Champion de France en 2013 avec Castres et en 2016 avec le Racing, Laurent Labit a rejoint après la Coupe du monde le Stade Français Paris dans un nouveau rôle de directeur du rugby après quatre ans et demi dans le staff de l’équipe de France. Entretien pour Rugby magazine et Le Quotidien Du Sport.
Pourquoi avoir quitté l’équipe de France pour le Stade Français ?
Quand on est entraîneur, ce qu’on aime, c’est le quotidien et c’est ce qui me manquait en sélection. C’est surtout cette notion de club qui m’a fait accepter et un club comme le Stade Français Paris, c’est difficile de refuser. Ma mission est de mettre en place un projet sportif innovant, performant, de haut niveau pour que le club continue à exister à ce niveau-là et surtout pour gagner des titres. C’est un projet sportif de club. Il était important qu’on n’axe pas uniquement le travail sur l’équipe professionnelle, mais sur l’ensemble du club, un projet descendant, mais aussi montant, on doit échanger nos compétences et surtout faire en sorte de former nos joueurs. Il faut que dans le club, on ait tous la même culture, la même vision, la même philosophie. On veut absolument que les espoirs jouent comme les pros. On est dans un seul club et on a une seule philosophie. On veut être en capacité tous les ans de gagner des titres. Ce club a une grande histoire, mais on doit écrire notre histoire. Certaines équipes sont un peu en avance sur nous, mais on va travailler pour combler ce retard.
« Je suis là pour donner du confort aux entraîneurs »
Quel est votre rôle ?
J’ai un rôle de supervision. Mon but est de maîtriser le projet, de manager le staff et les joueurs. Je suis là pour donner du confort aux entraîneurs pour qu’ils aient uniquement le terrain à s’occuper. On a fait le projet de jeu ensemble. Karim Ghezal a la responsabilité sur l’équipe professionnelle de la méthodologie d’entraînement, tout ce qui est organisation du jeu, des séances, la performance. On a la chance d’avoir au sein du staff des gens de grande expérience et d’expertise. On va travailler sur la formation, sur le recrutement. Il faut qu’on soit meilleur sur les joueurs que l’on va chercher. Karim a un potentiel d’entraîneur important. Je le connais depuis longtemps, je l’ai entraîné à Montauban, au Racing. Je viens de passer quatre ans en équipe de France avec lui. C’est quelqu’un d’innovant, de moderne. Paul (Gustard) par son expérience et son exper- tise va me permettre encore de m’enrichir. Je vais aussi accompagner Morgan (Parra) dans sa carrière d’entraîneur qui sera grande. Je suis très attaché à la formation, c’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup et il n’y a rien de plus beau et c’est beaucoup plus gratifiant. J’ai travaillé avec des top joueurs et c’est magnifique, j’ai eu la chance de travailler avec les meilleurs joueurs au monde avec lesquels on a gagné des titres, mais je dirais presque c’est quasi normal. Mais quand tu gagnes des titres avec des jeunes issus du club ça a une autre saveur.
L’idée est-ce de faire un copier-coller de ce qui a marché en équipe de France ?
Il n’y a pas de copier-coller à faire, il faut qu’on trouve notre propre schéma avec les spécificités de notre club, de notre histoire, de ce qu’on veut faire. Pendant des années, chacun a travaillé dans son coin pour x raisons, les pros travaillaient d’un côté, le centre de formation et les espoirs de l’autre, l’association de l’autre. On doit nourrir les entraîneurs de notre expérience, de nos compétences pour pouvoir former nos joueurs et qu’on ait les joueurs les meilleurs possibles. Il faut aussi que les infrastructures bougent. C’est pour cela que dans le projet il y a aussi un centre d’entraînement pour qu’on puisse avoir une méthodologie et travailler avec des infrastructures qui nous per mettent de travailler avec les pros et avec les meilleurs jeunes. Ça demande des installations, au moins deux terrains, une salle de muscu, des installations vidéo et tout ça c’est problématique à Jean Bouin de faire tout coordonner. Ce qui marchait il y a 20 ans ne fonctionne plus aujourd’hui. On perd trop de temps dans les transitions, à passer d’un lieu à un autre. On a besoin de mieux travailler et d’un lieu de vie dédié aux sportifs et un autre pour les matches. On travaille depuis six mois sur un projet à Saint-Germain-en-Laye avec la mairie, le département, la région, le PSG qui va quitter le centre au 31 décembre. On aura deux terrains pour s’entraîner et un terrain synthétique en face. On a déjà un bâtiment existant avec des bureaux, salle vidéo, vestiaires aménagés en capacité rugby, salle de récup, salle de soins. On a un bâtiment à construire pour nous permettre de faire de la perf, de la muscu. On aura là un lieu dédié à la performance, ce qui est aujourd’hui plus difficile à Paris. Beaucoup de clubs s’entraînent sur une autre commune. Le PSG l’a fait pendant 40 ans ! J’étais à Castres, j’y ai joué 10 ans et entraîné 4 ans et le centre d’entraînement est à Saix et non à Castres, ça ne les empêche pas d’avoir des résultats. Idem pour Toulon. Aller à Saint-Germain va permettre aussi à toutes les équipes dessous de bénéficier de Jean Bouin.
Le public parisien veut des stars. Est-ce compatible avec la formation ?
Des stars, pourquoi pas, mais pas à n’importe quel prix. Il y a aussi une contrainte de salary cap, de JIFF. Le propriétaire ne souhaite pas faire de contrat d’image et aucun joueur au club ne perçoit un contrat d’image à côté du salary cap.
« On va jouer toutes les compétitions et on se doit d’être en capacité de gagner des titres tous les ans »
Recruter le capitaine des Boks Kolisi comme l’a fait le Racing, ça n’aurait donc pas été possible.
Aujourd’hui, ce n’est pas possible pour nous. Tant mieux pour eux. Peut-être que dans un an, dans deux ans, dans trois ans, on aura des possibilités différentes.
Vous voulez gagner des titres avec le Stade Français. Est-ce que ça arriverait trop tôt si c’était cette saison ?
On va jouer toutes les compétitions et on se doit d’être en capacité de gagner des titres tous les ans. Ce sera peut-être cette année, dans deux ou dans trois ans, en tout cas c’est notre ambition. Des clubs sont aujourd’hui mieux structurés et en avance sur nous. On part quand même d’assez loin, mais aucune équipe ne peut s’interdire si ça arrive la première année de le prendre. On ne s’interdit rien dans une saison de Coupe du monde particulière.
Laurent Travers se cherchait un successeur au Racing. La possibilité d’y retourner s’est- elle présentée ?
J’ai eu des sollicitations avec d’autres équipes, mais le Racing n’était pas une possibilité pour moi. Ça aurait été difficile de revenir. Le premier choix était de rester en équipe de France. Quand le Stade Français s’est manifesté, j’ai réfléchi et mon envie de revenir au quotidien dans un club avec une fonction différente, avec plus de hauteur, moins de terrain, fait que j’ai choisi le Stade Français Paris sinon je serais resté en sélection.
Le Mercato bat son plein. Des signatures sont-elles déjà actées comme celle du Palois Ezeala ?
Que ce soit avec les pros ou avec les jeunes, notre premier recrutement c’est de garder nos meilleurs joueurs. Ensuite, on regarde comment se renforcer pour améliorer le niveau de l’équipe sans casser notre équilibre, notre état d’esprit. On ne peut pas dire aux jeunes qu’on compte sur eux et à leur poste recruter les deux meilleurs joueurs de la planète. Il y a un équilibre à trouver. On a réduit le nombre de contrats professionnels. Il y avait 44 contrats pro, on est passé à 37. Notre idée, c’est d’être aux alentours de 35 pour permettre justement à nos meilleurs jeunes et nos hauts potentiels qui représentent à peu près 14 à 15 joueurs, plus les 35 ou 37 joueurs professionnels de pouvoir jouer.