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Soumis à un stress et à une pression permanente, le peloton se craquelle de plus en plus, à l’instar du cycliste britannique Leo Hayter (23 ans) qui a mis sa carrière sur pause pour essayer de se régénérer.
Le Néerlandais Tom Dumoulin fut l’une des premières stars du peloton à baisser la garde. « C’est comme si un sac à dos d’une centaine de kilos avait glissé de mes épaules, déclarait-il en janvier 2021 avant de mettre sa carrière entre parenthèses. J’ai le sentiment de ne plus savoir quoi faire. Est-ce que je veux toujours être coureur ? Et comment ? »
Six mois après, il revenait dans le peloton, à 30 ans, pour décrocher l’argent sur le chrono des JO de Tokyo avant de mettre un terme à sa carrière en 2022. Cette année, le même mal a touché le cycliste britannique de chez INEOS Grenadiers, Leo Hayter (23 ans). En août, son message sur Instagram ne laissait planer aucun doute sur la nature du mal qui l’avait poussé à s’éloigner des pelotons :
« Beaucoup d’entre vous ont remarqué mon absence cette année encore. Sans entrer dans les détails, en mai dernier, on m’a diagnostiqué une dépression et, même si ces symptômes se sont d’abord améliorés, je me suis retrouvé au même endroit. Je suis tombé en panne et je ne me suis pas entraîné depuis un certain temps maintenant. Il est peu probable que je retourne au cyclisme professionnel cette année. »
Son contrat qui courait jusqu’en 2025 a été résilié. Son avenir dans le cyclisme restait en suspens quand bien même son profil et ses premiers résultats, vainqueur du Giro U23 et deux fois champion de Grande-Bretagne Espoirs, le destinaient à une belle carrière.
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Un sujet que le cyclisme ne sait pas traiter
Dans un peloton souvent soumis à de fortes cadences, à un entraînement de plus en plus scientifique, la notion de plaisir, pourtant essentielle dans la quête de performance, tend à passer au second plan et à favoriser l’émergence de graves pathologies mentales.
« Une carrière est faite de remises en question permanentes qui peuvent être mal vécues, explique Valentin Madouas. Ça fait partie du sport de haut niveau et je crois que les formations l’ont intégré dans leur fonctionnement. Si c’est peut-être tabou chez certains, ça ne l’est pas chez nous, à la Groupama-FDJ. Il est important que ceux qui traversent des moments difficiles puissent se reposer sur quelqu’un. Aux équipes d’anticiper ces besoins pour proposer des soins éventuellement et un accompagnement psychologique. »
Ainsi de plus en plus de formations ont intégré cette double dimension dans leur staff pour mieux gérer les baisses de régime qui ne sont pas toujours, loin s’en faut, liées à des problèmes physiques.
« Un sportif qui demande une année sabbatique ou qui interrompt sa carrière n’est surtout pas interprété comme un échec par un psychologue, insiste Christian Ramos, psychologue spécialisé en préparation mentale. Chaque accompagnement concerne l’Homme avant le sportif. L’intérêt de la prise en compte de la santé mentale est double car elle est identifiée également comme un facteur de performance. L’état de bien-être mental permet de mieux affronter les différentes sources de stress. Il permet d’exprimer son plein potentiel en maintenant sa motivation et en libérant son intuition. »
Hayter a pris les devants pour ne pas s’enfoncer davantage
Longtemps sujet tabou, la dépression dans le peloton n’est plus tue. Dans un passé récent, comme Dumoulin, les épisodes dépressifs n’ont pas empêché Cavendish ou Kittel de reprendre leur place dans les sprints.
À lireDans 15 jour le Giro : quelle sortie pour Romain Bardet ?L’exemple de Leo Hayter ne peut qu’encourager ses contemporains à ne surtout pas taire leur problématique « car l’avouer, l’accepter, c’est déjà franchir un premier pas vers la guérison, insiste Virginie Dalla Costa, psychologue et préparatrice mentale. Plus qu’un signe de faiblesse, ça devrait être considéré comme un gage de lucidité. »
En assumant avec beaucoup de maturité sa problématique, le jeune coureur britannique refuse de s’enfoncer encore davantage quand d’autres n’hésitent pas à se réfugier dans des dérives toxicomaniaques, entre alcool et drogue dure.
« Notre devoir premier de psychologue reste la prévention auprès des familles, auprès des jeunes sportifs en centre de formation pour que l’athlète s’approprie des thèmes comme la gestion de la pression, la récupération nerveuse et des techniques destinées à autoréguler ses émotions comme la relaxation et l’imagerie mentale. Le bien-être pour la santé mentale de l’Homme suivi du bien-être pour la performance s’impose comme une priorité » conclue Eric Ramos (auteur avec Mathias Borie de la BD “Mental gagnant, une question d’équilibre”).
Conscient que les cyclistes avaient déjà payé un trop lourd tribut à l’absence de prise en charge des dépressions, à l’aveuglement des formations face à la souffrance psychologique de certains de leurs coureurs.
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