Ce n’est pas son palmarès, vierge, qui a poussé les dirigeants parisiens à faire confiance à Mauricio Pochettino. Davantage son profil de technicien, ses méthodes de management, sa philosophie de jeu et sa connaissance du club. L’ensemble doit offrir une vraie identité de jeu au PSG. Enfin.
En 1991, au cours d’un premier entretien auquel participait aussi Jean-Pierre Bernès, Raymond Goethals avait eu ces mots pour convaincre Bernard Tapie de le choisir, lui, plutôt que Tomislav Ivic. L’autre candidat au poste d’entraîneur de l’OM : « Je ne vais pas vous dire qu’avec moi vous allez gagner la coupe d’Europe. Par contre, moi, j’en ai déjà gagné une ! »
C’est donc en grande partie parce que le Belge l’avait déjà fait que le président marseillais l’avait recruté. Sans le regretter puisque, deux ans après, Deschamps soulevait la coupe aux grandes oreilles. Après avoir souscrit à cette thèse avec Ancelotti, qui avait gagné deux C1 avant son passage à Paris, les dirigeants parisiens ont ensuite largement considéré qu’elle était loin d’être une science exacte.
Néanmoins, c’est notamment parce qu’ils avaient fait gagner Bordeaux (Ligue 1), le FC Séville (Ligue Europa) et le Borussia Dortmund (Coupe d’Allemagne) que Blanc, Emery et Tuchel avaient été sélectionnés… sans parvenir à imiter « Raymond la science ». Qu’en a-t-il été pour Mauricio Pochettino, un technicien passé par l’Espanyol Barcelone (2009-2012), Southampton (20132014), Tottenham (2014-2019) et qui arrive sans jamais rien avoir gagné… sinon le respect de tous ceux qui l’ont vu à l’oeuvre en Espagne et en Angleterre.
« À Southampton comme à Tottenham, il a amené ces deux clubs à un grand niveau »
« A Southampton comme à Tottenham, il a amené ces deux clubs à des niveaux qu’ils n’avaient jamais atteint, insiste Simon Kuper, écrivain et journaliste anglais spécialisé dans le football. Les Saints luttaient pour garder leur place en Premier League avant son arrivée, et, en une saison, il en a fait une équipe de haut de tableau. La progression a été encore plus spectaculaire avec les Spurs qui étaient une équipe de milieu de tableau et qui est devenue une des meilleures d’Europe (finaliste de la Ligue des Champions en 2019, Ndlr). »
Jusqu’à présent donc, en Liga et en Premier League, partout où il est passé, il a performé, même à l’Espanyol Barcelone, en s’imposant notamment au Camp Nou pour la première fois depuis 27 ans dans le derby barcelonais et en suscitant cette déclaration du président de l’Espanyol, Joan Collet : « Mauricio a la même importance à l’Espanyol que Cruyff ou Guardiola au Barça. »
Plus que des titres et des victoires, c’est sa capacité à construire un vrai projet de jeu qui a séduit Leonardo alors que Tuchel était pourtant, dans toute l’histoire du PSG, le coach qui avait le plus gros pourcentage de victoires (75,6%). Le seul à avoir atteint une finale de Ligue des Champions.
Pochettino, le Pep Guardiola du PSG ?
« Le club attend de lui qu’il offre une vraie identité de jeu au PSG, souligne Eric Rabesandratana, l’ancien capitaine parisien, parce qu’il n’y en a pas eue avec Tuchel. Son objectif est là : parvenir à construire un gros collectif, tout en y intégrant les deux stars que sont Mbappé et Neymar et au delà toutes les individualités qui existent, ou qui peuvent arriver un jour, dans l’effectif. » Donner la priorité au groupe pour que les individualités s’expriment encore mieux et lui permettent d’être plus efficace.
Echaudé par les états d’âme ou les blessures de Neymar, inquiet pour l’avenir de Mbappé, forcément préoccupé par les difficultés financières qui ne manqueront pas d’impacter aussi sa capacité à recruter, le directeur sportif, suivi par le président, rêve d’une équipe solide et régulière, sûre de son football, dont les performances ne seraient pas aussi dépendantes de la forme de ses stars.
Bref, Leonardo demande à Pochettino de donner un vrai fond de jeu au PSG. « C’est ce qui manque au PSG de QSI, nous dit Vahid Halilhodzic, cette reconnaissance à travers le jeu pratiqué comme peuvent l’avoir dans la durée le Barça, Manchester City ou le Bayern. » Et à défaut, ou en attendant, de pouvoir attirer Guardiola, le dénominateur commun à ces trois clubs, le défi de « Poche » est de faire du « Pep » à sa manière.
Neymar, Mbappé, Verratti… Pochettino ou le pragmatisme d’une gestion portée sur le collectif
Le premier vrai test a été concluant, au Barça. « Sans s’enflammer, cette victoire au Camp Nou est très encourageante, note Rabesandratana. Plus que le 4-0 de 2017 au Parc, c’est un match référence parce qu’il a été plus maîtrisé dans le fond et dans la forme. Jusqu’à présent, le PSG renvoyait l’image d’une équipe fébrile, énervée… cette fois ce 4-1 a été acquis dans un état d’esprit empreint d’une grande sérénité. »
Comme si Pochettino avait transmis son assurance, son calme apparent à ses joueurs, là où Emery ou Tuchel véhiculaient plus de stress et d’angoisse. « En 2017, le 4-0 du Parc, un peu à l’image de toutes les grandes victoires du PSG, s’était construit sur une énorme production offensive avant tout, avec des actions individuelles de très haut niveau qui suffisaient à compenser un collectif moins abouti. Cette fois, se félicite Rabe, j’ai ressenti plus de maîtrise et de sécurité dans le jeu, dans tous les domaines, même défensivement. »
Fondre Neymar and co encore plus dans le collectif parisien
Dans sa quête de fond de jeu, la performance du Camp Nou est évidemment un premier test encourageant, mais pas encore suffisant pour valider ce changement de coach en cours de saison. Le retour sur terre face à Monaco en championnat quelques jours après a montré que Poche avait encore pas mal de boulot pour ancrer ses grands principes, de jeu et de comportement.
« Sa plus grande difficulté, comme pour ceux qui l’ont précédé, sera de parvenir à amener tout le monde vers le même objectif commun alors qu’aujourd’hui dans le foot moderne on ne parle que d’intérêts individuels. Certains joueurs veulent gagner la L1 avant tout, d’autres n’ont que la Ligue des Champions en tête, d’autres pensent à leur prolongation, ou à leur départ… »
Avant de rêver à un style de jeu à la parisienne, comme on pouvait parler d’un jeu à la nantaise ou d’un jeu à l’espagnole, peut-être faudra-t-il passer par une révolution dans les mentalités.
Celle de joueurs qui ont depuis longtemps pris le pouvoir à Paris au détriment d’entraîneurs qui ne font que passer. Pochettino est le cinquième de l’ère QSI à tenter de renverser la table pour faire ce que ni Blanc, ni Emery, ni Tuchel, à des degrés différents, n’ont réussi : imposer une méthode qui a fait ses preuves ailleurs.
L’imposer aux joueurs, mais aussi aux dirigeants. On s’éloigne peutêtre du jeu, mais lorsqu’on a un Neymar, un Mbappé, un Verratti ou un Di Maria dans son équipe, le but est moins de leur apprendre à jouer au football que de se mettre au service d’un club ou d’une équipe. Le jour où il y sera parvenu, il ne sera plus très loin de soulever la Ligue des Champions.
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