Parce qu’il n’a pas seulement gagné Milan-San Remo, Paris-Roubaix ou été double champion du monde sur route et de cyclo-cross, mais aussi révélé une nouvelle facette de lui lors du Tour de France, le Batave de chez Alpecin-Deceuninck a certainement réalisé la meilleure saison de sa carrière.
Intouchable dans le Poggio, même pour Pogacar et Van Aert, intraitable dans le Carrefour de l’Arbre face aux mêmes protagonistes, pareillement dominés à Glasgow pour les championnats du monde, Mathieu Van der Poel a incontestablement franchi un palier cette année.
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Après l’Amstel Gold Race en 2019, le Tour des Flandres en 2020, les Strade Bianche et une étape du Tour en 2021, le Tour de Flandres (bis) et une étape du Giro en 2022… c’est en 2023 que le petit-fils de Poulidor a le plus impressionné.
« Il a montré qu’il était un coureur complet, capable de s’exprimer sur tous les terrains, en leader sur les Classiques pour gagner deux Monuments et surtout en coéquipier extraordinaire sur le Tour de France », note l’ancien coureur de la FDJ, Yoann Offredo. On le connaissait offensif, parfois trop, spectaculaire en diable, on a découvert un compétiteur plus froid et réaliste, capable de tirer les leçons de ses rares échecs passés.
Surtout, « il nous a montré qu’il était aussi capable de se mettre au service d’une équipe, poursuit le consultant de France Télévisions. C’est grâce à son travail que Philipsen s’est retrouvé en si bonne position pour gagner quatre étapes et le maillot vert. Cette capacité à faire taire son ego, à s’adapter aux objectifs du collectif le rend encore plus exceptionnel à mes yeux, lui donne une dimension encore supérieure, celle d’un vrai champion. Car le cyclisme n’est pas qu’un sport individuel, il est aussi collectif. A côté de ça, après le Tour, il a su se remobiliser pour aller chercher le maillot arc-en-ciel. Chapeau ! »
« Il aurait plus à perdre qu’à gagner à essayer de viser les classements généraux des grands tours »
Dans son registre, cette année, seul Pogacar (vainqueur de Paris-Nice, du Tour des Flandres, de l’Amstel Gold Race, de la Flèche Wallonne et du Tour de Lombardie, 2ème du Tour et 3ème des Mondiaux) a fait mieux, présent du début à la fin de la saison et encore bien supérieur dans sa capacité à reproduire les efforts sur trois semaines. VDP peut-il espérer s’en rapprocher ? Pour ça, pour viser aussi les classements généraux des grands Tours, il faudrait qu’il progresse en montagne et en contre-la-montre.
« Autant il a tout ce qu’il faut pour s’améliorer sur les chronos qui s’apparentent à un effort comparable à ce qu’il réalise sur les cyclo-cross, poursuit Offredo, autant en montagne il a, selon moi, plus à perdre qu’à gagner. Car, en perdant du poids, il perdrait aussi en puissance. » Son intérêt est donc davantage de continuer à investir sur ses points forts qu’à essayer de travailler ses points faibles.
« Nous n’avons clairement pas envie de le voir rentrer dans le rang, conclue Offredo, car il symbolise le cyclisme débridé qu’on aime. S’il se mettait à viser les classements généraux, il ne serait plus dans ce registre spectaculaire qui fait aussi sa force. »
Car à 28 ans, s’il est déjà trop tard pour partir à la conquête d’un grand Tour, il est plus que jamais dans les temps pour continuer à écrire une légende qui ne va pas sans son alter ego belge, Wout Van Aert. « Cette année, Mathieu a clairement pris l’ascendant mais connaissant Wout, on peut être certain qu’en 2024, il voudra prendre sa revanche. » On a déjà hâte d’y être.