soient vos idées, vos convictions, même si elles sont complètement folles ou décalées, ce seront toujours de bonnes idées, à condition que vous sachiez les expliquer et les appliquer sur le terrain. Il n’y a pas de mauvaises idées, il n’y a que des idées à travailler. »

*Premier technicien français à avoir entraîné aux États-Unis, Noël Tosi a commencé sa carrière sur le banc à l’âge de 27 ans. Passé par Grenoble, Nîmes, Gueugnon, Arles-Avignon, Angers ou encore Cherbourg en France, il a aussi été sélectionneur du Congo et de la Mauritanie.

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