Pour notre rédaction, le manager général de la Groupama-FDJ, Marc Madiot se livre en exclusivité avec l’envie de croire en une grande année.
Comment abordez-vous le lancement de cette nouvelle année ?
Je suis content. On est une équipe sympa avec des gens qui ont envie d’être là (sic).
Même si vous faites le constat que votre sport évolue…
(Il coupe) Le monde du cyclisme change. On va de plus en plus vers du business. Paradoxalement, je me retrouve dans une équipe qui ne va pas dans cette direction. C’est en cela que c’est excitant. On est dans un autre modèle pour aller chercher de la performance. Ça correspond à notre ADN. Je pense que ça correspond à une partie du public et on a des coureurs pour cela.
Quels sont les objectifs cette saison ?
Gagner des courses ! N’importe où ! N’importe quand ! Le plus vite possible ! Je n’ai pas envie de fixer des trucs précis. Je suis dans le discours d’envoyer les gars au charbon. On a des cartouches. On va les tirer et on va essayer de mettre dans le mille le plus souvent possible.
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L’émotion est-elle une donnée importante de la victoire ?
Il y a la performance, oui. Mais il y a autre chose. Ça ne s’invente pas, ça ne s’écrit pas. Ça se vit ou pas. Il faut que les coureurs soient en situation de pouvoir le faire. On veut leur donner aussi une part d’initiative personnelle. L’émotion reste le petit coup de génie, comme dans le foot, que l’on peut avoir ou pas dans un match.
La petite étincelle reste humaine. Si on le met dans une quadrature trop précise, on tue la spontanéité que chacun garde en lui. Que ça puisse s’exprimer. Il faut laisser de la place au coureur dans sa manière de pédaler. Il ne faut pas-tout lui prendre.
D’autant plus que l’on a tendance à toujours se focaliser sur le numéro 1 d’une équipe, celui qui gagne…
Tout le monde ne va pas gagner.
« On est dans un autre modèle pour aller chercher de la performance »
L’échec est-il encore toléré dans le cyclisme même si le coureur donne tout ?
Il y a un modèle économique qui est en train de changer. Il y a beaucoup d’argent qui arrive. On est dans un tripe : je vais mettre du pognon, donc il faut que ça marche. Comme le foot. Mais, parfois, le pognon ne fait pas tout. Ça ne suffit pas. Il faut ramener autre chose. Le maillot par exemple. S’il ne nous plait pas, on n’a pas envie de le faire briller. A l’inverse, quand on est fier de son maillot, on donne tout.
J’ai eu la chance de passer dans ces équipes. Par exemple, quand je mettais le maillot Renault, j’étais un autre homme. Quand j’enfilais le maillot de Toshiba, j’étais aussi un autre homme. Il y avait du prestige. C’est comme un footeux dans un club. On veille toujours à avoir un beau maillot à la Groupama-FDJ. Pourquoi ? Parce que j’ai envie de voir quelque chose qui sorte et se dégage de mes coureurs.
Si tu as ça,tu as un petit truc en plus.Ça ne va pas te faire gagner à tous les coups, mais ça va te réconforter d’être dans cette équipe. C’est déterminant. On a besoin de cela. Quand je suis dans ma voiture, je veux être fier d’y être.
En 2024, vous avez parlé de vous réinventer après le départ de Pinot voire Démare, est-ce toujours le cas ?
On est toujours dans ce cas. On garde l’ADN de l’équipe depuis 30 ans. C’est l’avantage de mon métier. Je suis au contact de personnes plus jeunes que moi. On prend forcément chez eux. C’est nourrissant. J’ai envie de vivre une belle et grande saison.
« Il faut redonner la vraie place aux coureurs »
Qu’est-ce que vous prônez pour l’avenir du cyclisme ?
Il faut redonner leur vraie place aux coureurs. Au-delà de l’équipe, le coureur est un homme, une personne, une conscience, un état d’esprit, une philosophie… On n’est pas le même si on est Belge, Slovène, Français, Brésilien ou Américain. On doit le capter et le percevoir quand on est en course. L’histoire de notre sport s’est construite à travers tout cela. Elle s’est construite à travers Robic, Bobet, Merckx,…
Ils ont tous un lien avec leurs origines et leur ADN. Pourquoi on s’en souvient ? Comme Hinault ou Maertens, ils avaient une personnalité. Par contre, il y a des noms qui ont gagné beaucoup et, pourtant, on ne s’en souvient plus. On était déjà dans quelque chose de formaté, d’institutionnalisé ou mécanisé. C’est la pire des choses.
Quand on mécanise trop, on s’emmerde. Pourquoi on ne s’est pas emmerdé avec Pinot ? Il était casse-couille et pas facile à gérer mais, quand il gagnait un truc, ça sortait de l’ordinaire. Madouas n’a pas gagné aux JO et on se souvient de lui alors que d’autres ont fait trois médailles d’or. C’est ça qu’il faut garder. Le devenir de notre sport passe par là. Il ne se situe pas dans je vais gagner 70 courses en une année. On n’en a rien à secouer. Madouas a fait une fois deuxième et on a l’impression qu’il a gagné.
A quand le prochain vainqueur du Tour de France français alors ?
Il y a un problème de génétique. Est-il né ou pas ? Aura-t-il l’idée de faire du vélo ou pas ? La concurrence est mondiale maintenant. Aura-t-il l’envie, la motivation et se donnera-t-il les moyens de réussir ? Cela fait beaucoup de pièces du puzzle à réunir. Parfois, on a la première et la deuxième, mais s’il manque la 4ème et la 5ème, ce ne sera pas possible.
Sentez-vous David Gaudu mieux pour réussir une grande saison en 2025 ?
Je suis zen. On verra.