dimanche 26 janvier 2025

Marco Mignot : « Je m’inspire beaucoup des combattants de l’UFC ou de la boxe »

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Arnaud Bertrande
Arnaud Bertrande
Rédacteur en chef — Pole Sport Goupre Entreprendre

Entretien exclusif avec Marco Mignot, le seul Français qualifié pour le championnat du monde de surf, avant la première étape à Hawaii.

A 24 ans, Marco Mignot sera le seul Français sur le WLS Championship Tour en 2025, le 9ème de l’histoire. En 2023, Maxime Huscenot n’avait tenu que 5 manches et en 2024 il n’y avait aucun Français. Marco Mignot qui vit au Mexique a hâte d’attaquer la compétition le 27 janvier à Hawaii et espère marcher sur les traces de Jérémy Florès.

Qu’est-ce que ça représente d’intégrer le championnat du monde ?

Vous rêvez de quelque chose, vous travaillez super dur et de se dire que j’ai atteint mon rêve, c’est incroyable. Faire partie du CT (Championship Tour, Ndlr), je crois que les vagues vont m’aller très bien en 2025… L’année dernière, peut-être que je ne me sentais pas autant en confiance sur certaines compétitions et cette année ils ont changé avec des épreuves où il y a vraiment des vagues pour moi. 

Se qualifier pour le CT, est-ce le graal ?

C’est comme pour un pilote arriver en Formule 1. C’est le plus haut !

Comment vous êtes-vous qualifié ?

En début d’année, il y a le QS (Qualifying Series, Ndlr). Tu passes par les régionales et après tu vas dans le Challenger Series. De toutes les régions, les 10 meilleurs surfeurs s’affrontent. Sur 100 surfeurs, 10 se qualifient pour le CT qui compte 34 surfeurs. C’est super de pouvoir représenter la France. 

C’était compliqué pour les Français ces dernières saisons…

Il y en avait un en 2023 (Maxime Huscenot, Ndlr), mais il n’a pas passé le cut (après 5 épreuves, Ndlr). C’est très compliqué de se qualifier. Le surf, c’est un sport dur, il faut faire avec le facteur nature. Il n’y a pas que le talent, il y a beaucoup d’autres paramètres. 

« Pipeline, c’est une vague mythique, c’est la compétition la plus prestigieuse. Pouvoir en faire partie, c’est incroyable »

Il y a 11 étapes (2 de plus qu’en 2024 avec un cut après la 7ème étape au lieu de la 5ème étape, Ndlr) avant les finales aux Fidji. Quelles sont celles qui vous font rêver ?

La première à Hawaii. Pipeline, c’est une vague mythique, c’est la compétition la plus prestigieuse. Pouvoir en faire partie, c’est incroyable. 

Laquelle vous fait un peu peur ? 

Je ne sais pas si je dirais peur. Ça fait sept ans que je vais à Hawaii et que je surfe cette vague tous les ans. Je me sens assez en confiance.

La 11ème épreuve aura lieu à Tahiti. Ne regrettez-vous pas qu’il n’y ait pas d’autres étapes en France ?

C’est dommage qu’il n’y ait pas d’étape à Hossegor. Avant, il y en avait une en octobre, le Quick Pro France. J’espère qu’ils vont la remettre. Elle ramenait beaucoup de monde. Ils ont pensé à la mettre en mars, mais ce n’est pas la meilleure saison pour Hossegor, il fait très froid. 

La 2ème étape aura lieu à Abu Dhabi sur une vague artificielle. Etes-vous fan ou pas ?

Personnellement, ça me plaît. Bien sûr qu’écologiquement, j’espère qu’on pourra trouver une meilleure solution. Mais les vagues artificielles, c’est bon pour le surf. A Paris, on pourrait faire un petit stade avec une piscine à vagues avec Marco Mignot et Kauli Vaast en finale ! (sourire) Ça pourrait démocratiser encore plus le surf. 

« Les vagues artificielles, je suis fan »

Cela se surfe-t-il différemment !

C’est différent. On sait exactement comment arrive la vague, combien il va y en avoir, il n’y a pas de surprise. C’est assez intéressant. Je suis pour les vagues artificielles, mais je suis contre que ça soit si mauvais pour la terre. Mais on va trouver une solution.

En tant que surfeur, percevez-vous le réchauffement climatique ?

Il y a des endroits où l’eau est plus chaude ou plus froide. En tout cas, ça me touche. Il faut protéger la nature. Pour nous surfeurs, la nature, c’est tout !

Etes-vous un surfeur engagé ?

J’essaie d’amener mon grain de sable. Si tout le monde faisait un petit geste, le monde changerait. 

Quel est l’objectif pour cette première saison sur le CT ?

J’ai envie d’être rookie of the year (meilleur débutant, Ndlr) et de finir dans les tops 10 du circuit. 

« Mon but ultime, c’est de devenir champion du monde, ça c’est le vrai objectif »

Et de passer le cut ? 

Je pars pour ça, mais je ne me mets pas de pression. J’ai d’abord envie de m’adapter au CT et de grandir. Mon but ultime, c’est de devenir champion du monde, ça c’est le vrai objectif. 

Quel est le plus gros changement : la difficulté des vagues, la concurrence… ?

Le niveau ! Tu arrives et tu te retrouves contre John John Florence, Gabriel Medina, tu surfes vraiment contre les meilleurs surfeurs du monde. Après, on ne sait jamais, je peux rentrer dans le tour et surprendre tout le monde…

Champion du monde la première année, est-ce possible ?

Tout est possible, mais c’est aussi un processus. En tout cas, je me vois dans les prochaines années devenir champion du monde. 

Votre place en CT est-elle garantie ?

Il faut passer le cut, être dans le Top 22. Si ce n’est pas le cas, il faut en repasser par le Challenger Series pour se qualifier. Chaque année, même le meilleur surfeur peut sortir du tour.

Physiquement, comment vous êtes-vous préparé, avez-vous mis en place des choses différentes ?

J’ai essayé de prendre 2-3 kilos pour avoir un peu plus de puissance. Mais, pour moi, c’est dur de prendre du poids (sourire). Dans les vagues du CT, c’est bien d’avoir un peu plus de poids alors que dans le Challenger Series tu n’as pas vraiment besoin, les vagues sont plus petites. 

« Johanne Defay est une source d’inspiration »

Financièrement, est-ce aussi le jackpot d’arriver à ce niveau-là ?

Ça dépend aussi de l’image que vous avez, de votre importance sur les réseaux. Il y a des surfeurs qui ne sont pas dans le CT et qui gagnent plus que certains surfeurs du CT. Après, un champion du monde comme John John gagne des millions. Combien, je ne sais pas, mais des millions. Si vous gagnez une épreuve du CT, vous touchez 100 000 euros. Si vous perdez au 1er tour, vous touchez 10 000 euros. Au final, vous pouvez gagner entre 50 à 500 000 euros et si vous êtes champion du monde, ça peut monter jusqu’à 1 million. 

N’avez-vous pas l’impression qu’en France le surf n’intéresse que les initiés et pas encore le grand public ?

Ça commence à prendre. Merci à Kauli (Vaast) qui a gagné la médaille d’or aux Jeux de Paris. Il a ouvert beaucoup de portes au surf français. 

On ne voit pourtant pas beaucoup d’images des compétitions à la télé…

C’est le problème. Le surf, ça marche avec les horaires. Il peut y avoir une grosse tempête ou pas de vagues. Dans ces cas-là, l’épreuve est reportée au jour suivant et pour la télé c’est un souci. C’est aussi pour ça que les vagues artificielles c’est bien parce que tu sais qu’il y aura tout le temps une vague.

En France, on parle plus d’une femme (Johanne Defay médaillée de bronze aux JO de Paris, 6 victoires sur le CT) que des garçons…

C’est elle la championne ! Elle fait des choses de ouf depuis plusieurs années. C’est une grosse inspiration pour moi. On était à Porto Rico et elle m’a donné pleins de conseils et, franchement, c’est une personne super.

Est-elle meilleure que vous ?

En ce moment, oui (sourire). J’espère que je pourrai être plus fort qu’elle un jour au niveau des résultats. Mais je ne me compare pas avec Johanne, c’est surtout une source d’inspiration. 

Comment expliquer ce petit trou chez les garçons depuis Jérémy Florès (4 victoires sur le CT) ? 

En Europe, c’est lui qui nous a montré la voie (surfeur européen le plus titré, Ndlr). Il a remporté deux fois le Pipe Masters (2010, 2017, Ndlr). Il a gagné Teahupo’o (2015, Ndlr), en France aussi (2019, Ndlr). Il a gagné toutes les compétitions qu’il voulait gagner.

Il avait le potentiel pour devenir champion du monde. En France et en Europe, une nouvelle génération arrive et les choses sont en train de changer. Je sens qu’il se passe quelque chose. 

Qui sont vos idoles ?

John John Florence, c’est une idole.

Gabriel Medina aussi. Ce sont deux surfeurs que je regarde beaucoup.

Allez-vous leur demander un autographe ?

Je vais leur dire attention j’arrive ! (rires) Plus sérieusement, je connais un peu Gabriel Medina. C’est quelqu’un de super sympa, super relax. Maintenant, je vais aller à l’eau et j’ai envie de les battre !

Pourquoi John John Florence est-il le meilleur ? 

Il est champion du monde ! Il adore surfer. Il y a un truc spécial qu’on ne peut pas vraiment expliquer. 

« Je m’inspire beaucoup du mental des fighters de l’UFC ou de la boxe »

En dehors du surf, avez-vous d’autres modèles ?

J’aime beaucoup les arts martiaux. C’est beaucoup mental et je m’inspire beaucoup du mental des fighters de l’UFC ou de la boxe. Je me suis beaucoup inspiré de l’Espagnol Ilia Topuria.

En quoi cela vous sert-il pour le surf ? 

Techniquement, ça ne va pas me servir. C’est surtout la mentalité qu’ils ont dans leur préparation. Dans le surf, on n’a pas une super préparation, on n’est pas des athlètes de haut niveau. Ça commence depuis cinq ans. Avant, c’était un peu la fête, on ne pensait pas beaucoup à la préparation (sic). Maintenant, il y a aussi ce qu’on peut voir sur les réseaux sociaux qui nous inspirent, comment un fighter s’entraîne dans un camp d’entraînement. J’essaie de faire un peu la même chose. J’ai un préparateur physique, un sophrologue qui m’entraîne mentalement. J’ai mis en place toute cette préparation qui a aussi fait que je me suis qualifié.

Avez-vous étudié les 11 étapes du CT, les différentes vagues ? 

On peut se préparer, mais on ne sait pas les conditions qu’on va avoir. Ça, on ne le contrôle pas. Généralement, j’arrive une semaine avant pour m’entraîner avant la compétition. 

A part le surf, qu’est-ce qui vous intéresse ? 

C’est devenu un lifestyle pour moi, m’entraîner, aller surfer, aller boire un café avec des potes. J’aime bien aller marcher dans la nature, faire des petites aventures dans les cascades, ce genre de choses. 

Où vivez-vous ?

Je suis entre le Mexique, un village qui s’appelle Sayulita, et Hossegor en France.

Votre grand frère Nommé (27 ans) a aussi été pro. 

Oui. C’est lui qui m’a ouvert les portes pour ce rêve. Il m’a aidé énormément et aujourd’hui je réalise en quelque sorte son rêve. J’ai atteint le niveau qu’il voulait atteindre. C’est comme si c’était lui qui s’était qualifié (sic).

« Peut-être que si j’avais été aux Jeux, je ne me serais pas qualifié pour le CT… »

Vous avez raté d’un cheveu la qualification pour les Jeux de Paris. Cela a-t-il été dur à digérer ?

Ce n’était peut-être pas mon destin… Ça s’est joué entre moi et Joan Duru. Je suis super content pour lui et pour Kauli (Vaast). C’est un pote à moi qui a gagné l’or à Teahupo’o (Tahiti, Ndlr) où ils ont eu de super vagues. C’était incroyable. A Porto Rico, pour les qualifications, ça s’est joué à une place pour me qualifier. Ça fait mal au cœur, mais j’ai quand même relevé la tête parce que mon but ultime c’était, en tout cas en 2024, de me qualifier dans le CT. Peut-être que si j’avais été aux Jeux, je ne me serais pas qualifié pour le CT…

Et à choisir ?

La qualification pour le CT ! Mais j’ai vraiment envie d’en être en 2028 pour les prochains Jeux à Los Angeles et de gagner l’or !

N’auriez-vous échangé cette qualification au CT contre une médaille d’or à Paris ? 

Une médaille d’or certainement. Mais c’était le destin que Kauli soit champion olympique chez lui. Je suis surtout content pour lui.

On n’a pas le sentiment que cette médaille d’or plus celle en bronze de Johanne Defay aient amélioré la médiatisation du surf en France.

Kauli a quand même fait des médias importants en France. Après, je crois que ça va venir. Au-delà des résultats, une belle vidéo ou une belle interview peuvent aussi faire le buzz. Avec les réseaux sociaux, ça peut aller très vite. Surfer une belle vague comme Nazaré, par exemple, ça peut faire le buzz. J’y pense, mais ce n’est pas le même sport et, pour l’instant, je me concentre sur le CT.

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