On pourrait appeler ça « le déséquilibre contrôlé »… Pour obtenir des résultats, Jorge Sampaoli est prendre à prendre tous les risques, à conditions qu’ils passent pas le jeu. Tout est calculé.
Dans la famille des entraîneurs argentins, on demande le petit frère. Né cinq ans après Marcelo Bielsa, Jorge Sampaoli a même davantage qu’une relation fratricide avec celui qui a envouté les supporters de l’OM lors de la saison 2014/2015. Certains vont même jusqu’à dire qu’il est le « disciple » d’El Loco.
Marcelo Bielsa : « Il est meilleur que moi »
Information formellement démentie par Bielsa lui-même, qui considère que Sampaoli est meilleur que lui. « Je pense que Sampaoli n’est pas mon disciple », expliquait Bielsa au cours d’un séminaire organisé au Brésil en 2017. « D’abord, parce que ce terme n’est pas compatible avec moi et ensuite parce que j’ai remarqué qu’il est meilleur que moi (…) Une des qualités d’un entraineur est de ne pas tomber amoureux de ses propres idées. Moi, je ne cède jamais sur mes idées et je le vois comme un défaut. Sampaoli, lui, est flexible, car il a un pouvoir d’adaptation que je n’ai pas et ceci le rend meilleur que moi. Il a résolu des choses en ajustant sa position de départ. Or, moi, j’ai sacrifié des choses pour ne pas rompre avec ma manière de voir mon travail. »
Ce qui est sûr, c’est que les deux techniciens partagent le même gout pour le jeu et n’hésitent pas à mettre leur équipe en danger avec un déséquilibre quasi permanent.
Si les supporters marseillais ont pu avoir une bref idée des plans de jeu de Sampaoli en fin de saison dernière, c’est seulement maintenant qu’ils en ont une idée plus précise. Maintenant que l’Argentin a œuvré pour créer son propre groupe. Laissant peu de place aux titulaires de la saison dernière, Sampaoli façonne son équipe à son image : joueuse, nerveuse (dans le bon sens du terme), vaillante, mais pas dénuée de technique… Il n’en dira pas plus. D’ailleurs, celui qui a débarqué à Marseille à la fin du mois de février, cache soigneusement ses options à l’abris des regards. Séances d’entraînement à huis clos, secret professionnel demandé à ses joueurs… Il faut se contenter des matchs pour analyser et tenter de comprendre le style de jeu (tourné vers l’avant, avec des transistions rapides) travaillé à l’entraînement.
Alvaro : « On va prendre des risques »
Dans La Provence, Alvaro, a en effet expliqué que le vestiaire était clairement prévenu qu’il devait rester discret sur la question tactique. « On ne peut pas trop parler des consignes du coach, il ne veut pas trop qu’on le fasse », a expliqué le défenseur espagnol. « Ce que je peux vous dire, c’est qu’on va prendre des risques, profiter avec le ballon et on va jouer tous les matchs pour les gagner ».
Si les équipes de Sampaoli apparaissent parfois déséquilibrées (comme celles de Bielsa…), il ne faut pas croire que ce n’est pas mûrement réfléchi par le coach argentin. Ce n’est pas un hasard si l’Argentin est entouré de six adjoints, dont quatre qui le suivent à la trace.
Il y a d’abord Jorge Desio (53 ans), fidèle parmi les fidèles, présent à ses côtés depuis 30 ans lorsque les deux amis étaient encore amateurs, à Rosario et qui l’a suivi en Europe où évoluait Hermes Desio, frère de Jorge, à Alaves. Préparateur physique formé sur le tas, Desio a été depuis de toutes les aventures, au point de devenir son adjoint numéro 1 et son remplaçant chaque fois qu’il est suspendu… donc relativement souvent ! Dans l’ordre d’apparition à ses côtés, on retrouve un autre préparateur physique, Pablo Fernandez(50 ans) qui a débuté sa collaboration à Santos puis à l’Atletico Mineiro. C’est aussi au Brésil que Diogo Meschine(45 ans) est monté dans le train.
Un professionnalisme poussé à l’extrême
Analyste vidéo, devenu responsable de la performance à l’OM, et chargé de la préparation des séances, il est secondé depuis cette saison par Patricio D’Amico(46 ans), frère jumeau de Fernando, ancien milieu de terrain du LOSC, qui a aussi joué à Châteauroux et Metz, et qui assure la traduction entre les joueurs et le staff.
Le cinquième élément est un Espagnol de 42 ans, Inigo Dominguez, analyste vidéo chargé d’étudier les adversaires, qui a retrouvé Sampaoli à Marseille après avoir été avec lui au FC Séville et avec la sélection du Chili. Enfin, la dernière recrue est en charge des gardiens, Jon Pascua, qui a remplacé Laurent Spinosi. L’Espagnol de 49 ans est un ancien du Bétis et du Barça qui fait ses premières infidélités à Quique Setien.
Une méthode qui ne plait pas à Rolland Courbis
Un staff de haut niveau et un professionnalisme poussé à l’extrême qui permet de penser que le technicien argentin maitrise son sujet. Même si tout le monde n’est pas convaincu, à l’instar de Rolland Courbis qui s’est montré très dur à son encontre, critiquant le fait que l’OM joue beaucoup de matchs amicaux. « Depuis bientôt deux ans, il n’y a eu aucun équilibre dans les préparations physiques », explique l’ancien coach de l’OM aujourd’hui consultant pour RMC dans un entretien accordé à nos confrères du 10 Sport. « Entre les coupures, les redémarrages à zéro, les montées en puissance, etc. Mais on va dans le mur ! À RMC, pour me taquiner, certains m’appellent Docteur Courbis. Cette fois, j’espère me tromper, mais je prédis une belle hécatombe et des infirmeries pleines (…) Tu t’entraînes quand ? Et les joueurs, ils se reposent quand ? »
Un rythme choisi par Sampaoli, à la recherche de son équipe type. L’entraîneur de l’OM est-il en train d’épuiser ses joueurs avant même le début de la saison ? Il faut savoir que jusqu’au 16 septembre et le début des Marseillais en Ligue Europa (rappelons que les Olympiens sont directement qualifiés pour la phase de poule) l’OM jouera seulement un match par semaine.
Pouvait-il en être autrement ? En sachant que Jorge Sampaoli doit composer avec un effectif entièrement remanié et un onze titulaire renouvelé à plus de 50%.
L’entraîneur de l’OM sait que les premiers matchs peuvent conditionner la suite de la saison et a préparé son équipe dans cet optique. Un peu à la manière d’un promu qui sait qu’il doit prendre des points tout de suite pour engagé une dynamique, l’OM de Sampaoli veut entrer fort dans son championnat. Quitte à prendre des risques, dans tous les sens du terme.
(avec T. Boissy)