Entre le 16 septembre 1992, pour le match aller du 1er tour, en Irlande du Nord face à Glentoran Belfast, et le 26 mai 1993 pour l’apothéose de Munich, 21 joueurs ont apporté leur pierre à l’édifice de l’épopée. De l’indéboulonnable Deschamps qui n’a manqué aucun des onze matches, à Olmeta qui n’a joué que le premier…
Au regard des statistiques, de la colonne vertébrale qui a porté l’OM au sommet de l’Europe se dégage une équipe type qui est la copie conforme du onze aligné par Goethals le 26 mai au soir : Barthez Eydelie, Angloma, Desailly, Boli, Di Meco Pelé, Deschamps, Sauzée Boksic, Völler. Avec Durand et Thomas en remplaçants attitrés, Casoni titulaire puis blessé au mois de mars avant le 6-0 du CSKA Moscou au Vélodrome, on tient là le noyau dur sur lequel s’est reposé Raymond Goethals.
« De toutes façons, nous dit Bernard Casoni, quand le coach avait son équipe en tête, il était très difficile de le faire changer d’avis. Il avait ses têtes, en débutant la saison sur le banc, à moins de blessures ou de transferts, vous aviez de grandes chances de la terminer aussi sur le banc. A l’inverse, quand il vous avait à la bonne, il fallait se casser une jambe pour sortir de l’équipe ! »
Et c’est vrai qu’à partir de la phase de groupes, quand les choses sérieuses ont commencé, si les compositions ont beaucoup varié, le onze type de la finale n’étant aligné qu’une autre fois face aux Glasgow Rangers au Vélodrome, les joueurs cadres sont toujours restés en poste.
« Le duo Boskic-Völler était incroyable d’efficacité »
Devant, chaque fois qu’ils étaient disponibles, Völler et Boksic ont été associés, à Glasgow pour le premier match, ainsi que pour les trois matches retour de la phase de groupes et la finale.
« Le duo Boksic-Völler était incroyable d’efficacité, témoigne Jean-Marc Ferreri. L’Allemand n’était plus tout jeune et n’allait pas très vite, mais il avait un sens du but incroyable et son entente avec Boksic était fantastique. Alen était puissant, rapide, technique, il avait tout, un joueur complet. Un renard des surfaces et un avaleur d’espaces. »
Et en l’absence de l’Allemand, blessé, c’est Pelé qui montait d’un cran, Ferreri n’étant titularisé qu’à une reprise, à Bruges, au milieu de terrain… pour une belle inspiration du coach ? Pas sûr… « Nous étions dans l’obligation de gagner pour aller en finale, se souvient-il. Je n’étais pas souvent titulaire à ce moment-là, mais Tapie (sic !) avait choisi de me faire jouer à la place de Sauzée parce que nous devions marquer absolument. Et, au final, je délivre la passe décisive sur le seul but de Boksic… »
Sauzée reprenant vite sa place en seconde période pour assurer la victoire et permettre à Goethals de reprendre la main ! Au milieu, à l’arrivée de Goethals sur le banc à la place de Fernandez (en novembre), le 3-5-2 ou 3-4-3 devenant la règle, à l’exception du coup tenté par Tapie (?) pour le match de Bruges, l’équipe était bâtie autour du trio Sauzée-Deschamps-Pelé.
Avec Angloma à droite, Di Meco à gauche, Desailly et Boli ou Casoni dans l’axe, Eydelie, Durand et Thomas étaient les variables d’ajustement, tantôt utilisés en défense, tantôt au milieu. Casoni aurait été opérationnel à Munich, il est fort probable qu’il aurait pris la place d’Eydelie pour permettre à Di Meco de monter d’un cran à gauche. A défaut, c’est l’ancien nantais qui barra la route au duo Lentini-Maldini avec bonheur.
Au-delà des qualités individuelles des uns et des autres, c’est aussi et surtout la capacité d’adaptation de tous qui a permis de franchir tous les obstacles jusqu’à la finale, la polyvalence des doublures, l’intelligence tactique des leaders.
Sur le terrain, Deschamps, Desailly, Casoni se parlaient beaucoup
« Il y avait beaucoup de joueurs expérimentés dans l’équipe, insiste Jean-Philippe Durand, des joueurs capables de prendre leurs responsabilités. Je ne dis pas que le coach ne jouait aucun rôle, mais nous étions capables de nous autogérer et de nous adapter aux circonstances. Sur le terrain, entre Desailly, Deschamps, Casoni, Boli, Sauzée… ça parlait beaucoup et ça nous permettait de régler rapidement les petits détails de placement ou de positionnement tactique. » Et d’éviter ainsi les moments de flottement qui, à ce niveau, se payent toujours très cher.
Avec l’engagement physique hors norme et la mentalité agressive des Boli, Di Meco, Desailly ou Deschamps et Völler, la puissance de Boksic, la vivacité de Pelé, « on prenait aussi souvent le dessus physiquement, donc moralement, poursuit Durand. Une grande confiance habitait tout le groupe et il suffisait souvent de marquer un but pour être certain de conserver cette avance. »
« L’équipe de 1991 était plus brillante et talentueuse, ose Casoni, un des trois survivants avec Di Meco et Boli, mais celle de 1993 avait la gagne dans la peau, elle était plus solide, plus rigoureuse dans tout ce qu’elle entreprenait. Au final, c’est ce qui a fait la différence pour battre un Milan AC qui était la meilleure équipe du monde du moment. »
« On prenait souvent le dessus physiquement »
La capacité à répondre présent le jour J, grâce au professionnalisme des cadres, le réalisme d’un jeune buteur de 22 ans qui explosait au niveau européen (Boksic), la roublardise d’un renard des surfaces qui en avait vu d’autres (Völler) et les étincelles d’un Pelé qui était, techniquement, le seul artiste de la bande, il n’en fallait pas davantage pour entrer dans l’histoire. « De toutes façons, précise Ferreri, cette saison là, le trio Völler-Boksic-Pelé était intouchable ! »
Echaudés par une première finale perdue, l’OM a su tirer à Munich les leçons de Bari. Il y a dix ans, pour les 20 ans du sacre, depuis Marseille où il était revenu faire gagner l’OM, Didier Deschamps avait résumé à sa manière ce 26 mai 1993 : « Il n’y a pas de méthode particulière pour gagner une finale. Mais ce que je retiens, et cela m’a toujours suivi, c’est ce que disait Bernard Tapie : « Sois concentré et décontracté, et non pas contracté et déconcentré ! » »
Tom Boissy