lundi 24 mars 2025

OL : mais à quoi joue Jean-Michel Aulas ?

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Julien Huët
Julien Huët
Journaliste

Ecarté de l’Olympique Lyonnais au printemps dernier, l’ancien patron, en guerre contre son prédécesseur John Textor reste prêt à intervenir.

Vendredi 5 mai 2023. Jean-Michel Aulas n’est pas prêt d’oublier cette date, « cauchemardesque » de son propre aveu. Lors d’un banal conseil d’administration d’OL Groupe, celui qui présidait l’OL depuis 1987 a été brutalement démis de ses fonctions par John Textor. « Cela a été d’une violence inouïe », glisse un témoin.

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Ce n’était pourtant pas la première claque encaissée par JMA. Un peu plus d’un an plus tôt, le 9 mars 2022, le dirigeant avait appris par communiqué (!) lors d’un déplacement européen de l’équipe à Porto que son actionnaire historique, Pathé, avait décidé de vendre ses parts conjointement avec un autre actionnaire, le groupe chinois IDG. Une véritable trahison pour Jean-Michel Aulas lié humainement au grand patron de Pathé Jérôme Seydoux depuis l’arrivée de celui-ci dans le capital du club en 1999.

36 ans de présidence balayés par un conseil d’administration

L’entente entre les deux hommes était telle que le fils de Jérôme Seydoux, Thomas Riboud-Seydoux, avait régulièrement été murmuré comme le possible successeur d’Aulas. Cette date du 9 mars 2022, moins médiatisée que celle du 5 mai 2023, est en fait le point de départ de la chute de Jean-Michel Aulas. Il en d’ailleurs longuement raconté les contours dans son autobiographie « Chaque jour se réinventer » :

« Quelques années auparavant, Jérôme Seydoux, le patron de Pathé, avait déjà envisagé de se désengager d’OL Groupe, mais en partie seulement, et il avait cherché un repreneur sans que l’opération ne puisse se réaliser. La grande différence, c’est qu’il m’en avait informé à l’avance alors que cette fois-ci je suis mis publiquement devant le fait accompli. »

Et Aulas doit vite prendre une décision radicale : « Quand Pathé et IDG font cette annonce je me trouve seul face à un choix : sois je fais front en restant seul, soit je prépare le futur en participant à l’arrivée d’un nouvel investisseur. »

La réalité est en fait beaucoup plus simple : Jean-Michel Aulas n’a pas les moyens (il le dira d’ailleurs lui-même lors d’une conférence de presse) de racheter les parts de Pathé et d’IDG. « J’envisage que l’OL sera plus fort si je vends une partie significative de ma participation à un investisseur puissant tout en gardant le pouvoir opérationnel pendant près de trois ans. »

« Je ferai tout pour les aider »

Après avoir étudié des propositions d’investisseurs américains, canadiens et français, le choix du conseil d’administration d’OL Groupe se porte sur John Textor et Eagle Football. « Un choix imposé par Thomas Riboud-Seydoux » regrette Jean-Michel Aulas, très véhément envers le quasi quinquagénaire : « Quinze jours plus tard, il a démissionné à la surprise de tout le monde et du conseil d’administration d’OL Groupe et de Pathé pour des raisons inexpliquées et que personne ne comprend. Plus jamais Jérôme Seydoux ne me parlera de Thomas qui semble à cet instant avoir disparu de la vie de l’OL, mais aussi peut-être de celle de Pathé ».

Suivent de longs mois de négociations jusqu’au closing de la transaction avec John Textor et Eagle Football, le 19 décembre 2022. L’opération est exceptionnelle car le prix retenu de 3 euros l’action valorise le club en valeur d’entreprise au prix de 800 millions d’euros auquel il faut ajouter l’augmentation de capital de 86 millions d’euros, d’où une valeur totale de l’opération de 886 millions d’euros.

Effective en fin d’année 2022, la prise de pouvoir de John Textor est censée être relative : il est établi contractuellement que Jean-Michel Aulas doit rester le président opérationnel pendant trois ans. Chacun sait ce qu’il est advenu : les trois ans n’ont même pas duré cinq mois !

Aulas et Seydoux, un divorce inexplicable

« La sortie est très dure, parce que ce n’était pas prévu comme ça, confie Christian Lanier, journaliste au Progrès, fin connaisseur de Jean-Michel Aulas et de l’OL, dont il couvre l’actualité depuis plus de 30 ans. Depuis le temps qu’il était là, il y avait la force de l’habitude. On voyait toujours ce président ultra présent, qui savait tout du club. Dès qu’un joueur se faisait mal à l’entraînement, il le savait dans la minute. Donc forcément, cela fait bizarre de voir un tel personnage partir. Sur la fin, il y a eu de nombreuses circonstances qui ont causé ce déclin : le départ de dirigeants emblématiques, MédiaPro, l’arrêt du championnat avec la Covid… Donc sa sortie est très brutale, voir même incompréhensible. »

Les choses se sont envenimées l’été dernier. Jean-Michel Aulas, qui a fait saisir les comptes de l’OL au mois d’août afin de provisionner 14,5 millions d’euros que John Textor ne lui a pas versés, s’est lancé dans une bataille juridique contre l’Américain, dont une plainte pour diffamation. « Pour le club, c’est terrible, mais après c’est toujours pareil, c’est parole contre parole et c’est difficile de savoir ce qu’il se passe réellement, tente de décrypter Christian Lanier. Nous n’avons pas eu tous les éléments mais, apparemment, Textor n’a pas effectué tous les versements. Jean-Michel Aulas est né dans la finance donc forcément il n’allait pas laisser passer ça. Le problème, c’est que cette affaire est sortie sur la place publique. »

« Mais quand on connait Aulas, on sait que c’est un communicant donc c’était évident qu’il allait en parler. Finalement, c’est l’OL qui en pâtit, c’est ça qui est dommage. Désormais la communication du club est floue. »

Endossant le costume de victime, Jean-Michel Aulas assure vouloir aider son club de cœur et espère encore pouvoir tenir un rôle auprès de l’Olympique Lyonnais. Il l’a confié, les larmes aux yeux et la main sur le cœur, un dimanche matin dans Téléfoot : « Je ferai tout pour les aider. Si on me le demande, j’interviendrai. Si on me dit qu’il ne faut plus intervenir et être dans une chambre de bonne, je le ferai, mais avec une plaie béante dans le cœur. »

« Il a envie de voir l’OL redevenir l’OL »

Cela signifie-t-il que Jean-Michel Aulas espère à terme revenir à la tête de l’OL ? Christian Lanier ne l’imagine pas : « Ça va être difficile puisqu’énormément d’argent a été investi. Il faudrait vraiment qu’un tremblement de terre se produise, et que monsieur Textor décide de lâcher le club. La chose qui permettrait un possible retour d’Aulas à la tête de l’OL serait qu’une grande entreprise française décide de racheter le club et de le replacer à la tête. Je pense qu’il a surtout envie de voir l’OL redevenir l’OL. »

Dans Le Progrès, Jean-Michel Aulas avait de toute façon fermé la porte quand il lui avait été demandé clairement s’il pourrait essayer de reprendre le contrôle du club : « C’est inimaginable. Je souhaite m’occuper du football féminin à la Fédération ». Mais impossible n’est pas Aulas…

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