vendredi 21 mars 2025

Médéric Chapitaux, expert en radicalisation dans le monde du sport dénonce « l’attitude criminelle » de l’Etat

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Ancien gendarme, ancien sportif, éducateur… Médéric Chapitaux est une référence dans le domaine de la radicalisation dans le monde du sport. Alors que le sujet est plus que jamais sur le devant de la scène, il tire le signal d’alarme.

Ancien gendarme, diplômé en droit du Sport de la Sorbonne et auditeur de l’Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice, ancien DTN de la fédération française des sports de contact, grand amateur (et ancien pratiquant à un bon niveau) de foot, Médéric Chapitaux est un des experts de référence pour évoquer la radicalisation dans le milieu sportif. Un sujet tabou qui revient de plus en plus sur le devant de la scène (avec notamment la sortie du très bon livre de Patrick Karam et Magalie Lacroze, « le livre noir du sport »).

Alors que l’Assemblée est en train de travailler sur la Loi contre les séparatismes (désormais appelée « projet de loi confortant les principes républicains ») à laquelle le monde du sport est associé, il nous explique pourquoi il est urgent d’agir.

Pourquoi dénoncez-vous la radicalisation dans le sport ?
Le sport n’est pas à l’écart de la société. C’est la même chose pour l’homophobie, le racisme… C’est un domaine touché comme tous les autres. Et comme partout, la grande difficulté est que l’on fait trop souvent l’amalgame entre la religion et la radicalisation. Pour cette raison notamment, cela reste souvent un sujet tabou, mal perçu, et très difficile d’accès. On n’a peur de se faire traiter de raciste en parlant de radicalisation.

Pour être précis, qu’appelez-vous « radicalisation » ?
Se radicaliser, c’est adopter une forme violente d’action liée à une idéologie extrémiste. Ce n’est pas forcément religieux. La radicalisation peut être aussi d’ordre idéologique, sociale, culturel ou politique…

« Détournement éducatif du sport »

Vous avez des exemples dans le sport ?
Dans certains clubs, il y a des postulats qui sont pris dès l’entrée au club avec du respect de préceptes religieux : refus de prendre la douche nu, des prières collectives dans les vestiaires… A partir du moment où on agit de la sorte dans un club, on est dans une forme de détournement éducatif du sport. Le sport n’a pas vocation à alimenter une religion ou une idéologie.

Nous sommes d’accord que vous ne parlez pas d’une religion plus qu’une autre…
Personnellement, je ne stigmatise pas une religion plus qu’une autre, ce n’est pas mon propos. Il ne faut pas faire d’amalgame. 

L’inquiétude est d’autant plus forte que dans le sport, il y a un rapport souvent intense entre l’éducateur et le jeune. Le premier est souvent un exemple et le second est très influençable…

C’est bien sûr un des problèmes principaux. Surtout quand on sait que 12,5% des personnes radicalisées inscrites sur le fichier des signalements pour prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) sont dans des clubs ou des associations sportives, soit en tant qu’adhérents, soit en tant qu’éducateurs ou dirigeants. Comment voulez-vous que ces personnes défendent les valeurs de la République. Laisser ces personnes au contact des jeunes, c’est criminel ! 

Aujourd’hui on ne peut rien faire pour lutter contre ça ?
Non, car contrairement à la pédophilie par exemple, la radicalisation n’est pas considérée comme une condamnation. On est sur un non sens administratif et un non sens juridique.

« Il est nécessaire de réfléchir à des dispositifs permettant de sécuriser le parcours sportif et éducatif des plus jeunes »


Mais a-t-on le moyen de savoir quand des personnes inscrites au fichier FSPRT s’engagent dans un club par exemple ?
S’ils sont inscrits au fichier, c’est qu’ils sont suivis et on sait ce qu’ils font, notamment s’ils deviennent éducateur dans un club sportif. 

Mais aujourd’hui, on ne fait rien pour les en empêcher ?
Non, on ne fait rien. Dernièrement, interrogée sur la question, la Ministre déléguée aux Sport, Mme Maracineanu a dit que son Ministère n’avait pas accès à des données objectives en la matière. C’est un constat accablant, alors que ces chiffres existent. Au passage, il faut souligner que la Fédération Française de Football est la seule fédération en France qui dit, dans ses statuts, que tous les signes ostentatoires de religion ou d’idéologie sont interdits.

Sans référence à la loi, c’est difficile pour les dirigeants de clubs d’agir…
Il faut leur donner les moyens d’agir en commençant par faire en sorte que toutes les personnes qui sont inscrites sur le fichier FSPRT ne puissent pas exercer certaines fonctions dans un club, à l’image des délinquants sexuels. 

Cela ne résoudra pas tout…
Non, dans les clubs, les phénomènes sont parfois diffus et multiformes. Dans certains sports, comme le football, on se rapproche de la l’article 50.2 de la charte olympique (ndlr : « Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique. ») mais comme je vous le disais, c’est un vrai problème pour faire respecter les valeurs de la République dans les clubs et les associations sportives. Dernièrement, le président de la fédération de Basket, qui n’est quand même pas la plus petite des fédérations, a expliqué devant le Sénat les difficultés rencontrées par les arbitres a faire respecter le non port du voile dans certains matchs.

Où est la solution alors ?
Il est nécessaire de réfléchir à des dispositifs permettant de sécuriser le parcours sportif et éducatif des plus jeunes. Je me répète, mais il est difficilement compréhensible que des éducateurs sportifs, fichés par les services de renseignements et susceptibles de présenter un risque pour la nation, puissent encore exercer en face-à-face pédagogique avec nos enfants. On parle également de réinstaurer l’agrément préfectoral au niveau des clubs, mais le ministère des Sports semble y rester opposé.

Beaucoup de choses restent à faire. On attend beaucoup du projet de Loi sur les séparatismes, en cours de discussion à l’assemblée nationale. C’est dans les mains de nos représentants maintenant…

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