L’entraîneur de Dunkerque Patrick Cazal et celui de Toulouse Philippe Gardent, champions du monde il y a 25 ans avec les barjots, reviennent sur cet exploit retentissant.
Comment aviez-vous traversé cette compétition lors du Mondial 1995 ?
Philippe Gardent : « On a été ballottés entre le chaud et le froid dans ce Mondial. On sortait pourtant d’un Mondial 1993 abouti (vice-champions du monde, Ndlr). Au début de la campagne de 1995, on pensait un peu qu’on avait gagné en entrant sur le terrain. Mais, en réalité, on ne jouait pas très bien en début de compétition. On s’était qualifiés in extremis. Cela devait être sur un tir danois qui avait fait poteau
sortant au lieu de poteau rentrant. On avait alors pris conscience au 2ème tour qu’on avait pris un peu la grosse tête. Il avait fallu remettre l’église au milieu du village. On s’était repris sur la 2ème phase au point de devenir irrésistibles. La consécration a suivi après la grosse peur. Personnellement, cela avait été un Mondial bizarre.
Autant en 1992/1993 j’étais sportivement une pièce majeure du dispositif. En 1995, j’étais pas mal, mais Guéric Kervadec a probablement réalisé ses meilleures prestations internationales à cette période. J’avais vécu la 2ème phase un peu en retrait sportivement, mais je restais très impliqué en dehors des terrains ».
Patrick Cazal : « A l’époque, j’étais un jeune joueur. C’était la découverte de ce niveau. Du fait de la blessure d’un titulaire, j’avais été appelé. C’était le premier Mondial pour moi. Il y a eu plein de bonheur et de joie avec la réussite, mais j’étais un peu resté sur ma fin car j’avais peu participé ».
Patrick Cazal : « cette équipe était imprévisible »
Dirigée par Daniel Costantini, qu’est-ce qui faisait la force de cette équipe de France ?
P.G. : « Sa grande force a été sa capacité à se remettre en question. Et très vite. Nous n’étions pas sur le bon chemin. On a su rectifier le tir en une journée. On s’était réunis entre joueurs pour se dire les choses. Cela avait été bénéfique ».
P.C. : « Cette équipe était composée de joueurs avec un très gros caractère et plein d’orgueil. C’est quand ce groupe a été le plus touché qu’il on savait se remettre en cause très vite. Le point faible de la sélection était qu’elle était imprévisible. On ne savait pas quel visage on pouvait montrer d’une journée à l’autre ».
P.C. : « Ce qui faisait le lien de ce groupe était le partage total entre tous. C’était aussi son tendon d’Achille. A partir du moment où il peut y avoir des non-dits, des incompréhensions, cela peut créer des troubles comme dans une famille très soudée. Dès qu’il y a le moindre problème, cela prend des proportions importantes ».
Philippe Gardent : « le foot, le volley et d’autres sports ont pris souvent l’exemple des handballeurs »
Jackson avait fini meilleur joueur du tournoi.
P.G. : « Oui et curieusement il n’avait fait pratiquement que de la défense. Mais cette distinction était plus pour l’ensemble de son œuvre de 1992 à 1995. Ce titre personnel avait aussi été un autre moyen de récompenser l’équipe de France. C’était mérité pour lui ».
P.C. : « Il avait surtout surpris par sa qualité défensive. Il obligeait les équipes adverses à s’améliorer offensivement. Il avait une magnifique qualité d’anticipation ».
Quelle place occupe ce titre mondial de 1995 au niveau du sport français ?
P.G. : « Le foot, le volley et d’autres sports ont pris souvent l’exemple des handballeurs pour essayer de décomplexer tout le sport collectif français. On avait démontré que c’était possible de gagner des titres en sports co ».
P.C. : « Ce titre a été à l’image de notre Mondial. Il a failli y avoir une scission totale. Mais, à l’ultime moment, on a été capables de former une vraie famille et offrir au sport français son premier titre de champion du monde ».
Premier titre mondial pour le hand Français
L’équipe de France a remporté six fois le Mondial (1995, 2001, 2009, 2011, 2015, 2017). Le 21 mai 1995, en Islande, les Bleus touchent le Graal en battant en finale la coriace et talentueuse Croatie (23-19) :
« Cela a été le premier titre mondial du hand. Il garde la place de n°1 dans le sens où la première fois est toujours inoubliable. Il y en a eu plein d’autres après. Cela reste une date primordiale. Ce titre est aussi le premier grand sacre du sport collectif français. Cela a marqué les esprits. Et puis cette équipe était atypique. Il y avait quelques phénomènes. On sortait du lot. Les Barjots n’étaient absolument pas lisses. D’où notre imprévisibilité » souligne Philippe Gardent.
Pour Patrick Cazal, ce titre a aussi réveillé les consciences : « Ce titre a donné beaucoup de confiance au hand français. On a vu qu’en travaillant on en était capables. Ce sacre a donné des envies aussi. On s’est dit, nous aussi petits Français, on est capables de… Cela a changé l’état d’esprit des entraîneurs, des joueurs. Cela a permis à notre discipline de se professionnaliser et de grandir. On avait enclenché la première vitesse de ce monde pro ».
Trois ans plus tard, la bande à Zidane devenait à son tour championne du monde…