Inconnu du grand public à son arrivée, chahuté avant même le premier match de la saison, Igor Tudor a imposé sa patte à l’OM et séduit les supporters. Et pourtant, il ne fait rien pour se faire aimer…
En 1998, quand la France bat la Croatie en demi-finale de la Coupe du Monde, Igor Tudor est sur le banc. Le solide défenseur central de 20 ans, qui vit ses débuts en sélection, entrera en jeu lors de la petite finale (gagnée par la Croatie contre les Pays-Bas) pour les dernières minutes quelques jours plus tard.
Si son nom n’a pas marqué les esprits, le joueur né à Split a pourtant une très solide carrière derrière lui. 55 sélections avec la Croatie (et donc cette 3ème place à la Coupe du Monde), deux titres de champion d’Italie avec la Juventus (où il croisera rapidement Deschamps, Zidane et Henry) et une finale de Ligue des Champions perdues.
Tous se souviennent d’un défenseur « rugueux, intransigeant, agressif et pas avare d’efforts ». Revenu à la Juve pour la saison 2006/2007, après la relégation administrative du club de Turin en Serie B, le Croate croise de nouveau la route de Didier Deschamps (qui avait quitté le club en 2000), mais ce dernier ne le fera pas jouer le moindre match.
De l’intensité et une grande débauche d’énergie
Après avoir terminé sa carrière de joueur jeune à Split (il a 30 ans), Igor Tudor entame sa nouvelle vie d’entraîneur en tant qu’adjoint Igor Stimac, sur le banc de l’équipe de Croatie. Un passage éclair (moins d’un an) avant de prendre la destinée de son club de toujours, l’Hadjuk Split, en cours de saison. Quelques semaines plus tard, il remporte la Coupe de Croatie. Passé ensuite pas le Karabükspor, en Turquie, il rejoint finlement Galatasaray, où il connaitra ses premières difficultés. Le technicien croate est limogé en cours de saison (décembre 2017), mais rebondit à l’Udinese, quelques mois plus tard, pour jouer les pompiers de service et sauver le club (qui restait sur 11 défaites de suite) de la relégation, à 4 matchs de la fin de la saison. De retour à l’Udinese, qu’il avait quitté dans la foulée de son sauvetage, en mars 2019, il connaitra une nouvelle déconvenue en étant écarté, six mois plus tard, pour insuffisance de résultats.
C’est en 2020 que le Croate rejoint la Juventus, son autre club de cœur. Il intègre le staff d’Andréa Pirlo, en tant qu’adjoint, spécialiste de la défense. L’expérience sera de courte durée. A la fin d’une saison décevante (la Juve termine à la 4ème place), Pirlo et son staff sont limogés. Un mal pour un bien pour Igor Tudor, qui retrouve rapidement un banc, en tant que numéro 1 : il dirigera l’Hellas Verone qui décide de se séparer de son entraîneur (Di Francesco) après 3 défaites en ouverture de la saison. C’est avec Verone que le technicien croate va se faire un nom comme entraîneur. Malgré son départ catastrophique, le modeste Hellas Verone termine à la 9ème place, avec au passage, des victoires de prestige contre la Juventus, ou les deux clubs de Rome.
On aperçoit alors ses principes de jeu, basés sur l’intensité et une grande débauche d’énergie. Le tout tourné vers l’attaque. Sous ses ordres, l’Hellas Verone aura une des meilleures attaques de Serie A, avec 65 buts marqués (en 36 matchs). Mais, contrairement à ce que l’on pourrait penser du rugueux défenseur qu’il était, son équipe encaisse aussi beaucoup de buts (56 cette saison-là).
Faute de trouver un accord avec ses dirigeants pour prolonger son contrat, Igor Tudor arrive libre en fin de saison. C’est là que Pablo Longoria, confronté au départ de Jorge Sampaoli, va aller le chercher.
Pour Longoria, Tudor n’est pas un choix par défaut
Si ce choix apparaît comme « un choix par défaut », il n’en est rien. Pablo Longoria est même soupçonné d’avoir laissé partir Sampaoli un peu trop rapidement, pour asseoir le Croate à sa place. D’ailleurs, malgré des matchs de préparations catastrophiques et le début d’une révolte, dans le vestiaire, comme dans les tribunes, le président de l’OM monte au créneau pour défendre son entraîneur : « C’est l’entraîneur que nous avons choisi, ceux qui ne sont pas contents peuvent aller voir ailleurs » lâche, en résumé, Longoria, pour répondre aux sifflets qui accueille Tudor lors du premier match de la saison, contre Reims (4-1). Un soutien qui scelle l’union entre le dirigeant et son entraîneur.
9 mois plus tard, Igor Tudor a convaincu tout le monde. Même Dimitri Payet a compris qu’il ne pouvait pas trouver sa place dans le 3-4-2 -1 aligné par le Croate, qui demande une énorme débauche d’énergie.
« On a compris que, ce qu’il nous a donnés, c’était la direction qu’on voulait prendre »
Très vite, il se passe quelque chose que Jorge Sampaoli n’avait pas déclenché : le Croate identifie complètement le projet du club. Un peu comme si Pablo Longoria l’attendait pour construire le deuxième étage de sa fusée.
Si les principes de jeu de Tudor fatiguent les joueurs, ce qui provoque des baisses de régime, ils permettent surtout à l’OM, quand ils sont bien appliqués, de marcher sur ses adversaires. Obstiné, voir même têtu, souvent sûr de lui, ce qui lui attire les foudres de ses détracteurs, le Croate ne se refuse rien pour faire gagner son équipe. Après un temps d’adaptation, qui a quand même couté la Ligue des Champions, les joueurs ont assimilés ce que leur coach leur demande et réalisent la plus belle saison du club depuis le titre de 2010. « On a compris que, ce qu’il nous a donnés, c’était la direction qu’on voulait prendre », expliquait Pablo Longoria début avril dans les colonnes du Figaro. La direction mène tout droit à la Ligue des Champions, là-même où l’OM veut être chaque année.