Le merchandising et son corollaire de produits dérivés, parents pauvres des stratégies économiques mises en place par la plupart des équipes professionnelles, ne représentent qu’une partie anecdotique de leur budget. Pourtant, le potentiel est là et ne demande qu’à être exploité. A l’instar des clubs de foot qui en retirent de substantielles recettes, pourquoi le cyclisme n’y arrive pas ?
En matière de développement économique, l’exemple pourrait venir de la Fédération. En janvier 2021, en s’associant à Licensing for Growth, le président de la FFC, Michel Callot, a souhaité se donner les moyens de structurer son programme de Merchandising & Licensing.
Les missions de l’agence créée par Bruno Schwobthaler (voir encadré ci-contre) intégraient un audit et des recommandations pour la création d’un plan d’accélération menant aux JO 2024 avec l’objectif « de pérenniser le merchandising comme source de revenus tout en offrant une gamme de produits à un public large et à de véritables amateurs de vélo ».
Depuis, la création d’une boutique officielle en ligne est venue étoffer une offre fédérale principalement orientée vers les 105 000 licenciés.
La création d’une boutique fédérale en jeu
La même démarche a été effectuée par les organisateurs du Tour de France qui a généré la création d’une soixantaine de produits dérivés. Ce nombre très faible eu égard à la notoriété de la Grande Boucle illustre les difficultés rencontrées par le cyclisme professionnel en la matière.
« Contrairement au foot, le cyclisme ne peut pas s’appuyer sur des clubs qui représentent une ville ou une région, explique le responsable marketing de Cofidis, Florent Poleyn. Il est donc plus difficile de s’identifier autrement qu’à travers des coureurs qui peuvent changer de team et amener leurs supporteurs avec eux. »
Quand un club de Ligue 1 dispose d’un fichier de supporteurs et abonnés comme cible naturelle et prioritaire, « notre fan-club n’a que 300 membres, constate Florent. Il est donc plus difficile de fidéliser les gens autour de produits dérivés, vêtements, maillots ou autres accessoires. »
En proposant ses tenues officielles sur sa boutique en ligne, à l’instar de ses homologues du World Tour, la formation de Cédric Vasseur assure le minimum syndical. Même les recettes émanant de la collection sportwear développée avec Van Rysel, du groupe Decathlon, restent marginales par rapport au budget de 15 M€, estimées aux alentours de 150 000 euros.
« Nous sommes dans un fonctionnement du sport à l’ancienne, il faut peut-être changer les mentalités »
En prenant de la hauteur, Bruno Schwobthaler constate que « l’intérêt existe, mais la réponse des équipes n’est pas adaptée au marché. Est-ce intéressant de générer au maximum 5 % de revenus supplémentaires, ne vaut-il pas mieux chercher ailleurs ? »
Les managers préfèrent insister sur la recherche de sponsoring, vitale. « Ou alors, pour s’inspirer des footeux, nous pourrions chez Cofidis, dont le siège est dans le Nord, communiquer autour de cette identité, comme l’ont fait les
« Men in Glaz » ou comme le font les « Wolfpacks » en Belgique. Sauf que cette saison aucun coureur originaire du Nord ne fait partie de l’effectif ! Et encore faut-il que les supporteurs aient envie de s’associer à une marque… » ce qui est évidemment tout sauf évident surtout quand on s’appelle TotalEnergies ou que l’identité visuelle, imposée par les codes couleurs des sponsors, pique les yeux ! Même si énormément de progrès ont été fait en la matière, on a bien compris qu’elles ne se situaient pas dans le design des tenues.
« On observe de moins en moins de cyclistes du dimanche porter des maillots d’équipes pros, ils préfèrent plus de sobriété. »
Le cyclisme en retard sur son temps ?
Si une formation faisait appel à lui, le boss de Licensing for Growth commencerait par « une offre d’abord limitée à quelques produits officiels liés à l’entraînement, à la représentation. Le but serait de prendre un marché que les grandes marques ne prennent pas, à l’instar de la multitude de petites sociétés qui surfent sur le textile et la réplique de maillots, notamment les maillots vintage. L’idée serait rapidement de créer une identité déconnectée des sponsors. »
Encore faudrait-il qu’une formation accepte d’investir dans ce domaine. Comme dans toutes les équipes de World Tour, chez Cofidis, Florent Poleyn est d’abord en charge du sponsoring, le merchandising passant bien après, « alors qu’il devrait y avoir une personne à plein temps, reconnait-il. Nous sommes dans un fonctionnement du sport à l’ancienne, il faut peut-être changer les mentalités. »
C’est d’autant plus dommage que, comme le rappelle Bruno Schwobthaler, « les valeurs du vélo sont fortes, mais ne sont pas récupérées par les équipes alors qu’il y aurait tellement de belles histoires à raconter. » Et de produits à vendre…