Personnage au caractère bien trempé, le champion espagnol Luis Ocaña, un destin tragique a marqué l’histoire de son vivant et a choqué quand il a perdu la vie…
Luis Ocaña, c’est plus de 60 victoires chez les professionnels. Et pas n’importe lesquelles ! Né le 9 juin 1945 dans l’Espagne franquiste et mort le 19 mai 1994 à Mont-de-Marsan à 48 ans, il a été l’un des plus grands champions de sa génération entre 1968 et 1977. Avec en particulier 9 étapes remportées sur la Grande Boucle et 6 autres sur la Vuelta. Mais le natif de Priego dans la province de Cuenca avait aussi un sacré tempérament.
« Quand je repense à Luis Ocaña, ce qui me vient à l’esprit, c’est qu’il était comme un fier hidalgo, se rappelle le double vainqueur du Tour (1975 et 1977) Bernard Thévenet. Il avait vraiment le sang chaud. Il réagissait promptement parfois sans même prendre le temps d’analyser. Luis était vraiment quelqu’un d’entier. Quand il avait une idée en tête, il allait vraiment au bout des choses ».
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« En 1973, il était inarrêtable. Même le grand Merckx n’aurait pas pu le stopper »
Thévenet a vite saisi que l’Espagnol sortait vraiment de l’ordinaire. « On ne se connaissait pas encore. C’était sur un Tour du Roussillon en mai 1966. On était jeunes. J’avais 18 ans et il en avait 20. Il y avait trois étapes. La première, on finit ensemble dans un groupe d’échappées. Lors de la 2ème, il me bat au sprint dans une arrivée en cote. Je fais 2ème. Le lendemain, lors de la dernière étape, par le jeu des bonifications, je gagne l’épreuve. »
« Luis, sur le coup, n’avait pas vu que j’avais fait 2ème la veille. Il était donc convaincu d’avoir gagné la course. Il s’était montré très surpris et m’avait dit : “Mais d’où tu viens toi ?”. Je lui avais répondu : “J’ai fait 2ème et j’ai pris la bonif”. Il était très mécontent. Peu après on dispute le Grand Prix des Nations en septembre. J’attendais aux dossards. Un type me tape alors dans le dos. C’était Luis ! Il m’avait reconnu de dos. Peu de temps après on s’affrontait chez les professionnels ».
Au plus haut niveau, Ocaña a toujours suivi sa ligne directrice. Avec son caractère offensif, son grand talent et son panache. Mais, parfois aussi, le vainqueur de la Vuelta en 1970 et du Tour en 1973 a été frappé par une terrible malchance :
« Luis c’était un battant, rappelle “Nanard”. Pour ne pas dire un combattant. Il était bon en contre-la-montre et il excellait en montagne. Quand il marchait vraiment bien, il était au-dessus du lot. J’ai connu des grimpeurs comme Zoetemelk, Van Impe. Luis était vraiment ce coureur capable d’attaquer et de tenir le coup devant. On ne peut que se souvenir de son exploit en 1971 à Orcières-Merlettes. »
« Ce qu’il a réalisé là était juste incompréhensible. On était derrière et on roulait. L’ardoisier passait tous les dix kilomètres. A chaque fois, il y avait une minute de plus ! On se disait, mais comment fait-il ? Merckx était pourtant derrière et roulait avec deux, trois équipiers. Je me souviens aussi du Tour en 1973. Il part sur une étape avec Fuente. Je n’avais pas pu les suivre. Luis avait un conflit à régler avec Fuente. Ils se sont fait une chasse incroyable pendant 30 km à 200 mètres l’un de l’autre. Luis Ocaña a parfois vraiment été à l’origine de moments épiques 5.
Lors de ce Tour de France 1973, Ocaña a dominé de la tête et des épaules. Lauréat de 6 étapes, il a laissé son dauphin au classement Thévenet à près de 16 minutes !
« Avant de connaître ce sacre sur ce Tour de France, il a connu quelques déconvenues lors des éditions précédentes. En 1971, dans la descente du col de Menté, il est tombé. Ses freins n’avaient pas bien répondu. Il avait voulu suivre Merckx qui était également tombé. Luis était tombé au même endroit. Il avait ensuite été percuté violemment par Zoetemelk. »
« Cela l’avait empêché de repartir. Il avait été dans l’obligation d’abandonner. Mais pas par sa faute. Il en était resté amer. Sur le Tour en 1972, il n’avait pas pu terminer car il avait eu une bronchite. Mais en 1973, il était par contre inarrêtable. Même le grand Merckx n’aurait pas pu le stopper ».
La fin de vie de Ocaña sera terrible. En 1979 et 1983, il est victime de graves accidents de la route avec de terribles complications. Se sachant condamné, il se suicide par arme à feu à son domicile du Gers le 19 mai 1994…
« Luis était un impulsif. Luis Ocaña avait déjà eu un grave accident en marge du Tour en 1979. Il faisait du 4×4. Il avait reçu des transfusions ce qui l’a beaucoup atteint. Mais je n’aurais jamais pensé qu’un type comme lui puisse en arriver-là. Quand j’ai appris la nouvelle, j’étais totalement abasourdi sur la manière dont il avait mis fin à ses jours… ».
Ocaña ne faisait jamais dans la demi-mesure. Sur son vélo et quand il n’était pas dessus. Cette manière d’être a fait aussi partie de sa légende.