vendredi 21 mars 2025

Michel Moulin : « La fédération, c’est une dictature ! »

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Ancien candidat à la présidence de la FFF, Michel Moulin est en colère. Il y a deux ans et demi, il proposait des solutions pour lutter contre l’insécurité, mais n’a pas été entendu.

Candidat à l’élection du président de la FFF en 2021, Michel Moulin n’avait pas pesé lourd face Noël Le Graët, réélu à l’époque avec plus de 70% des suffrages. Depuis, l’homme d’affaires connu dans le monde des médias pour avoir créé le journal gratuit Paru vendu, mais aussi lancé le quotidien Le 10 Sport, en 2008, reste investi dans le monde du foot et très attentif à l’actualité, avec, en ligne de mire, les prochaines élections, en décembre 2024.

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Alors qu’il y a deux ans et demi, son programme abordait le problème de la sécurité dans et autour des stades, Michel Moulin dénonce aujourd’hui la position des hautes instances du football français (FFF et LFP), accusées de ne rien avoir fait, malgré des propositions formulées à l’époque. A travers son coup de gueule, celui qui a occupé des responsabilités dans plusieurs clubs (dont un passage au PSG en 2008) regrette l’organisation actuelle du football français autour d’une fédération qu’il compare à « une dictature ». Entretien.

Quand vous voyez que les problèmes de sécurité dans le football français ont encore franchi un palier, vous êtes en colère…

Il y a deux ans, dans mon programme pour les élections, j’avais mis dans mon équipe Bernard Squarcini, ancien directeur du renseignement intérieur, pour gérer les problèmes de sécurité. J’avais des spécialistes de la lutte contre la radicalisation,  je mettais également David Douillet (ancien ministre des sports) pour avoir ce relai avec la politique… J’avais mis des gens de qualité. Mais à l’époque, le journal L’Equipe avait parlé de « drôle de casting », et aujourd’hui, le même journaliste soumet l’idée de mettre un préfet à la Fédération pour s’occuper des questions sécuritaires…

« Il faut créer une « Task Force » qui prenne le problème à bras le corps »

Les évènements récents vous donnent raison

Aujourd’hui, on aurait un Squarcini à la fédération, il y a beaucoup de choses qui ne se seraient pas passés comme ça. Quand on voit Real Madrid – Liverpool, la finale de la Ligue des Champions… Pendant qu’ils étaient en train de se goinfrer de petits fours, les gens étaient coincés à l’extérieur du stade. 

Le problème, c’est que pour la fédération, Michel Moulin n’existe pas…

Il devrait y avoir comme pour une élection municipale. En fonction du pourcentage de votes, vous avez des voix, ce qui permet d’exercer un contre pouvoir. Là, ce n’est pas le cas, et comme ils sont mauvais, ils ne font attention à rien. Personne n’est là pour leur dire « attention, il y a un problème ». Ils sont entre eux. Alors qu’il y a le feu à Montlhéry, où un éducateur se fait frapper, que le football français vit des drames, que fait Philippe Diallo ? Il va accueillir les U17 qui ont perdu en finale de la Coupe du Monde. On marche sur la tête !  Le problème de tous ces gens, c’est qu’ils sont dans la représentation politique, plus que dans la gestion d’une entreprise. D’ailleurs, pour la majorité, dont Philippe Diallo, ils n’ont jamais été à la tête d’une entreprise. Anticiper, contrôler prévoir… Ils ne savent pas ce que c’est.

Aujourd’hui, ce qui tue le foot, ce sont ces gros problèmes de sécurité, vous feriez quoi vous ?

Moi, quand je ne maitrise pas complètement un sujet, je m’entoure des meilleurs. Des gens de haut niveau, comme Bernard Squarcini. Il connaît parfaitement le problème, notamment pour avoir été préfet à Marseille. Il faut créer une « Task Force » qui prenne le problème à bras le corps. Il faut anticiper les problèmes, en mettant en place des gens de haut niveau pour gérer les problèmes.

Comment éviter un drame comme celui de Nantes, ou le caillassage du bus de l’OL ?

Les gens qui ont travaillé pour les services de renseignements, les services secrets, ils savent infiltrer les différents milieux. Ils arrivent à savoir qui fait quoi, comment…

« Aujourd’hui, les supporters, ce sont, pour 99%, des gens bien, pour qui le football, c’est leur vie »

Aujourd’hui, on interdit les supporters de déplacement…

La ministre des sports, elle a fait l’ENA, heureusement qu’elle a fait l’ENA pour faire ça. Parce que, dire qu’on interdit les déplacements de supporters à l’extérieur… Après on a qu’à dire qu’il n’y aura plus de matchs de foot, c’est trop facile.

En attendant une réunion pour apporter des solutions, prévue le 18 décembre…

Mais quelle réunion ? Ils n’ont que ces mots en bouche : réunion, commission. Ce ne sont pas des réunions ou des commissions qu’il faut, c’est mettre en place des gens de qualité, des gens compétents, pour traiter les problèmes.  Aujourd’hui, les supporters, ce sont, pour 99%, des gens bien, pour qui le football, c’est leur vie. Pour 1% restant, on veut les pénaliser ? Mais parce qu’ils ne s’en sont jamais occupés. Pendant six mois, la ligne mise en place, elle a sonné dans le vide…

Le problème, c’est qu’ils ne s’en sont jamais occupés, et c’est comme ça pour tout. Dans mon programme, je parlais des bénévoles, qu’est-ce qu’ils ont fait pour les bénévoles ? Rien. Je parlais des arbitres, qu’est-ce qu’ils ont fait ? Zéro.

Le gros problème, c’est que vous n’êtes pas entendu ? Il n’y a pas de contre pouvoir…

Voilà ! Souvenez-vous de ce problème qui date de la Coupe du Monde 2014, et ces dirigeants qui avaient dépensé une fortune pour faire le tour du pays et chercher des hôtels… Personne n’a rien dit ! Il faut quelqu’un qui, au sein de la fédé, qui tape du poing sur la table et dise : « Vous n’allez pas dépenser autant d’argent pour ça ! ». Ils font n’importe quoi. Il n’y a aucune anticipation. C’est quand il y a un problème, qu’ils se disent : « Il y a un problème ». Il n’y pas de contre-pouvoir, la fédération, c’est une dictature.

Vous auriez une solution d’urgence ?

Il faut mettre en place un véritable patron de la sécurité, qui s’entoure de gens très compétents. Quand il se passe un incident comme à Montlhéry, le président du club, qui est dépassé, le pauvre, il appelle cette fameuse Task Force, qui va prendre les choses en main. Vous savez où il est le type qui a frappé un éducateur de 18 ans ? Il est tranquillement chez lui. Il continuera à le faire.

« Ils sont en train de tuer le foot »

Aujourd’hui, la FFF et avec elle, la Ligue, doit prendre les choses en main de manière drastique…

Il faut mettre des choses en place pour anticiper. Si j’avais été élu, il y a deux ans, il y a des choses qui ne se seraient pas passées. Je ne dis pas qu’il n’y aurait rien eu, mais depuis deux ans, on travaillerait sur la sécurité et on aurait pu anticiper les choses.  Mais écouter les propositions, cela ne les intéresse pas. Je vais vous donner un exemple. Il y a deux ans et demi, on faisait la tournée de Ligues pour présenter notre programme. Il y a David Douillet, il y a Bernard Squarcini, il y a l’entrepreneur Jean-Bernard Falco (qui a notamment travaillé pour le gouvernement en 2014, nommé par Laurent Fabius, Ministre des affaires étrangères et du développement international, Fédérateur du tourisme à l’export NDLR), qui peut apporter d’énormes partenaires au football français… Tous des gens de grande qualité qui méritent au moins d’être écoutés, même si on n’a pas l’intention de voter pour moi. Alors que la réunion est calée depuis 15 jours, le président de la Ligue de l’Occitanie, M. Dalla Pria, il coupe au bout de 30 secondes ! C’est quand même un énorme manque de respect. Le type, il représente des clubs, des licenciés… Et bien ce monsieur, qui n’a pas voulu écouter ce que Bernard Squarcini avait à dire, il a fait quoi de son côté pour lutter contre l’insécurité ? On ne lui demandait pas de voter pour notre programme, mais il aurait juste pu au moins écouter. A Lyon par exemple, d’entrée de jeu on nous a prévenu qu’on soutenait Noël Le Graët, mais après la réunion, on a reconnu qu’on avait raison sur quelques sujets et le président de la Ligue a voulu garder le contact.

Il y a un autre sujet d’actualité sur lequel on aimerait avoir votre avis, c’est le fameux contrat CVC signé par la Ligue pour sauver le football français…

Ce qui est incroyable déjà, c’est d’avoir reçu une prime de 3 millions d’euros pour faire son boulot. A court terme, bien entendu que c’est une bonne chose, mais à long terme… C’est 17% des droits télé, où à mon avis, s’il trouve 600 ou 700 millions, c’est le maximum… Mais après, c’est 13% à vie ! Dans 20 ans, on paiera encore pour avoir sauvé toutes leurs bêtises d’aujourd’hui. C’est ça le problème !

En contre partie, quelle est l’offre de CVC ?

Mais aucune ! C’est un fonds qui prête de l’argent. Qu’est-ce que vous voulez qu’il fasse ? Il prête un milliard et demi, point ! Sur le coup, avec le COVID, l’affaire Médiapro, c’est fantastique, mais c’est dans 10 ans qu’on va se poser la question.

C’est comme notre ami Quillot (Didier Quillot, ancien président de la LFP NDLR) qui avait signé le contrat avec Médiapro, sans aucune garantie. Personne n’a rien dit, j’ai été le seul à me poser des questions, en disant qu’il y avait un souci. La société était en difficulté et ils n’ont pris aucune garantie, avec en plus une grosse prime versée, qui n’a jamais été remboursée ou seulement à moitié. Ce qui est scandaleux ! Tous ces gens qui n’ont jamais joué au foot de leur vie, ils ne sont là que pour le pognon. Ils sont en train de tuer le foot.

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