jeudi 28 mars 2024

OM : Pablo Longoria, digne de Bernard Tapie ?

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Trentième président de l’histoire de l’OM, Pablo Longoria dénote, par son jeune âge et son profil atypique, au milieu des hommes d’affaires ou de médias qui ont tenu les rênes du club phocéen. Sous la coupe du boss, Frank MCcourt, il ne manque pourtant pas d’atouts pour rejoindre Tapie, Diouf ou Leclerc au panthéon des présidents olympiens qui ont compté.

Si les critères de sélection sont simples chez les entraîneurs, forcément dépendant des résultats, ils sont plus nuancés du côté des présidents. Certes, on accordera toujours un blanc-seing à ceux qui parviennent à mettre en place les conditions de la victoire.

Dans ce registre, Marcel Leclerc (2 Coupes de France et 2 titres de champion) et surtout Bernard Tapie (1 Ligue des Champions, 4 titres de champion et 1 Coupe de France) parvinrent chacun, à leur manière, et à des époques différentes, à sublimer le club pour lui faire découvrir l’Europe dans les années 70, l’amener à son sommet vingt ans plus tard.

Mais, que dire du bilan d’un Pape Diouf qui, sans avoir ajouté une seule ligne au palmarès du club, a peut-être été celui qui s’est le mieux identifié à lui. Comment expliquer sinon sa grosse cote de popularité auprès des supporteurs ?

Car, comme nous le disait il y a peu justement Bernard Tapie « il ne suffit pas de gagner pour être aimé des Marseillais, il faut surtout qu’ils sentent que vous êtes authentique et aussi passionné qu’eux par l’OM et que vous donnez tout, sur le terrain ou en dehors pour faire avancer le club. »

Directeur sportif et bras droit de Tapie entre 1986 et 1993, Jean-Pierre Bernès estime que, dans ce registre, son ancien boss :

« Il est celui qui a ramené la fierté au peuple marseillais qui n’avait plus rien gagné depuis la Coupe de France en 1976, qui sortait de trois années de D2. On peut comparer cet impact avec ce que provoqua l’arrivée de Marcel Leclerc dans les mêmes circonstances au début des années 70 et qui offrit un doublé et des stars internationales. Avec Pape Diouf, qui aurait mérité de gagner quelque chose, ils furent les deux seuls présidents à comprendre vraiment le club, la ville, les Marseillais, les supporteurs. »

Bernès : « Leclerc a été le premier à comprendre que l’OM avait besoin de stars pour bien fonctionner »

Car on n’aborde pas le poste de président de l’OM comme ailleurs. « Ici, c’est différent, poursuit le célèbre agent. Il faut s’imprégner du contexte, celui de la capitale du foot français, d’une ville qui ne vit que pour le foot. »

Ceux qui ont réussi sont aussi ceux qui ont accepté de tout lui sacrifier… Le prix à payer est immense pour une reconnaissance éternelle dont ils rêvent tous, sans forcément avoir conscience de l’ampleur de la tâche.

« On m’avait prévenu, témoigne Christophe Bouchet, pourtant je ne pouvais pas imaginer que ma vie serait chamboulée à ce point. »

Sans jouer les donneurs de leçons, Jean-Pierre Bernès distribue tout de même les bons points, nostalgique « des années Leclerc, le premier à comprendre que l’OM avait besoin de stars pour fonctionner, et qui aurait pu être le premier à gagner une Coupe d’Europe s’il n’était pas tombé sur l’Ajax de Cruyff en 1972. »

Leclerc, Tapie, Diouf, trio magique de Présidents

Et de citer Pape Diouf, seul président après Tapie à avoir été à la hauteur de son poste, « parce qu’il connaissait bien la ville, le foot. Tous les autres se valent, beaucoup ayant eu à porter un costume trop lourd pour eux, à avoir fait trop d’erreurs. »

Depuis son poste d’observation de la vie olympienne, l’ancien bras droit du plus populaire de tous les présidents marseillais de nous livrer une anecdote qui éclaire d’un nouveau jour la relation qu’il entretenait avec Tapie, et avec l’OM :

« Juste avant l’affaire VA-OM, Tapie m’avait pris à part et m’avait dit : « Un jour, je serai maire de Marseille et toi président de l’OM ! »

Si aucune de ces deux prédictions ne s’est finalement réalisée, Tapie a tout de même réussi à marquer son temps, pour le meilleur et pour le pire. Suffisamment pour que tous ceux qui le croisèrent à Marseille entre 1986 et 1993 en gardent un souvenir forcément particulier.

« Plus qu’un président, c’était un vrai manager, un leader qui nous a beaucoup apporté. Clairement, sans lui, cette Ligue des Champions on ne la gagnait pas ! Car c’est lui qui nous a transcendés, nous a persuadés qu’on pouvait y arriver. Sa force de caractère et de persuasion a été importante, elle nous a permis de dépasser nos limites » insiste Jean-Philippe Durand.

Tapie et Aulas deux grands patrons

« Ce type de président, à part Aulas dans une moindre mesure, manque cruellement au foot français aujourd’hui, poursuit Gaëtan Huard. C’était un vrai patron, un président qui assumait son leadership.

Quand nous étions au déjeuner le midi d’un match et qu’il rentrait dans la pièce, on entendait même les plateaux des serveurs qui tremblaient ! Ll nous faisait monter aux arbres. Il était un vrai 12ème homme. »

Le seul bémol à cette unanimité vient de Josip Skoblar. Une question de génération peut-être car l’Aigle des Dalmates n’a pas croisé Tapie au bon moment ?

« Leclerc était le plus grand de tous. J’ai eu affaire à Tapie quand il est revenu au club, il voulait me confier l’équipe juste après avoir licencié Anigo, la veille d’un match à Bastia qu’il devait craindre particulièrement je pense.

Au départ, je ne voulais pas, il a essayé toute la nuit de me convaincre, mais je n’ai pas lâché. Pour tenter de forcer ma décision, il avait annoncé aux joueurs que j’allais accepter… Mais je n’ai pas lâché. J’imaginais trop comment ça allait pouvoir se passer. Je ne pense pas qu’il m’aurait gardé longtemps… »

c’est effectivement probable, dans l’histoire de l’OM, Bernard Tapie est le deuxième président à avoir consommé le plus d’entraîneurs (6). Face à ce constat, lors de la dernière interview qu’il nous a accordée en 2020, il avait ses arguments :

« Se séparer d’un entraîneur n’a jamais été chez moi une technique de gestion ou la conséquence d’un besoin frénétique de changement. Mais, à certains moments, ce sont les circonstances qui dictent, qui amènent un président à considérer que le message du coach ne passe plus, qu’il n’a plus la main ou que son classement n’est pas à la hauteur de la qualité de son effectif. »

Tapie : « L’éternel problème des présidents salariés »

Plus qu’ailleurs, jusqu’à l’extrême, cette logique a balisé le parcours de tous les présidents marseillais, avec un record pour l’ère louisdreyfus pour 10 changements de coachs qui, à chaque fois, fragilisaient autant le poste d’entraîneur que celui de président délégué.

« C’est l’éternel problème d’un président salarié qui n’est pas celui qui amène l’argent. J’en sais quelque chose moi qui ai été des deux côtés de la barrière » témoigne Bernard Tapie.

A l’heure des actionnaires majoritaires, être président de l’OM ne signifie plus du tout la même chose. Comme si, avec l’arrivée de Robert Louis-Dreyfus, puis de Frank MCcourt, s’était aussi éteinte l’ère des président dinosaures, ceux qui investissaient souvent leur argent, et jouaient parfois aussi leur vie avec leur club.

Car, pour au moins quatre d’entre eux, Marcel Leclerc, Jean Carrieu, Bernard Tapie et Robert Louis-Dreyfus, l’histoire s’est terminée devant les tribunaux. Parce que, longtemps, président de l’OM a été un job impossible et dangereux, un job de fada qui avait tendance à rendre fou.

Tom Boissy

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