olivier-dacourt-on-ne-soccupe-pas-assez-de-la-sante-mentale-des-joueurs

Comme ses collègues, les membres du comité de solidarité de l’UNFP, Olivier Dacourt est un ancien joueur professionnel. Aujourd’hui, au côté de Robert Pirès, son ami depuis des dizaines d’années et président du comité, l’ancien Strasbourgeois veut aider les joueurs et joueuses en difficulté.   

Pourquoi avez-vous accepté de participer au comité de solidarité de l’UNFP ? 

Parce que c’est Robert (Pirès) qui m’a sollicité et c’est mon ami de 30 ans. Je trouvais que l'accompagner était normal, parce qu’il a toujours été là pour moi et pour le rassurer aussi un peu. On a partagé tellement de choses, et de très belles victoires. Moi j'ai réalisé et produit un film et Robert fait partie du casting donc c'était important d'être présent aussi pour lui. L'amitié comme l'amour c'est donnant/donnant. La solidarité entre joueurs est importante mais pas que, la solidarité de manière générale c'est super important.

Aujourd'hui on vit dans une société où on est plus dans la division que dans le rassemblement, et je trouve que si nous à notre échelle, car le sport c'est un peu le reflet de la société, si nous t on peut montrer qu'il y a de la solidarité, de la fraternité, c'est bien, c'est important. 

« Je vais transmettre mon expérience, mais redonner, non, je ne vais pas redonner au football »

Vous avez parlé de transmettre et pas de redonner, parce que le foot vous a pris aussi. Est-ce important ce choix des termes pour vous ? 

Oui, les mots ont un sens, les gens ne s'en rendent pas compte. A 13 ans quand on part de chez ses parents c’est compliqué. Je n'ai pas vu mon petit frère grandir, ma petite soeur pareil. Mes parents, j'ai passé quasiment aucune fête avec eux, je n'étais pas présent. Et ça, personne ne me le rendra. C'est pour ça que je parle de concession, de sacrifice, le football m'a pris énormément, donc oui je vais transmettre mon expérience, mais redonner, non, je ne vais pas redonner au football.

Le mot n'est pas anodin, parce que le football m'a pris tellement. Je vais apporter mon expérience, je vais apporter mon vécu, mais je vais redonner quoi ? Il m'a beaucoup pris, il m'a pris énormément, et ça je ne pourrai plus jamais le rattraper. Je n'ai pas vu mes enfants grandir, mais après c'est des choix, ça fait partie de notre rêve, donc il n'y a pas de problème. Le premier qui m’a dit d’arrêter d’utiliser le terme : redonner, c’est Yannick Noah et il avait raison. 

Ya-t-il un moment dans votre carrière, ou dans votre après-carrière, où vous auriez aimé qu'un fond comme ça existe pour un projet, pour un besoin ? 

C'est ce que je leur reprochais, à l'UNFP. Je reprochais qu'ils ne faisaient pas assez. En tout cas je ne le savais pas, je ne savais pas tout ce qu'ils faisaient, parce qu'il y a une méconnaissance. Je trouvais que dans la formation, ils n’en faisaient pas assez. Ils accompagnent pour devenir entraîneur, mais il y a d'autres personnes qui ont d'autres passions. Pourquoi on n'entend pas parler d'eux en fait ? Pourquoi ils n'accompagnent pas des projets autre que le foot ? Accompagner le joueur qui a une conversion atypique, simplement. Et je trouvais qu'ils ne le faisaient pas suffisamment. Même accompagner dans les formations, sur l'après carrière, je trouvais qu'ils n'étaient pas là. Sur les joueurs en difficulté, c'est pareil. Ils font des choses, mais on ne le savait pas. 

Il y a un ou deux ans, Joachim Fernandez, un joueur de Bordeaux, champion de France en 1998-1999 est mort dans la rue. Ce n'est pas possible. C'est impossible. On ne peut pas laisser passer ça. Déjà, ce n'est pas possible. Nous, en France, qu'on puisse avoir des gens qui vivent dans la rue. On est tous responsables, en fait. Ça, par exemple, ça a coïncidé avec le fait de faire partie du comité pour participer à aider les joueurs qui sont en difficulté ou les joueuses.

Robert Pirès disait que dans sa carrière, il n’était concentré que sur le football. Vous aussi vous avez eu cette impression-là, ou avez-vous réussi un peu à anticiper ? 

J'étais focus foot, mais j'ai d'autres passions. Quand tu commences il y a un début, et une fin. Mais il faut se le dire. Il ne faut pas en avoir peur. Et quand on commence, on sait que la fin, il faut juste la préparer. Il y a des contrats, et quand ton contrat se termine, c'est la fin, tant que tu n’as pas prolongé ou signé ailleurs.

« Quand tu rentres sur le terrain on se soucie peu de savoir, si ton fils est malade, si ta femme est à l'hôpital ou ta mère »

Déjà pour être footballeur professionnel, on passe plein d'étapes. On apprend à être fort, pas à montrer ses vulnérabilités. Est-ce que c'est dur quand on est footballeur, avec la pression sociale qui entoure ce métier, de dire qu'on est en galère ? 

Aujourd'hui, c'est plus facile. Parce qu'on parle. En plus, on est en 2025, c'est l'année de la santé mentale. C'est une année très importante. Mais nous, il y a de nombreuses années, on ne parlait pas de la santé mentale. Ce n'était pas comme ça. On ne se posait pas la question de savoir dans quel état d'esprit le joueur était.

J'ai fait un documentaire où j'explique que celui qui était avec moi en chambre, quand le club ne l'a pas gardé, il a pris un pistolet et il s'est tiré une balle dans la tête. Il s'est suicidé. On ne m'a pas demandé le lendemain comment j’allais. Aujourd'hui, il y a l'expression. On arrive à se libérer. Il y a des gens qui sont là. Avant on n’aurait jamais eu un psy dans un club. C'était problématique. Aujourd'hui, ça change, ça évolue et c'est bien.

Le problème, et encore aujourd'hui c’est le cas, quand tu rentres sur le terrain on se soucie peu de savoir, si ton fils est malade, si ta femme est à l'hôpital ou ta mère. Les gens n'ont qu'une envie. Ils veulent juste que tu sois bon sur le terrain.

On peut tous avoir des problèmes. Par exemple, l'étranger qui arrive en France, qui ne parle pas la langue, ce n'est pas sa culture. Il y a un temps d'adaptation. Mais dans le football, on ne lui laisse pas de temps. On veut tout de suite qu'il soit performant. Et on peut voir que, avec du recul, quand il commence à prendre ses marques, il commence à parler, il arrive à faire de grandes choses. On en a parlé récemment sur l'adaptation de Kylian Mbappé. Il est arrivé, il lui a fallu un petit peu de temps. Et même un mec comme Kylian Mbappé, il lui a fallu six mois. C'est l'un des trois meilleurs joueurs du monde. Et pourtant, arriver au Real Madrid, ce n'est pas pareil. Ce n'est pas la même chose.

TOUS LES ARTICLES FOOTBALL