mardi 17 septembre 2024

Paris 2024 / Pourquoi l’athlétisme français n’a pas joué le Jeux

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Jean-Marc Azzola
Jean-Marc Azzola
Journaliste

Alors que la délégation française a fait exploser le record de médailles conquises à Tokyo, les athlètes tricolores de cette discipline dans leur très grande majorité ont déçu sur les Jeux de Paris 2024. Ils n’ont pas su (ou pu) tirer profit de l’occasion d’être à domicile pour performer. Où se situe la source du problème ?

Plus les jours passaient et moins on y croyait. L’éclaircie Cyréna Samba-Mayela est finalement arrivée samedi soir. Un vrai soulagement de ne pas être fanny ! La spécialiste du 100 mètres haies a finalement décroché une très belle médaille d’argent en 12 »34, devancée d’un rien par l’Américaine Masai Russell (12 »33). C’est la première médaille française en athlétisme aux JO de Paris 2024. Ouf !

Mais aussi la troisième de l’histoire pour une Française dans la discipline après Michèle Chardonnet en bronze (1984) et le bronze de Patricia Girard (Atlanta en 1996). Alors ne boudons pas notre plaisir. En athlétisme sur ces Jeux, la frustration a le plus souvent pris le dessus sur la satisfaction. Donc cette médaille de la hurdleuse tricolore est à savourer à sa juste valeur. Mais que le bilan global reste bien maigre en athlé. A Tokyo, Kevin Mayer sur décathlon avait été le seul médaillé français (argent derrière le Canadien Warner) en athlétisme. Cette fois chez lui, lui-même n’a même pas pu défendre ses chances, trahi par son corps.

Avec l’appui d’un public incandescent, on s’attendait à beaucoup mieux

Avec l’appui d’un public incandescent, on s’attendait à ce que les Tricolores gonflent le quota de Tokyo. Il n’en a rien été. Au Japon la France avait déjà déçu. La déception est encore plus forte cette fois sur son propre sol. Pourtant un mois avant, il y avait de très bons signaux renvoyés. Lors des Championnats d’Europe à Rome, les Français et Françaises s’étaient illustrés (16 médailles dont 4 en or). De quoi donner confiance.

A l’arrivée sur ces Jeux de Paris 2024, avec une seule relique la France a fait aussi bien que…la Hongrie (l’argent de Bence Halasz au lancer du marteau), l’Inde (l’argent de Neeraj Chopra au lancer du javelot), la Lituanie (l’argent de Mykolas Alekna au lancer du disque), le Portugal (l’argent de Pedro Pichardo au triple saut). Même la… Granade a fait mieux que la France en nombre de médailles avec deux breloques de bronze (Anderson Peters au lancer du javelot et Lindon Victor au décathlon).

Quand on repense aux larmes d’une Melina Robert-Michon après son concours raté, une athlète phénoménale déjà par sa longévité et son professionnalisme, cela en dit pourtant long sur LA déception. L’amertume légitime de Thibault Collet, absent de la finale du saut à la perche a tellement tranché avec le record irrationnel établi par Armand Duplantis (6m25).

Plus de concurrence en athlétisme : la théorie de Patrick Montel

Alors certes des athlètes comme Louise Marenval (400 mètres haies), Gabriel Tual (800 mètres), la pétillante Alice Finot (3000 m steeple et record d’Europe) ont pris date. Toutefois ce bilan reste bien terne. Le contraste est d’autant plus saisissant qu’à la veille de la clôture des Jeux, la France avec 16 médailles d’or (avant la finale du basket féminin), a battu le record d’Atlanta (15).

Alors c’est quoi le problème en athlé ? : « Dans des sports où le monde entier ne participe pas, c’est plus commode. L’athlétisme par contre est un sport universel. Il y a plus de pays inscrits qu’à l’ONU. Cette discipline redessine une géographie qu’on ne voit nulle part ailleurs. On a vu une sprinteuse de Sainte-Lucie (Julien Alfred, Ndlr), un lanceur de javelot du Pakistan (Nadeem, Ndlr), un coureur de 200 mètres du Bostwana (Tebogo, Ndlr). Dans quels autres sports ces pays remportent des médailles d’or? Face à cette universalité, la France existe dans cette discipline au regard du poids qu’elle représente dans le monde. On reste un tout petit pays. On a la place qu’on mérite dans le monde. Il ne faut pas tirer sur l’athlétisme français pour autant. Il faut juste considérer que chaque médaille n’a pas le même poids. On essaie d’établir des tableaux de médailles où on place des pays les uns avec les autres, c’est une aberration » synthétise Patrick Montel.

Pour expliquer certains manquements dans le camp français, le célèbre commentateur avance aussi d’autres arguments : « Il ne faut pas tout mélanger. Il y a déjà les gens qui viennent voir de l’athlétisme. Ils veulent surtout passer un bon moment. Les politiques, eux, regardent surtout la place de la France au tableau des médailles, dans le sport qui se regarde. Tant qu’on sera au niveau du sport qui se regarde, ce sera un beau spectacle. Mais cela n’engagera pas de véritable politique sportive. Il n’y a aucune raison que cela change. Dans quatre ans, et dans huit, cela sera pareil. Il faut faire la nette distinction entre le sport qui se pratique et celui qui se regarde. Le sport qui se pratique c’est l’héritage lié au sport qui se regarde. Cet héritage est loin d’être assuré. Concernant les athlètes, ils sont évidemment là pour gagner. Néanmoins, cela remet en cause d’autres modèles et pose la question sur le pourquoi les Français ne sont pas performants en athlétisme ? Peut-être car l’athlétisme de nos jours ne correspond plus vraiment au mode de vie des Français. Si des gamins pour aller à l’école à 200 mètres de chez eux, se font emmener en voiture par leurs parents, en Ethiopie ou au Kénya les gamins font dix bornes à pied le matin et dix le soir pour se rendre à l’école.

Le système universitaire américain favorise les médailles

Pourquoi les Américains gagnent aussi autant de médailles ? Leur système universitaire est ainsi fait que la performance sportive est valorisée dans les études. Elle l’est bien moins en France. On n’est pas non plus un pays d’une profonde culture sportive dans le sens où l’école n’intègre pas le sport comme une discipline majeure, et donc que le mouvement n’est pas intégré comme un phénomène essentiel. Tout se passe aujourd’hui pour un gamin entre ses 5 et 11 ans. Si les parents ne prennent pas conscience que le mouvement est fondamental à cet âge, le gamin ne va jamais se développer avec ces qualités. Beaucoup d’entre eux de nos jours ont perdu une grande partie de leurs capacités cardio-pulmonaires et sont plutôt accrocs aux écrans. Toutes ces raisons font qu’on n’a pas le même potentiel athlétique que des pays comme le Kenya, l’Ethiopie ou les Etats-Unis. Et malheureusement les mentalités ne se changent pas en un claquement de doigts ». 

C’est à y réfléchir. L’idée n’est certainement pas de taper sur nos athlètes ou de remettre en cause leur investissement. Ils ont dû être suffisamment déçus comme cela de n’avoir su répondre à l’incroyable ferveur populaire !

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