dimanche 26 janvier 2025

Le crash du Matra Racing plane au dessus du Paris FC

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Frédéric Denat
Frédéric Denat
Journaliste

Avant le Paris FC version Red Bull/Arnault, il y a eu le Matra Racing version Lagardère. Un crash sportif et économique qui montre aux nouveaux propriétaires du PFC ce qu’il ne faut surtout pas faire.

Sur les cendres du Paris FC, au quidam des années 80, fort de ses succès dans le sport automobile, Jean-Luc Lagardère, le patron de Matra, arrive au chevet du Racing Club de France avec l’ambition d’en faire un club européen. Malgré d’énormes investissements et une montée en D1, l’échec est retentissant pour le deuxième club parisien. Des leçons à en tirer pour le Paris FC version 2025 qui entend bien être (enfin) le deuxième club parisien. 

Comprendre pourquoi il a fallu attendre près de 40 ans pour que s’esquisse un nouveau projet de deuxième grand club dans la capitale, c’est surtout chercher les causes de l’échec de la dernière tentative en date, celle du groupe Matra de Jean-Luc Lagardère. Face à un PSG qui ne va plus tarder à être repris par Canal +, le Racing Club de Paris, qui évolue alors au niveau amateur, est l’heureux élu. En absorbant l’équipe de D2 du Paris FC, en grande difficulté financière, le Racing Paris 1 ne perd pas de temps en montant en D1 dès sa première saison. Sous les ordres d’Alain de Martigny, adjoint de Michel Hidalgo lors du Mondial 1982, emmenés par les expérimentés Victor Zvunka, Raoul Nogues ou Benoit Tihy et l’espoir algérien Rabah Madjer, les Ciel et Blanc créent la sensation en s’imposant en barrage sur la pelouse de Geoffroy-Guichard (2-0) après avoir fait le nul à l’aller dans un stade de Colombes rempli de 40 000 spectateurs. Alors qu’elle aurait pu constituer un élément fondateur, cette rapide montée en D1 va au contraire éloigner la nouvelle entité de ses bases historiques. En choisissant de partager le Parc des Princes avec le PSG de Borelli, Lagardère ne le sait pas encore, mais il commet une erreur qui s’avèrera rédhibitoire.

Littbarski, Francescoli, Fernandez, Tusseau, Bossis, Ginola… un recrutement XXL

Victor Zvunka, encore joueur, qui succédera à De Martigny en janvier 1985, le reconnait : « Il fallait rester à Colombes où battait le cœur du club. Au Parc, on n’était pas chez nous et les adversaires étaient deux fois plus motivés parce que c’était le Parc, à l’époque le stade de l’équipe de France. » La sanction est immédiate avec une redescente en D2 qui ne ralentit pas le rythme des investissements.

Tout fraichement champion d’Europe avec les Bleus, l’arrivée de Maxime Bossis suffit pour relancer la dynamique, remettre le Racing Paris 1 dans l’élite pour mieux intensifier une politique de recrutement XXL. Dans le sillage de l’ancien nantais, Pierre Littbarski, champion du monde allemand, Enzo Francescoli, mais aussi les internationaux français Luis Fernandez et Thierry Tusseau, étoffent un effectif trop éclectique qui ne peut faire mieux qu’une 13ème place, évidemment insuffisante. Si les arrivées du coach vainqueur de la Ligue des Champions avec le FC Porto, Artur Jorge, sur le banc, de Pascal Olmeta dans les buts, ou de Gérard Buscher et David Ginola devant, offrent quelques beaux moments aux rares supporteurs qui ont suivi leur club Porte d’Auteuil, elles ne permettent pas de faire de la nouvelle entité Matra Racing un candidat aux places européennes.

Septième avec une affluence inférieure à 10 000 spectateurs… la greffe ne prend pas. Et ne prendra jamais malgré 80 millions de francs d’investissement par an (environ 18 millions d’euros). Lorsque le club est relégué en 1990, Lagardère s’est déjà désengagé, le Matra Racing est redevenu Racing Paris 1. Le rêve s’achève de faire en France ce qu’ont fait en Italie ou aux Pays-Bas, la Juve et le PSV Eindhoven avec Fiat ou Philips. Ironie du sport, c’est sous cette appellation qu’il connaitra le meilleur moment de sa courte existence avec une finale de Coupe de France perdue face à Montpellier en 1990… au Parc des Princes. Comme un symbole.

Jouer dans le même stade que le PSG, une erreur

Appelé par son boss à la direction générale du club en 1988, le fidèle Jean-Louis Piette reconnaissait il y a quelques années dans Ouest France « que le foot français n’était pas prêt pour accueillir un industriel. Tout est allé trop vite. » Pour Pascal Olmeta, « il manquait une âme, une vraie identité. Le club était trop instable et l’équipe dirigeante ne connaissait rien au football. Pourtant, on avait de grands joueurs, mais ça ne suffit pas pour bâtir une équipe. » 

Paradoxalement, c’est l’année de la redescente qu’a germé cette identité après laquelle avaient couru désespérément ceux qu’on appelait péjorativement les Matraciens. Sans les stars, parties sous d’autres cieux, avec des jeunes du cru, l’épopée de la Coupe de France aurait pu être un tremplin. « Nous n’avions que des jeunes qui prenaient plaisir à se retrouver, poursuit Olmeta. On avait gagné au Vélodrome face à l’OM de Tapie, c’était extraordinaire. » Quelques jours après, tous les joueurs vidaient leurs casiers du centre d’entraînement. L’aventure était terminée.

1982-1989, les années Lagardère

  • 1982/1983 : D3, rachat du Paris FC et montée en D2
  • 1983/1984 : D2, 2ème et montée en D1 après des barrages face à Nice et ASSE
  • 1984/1985 : D1, 20ème, descente en D2, quart de finale de la Coupe de France
  • 1985/1986 : D2, 1er et montée en D1,

quart de finale de Coupe de France

  • 1986/1987 : D1, 13ème,

32ème de finale de Coupe de France

  • 1987/1988 : D1, 7ème,

16ème de finale de Coupe de France

  • 1988/1989 : D1, 17ème,

16ème de finale de Coupe de France

  • 1989/1990 : D1, 19ème, relégation en National

Finale de Coupe de France (Montpellier, 1-2 a.p.)

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