vendredi 1 décembre 2023

Quand Miguel Martinez parle de son fils, Lenny : « On était des prototypes, il est le produit fini ! »

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Frédéric Denat
Frédéric Denat
Journaliste

Champion de France, d’Europe, du monde et champion olympique de VTT, Miguel Martinez (47 ans) nous parle de son fils, Lenny (20 ans), la nouvelle pépite du cyclisme hexagonal, petit-fils de Mariano (75 ans), vainqueur de deux étapes sur le Tour et du grand prix de la montagne en 1978. Bon sang ne saurait mentir.

Son premier départ, sa première victoire : « ce jour-là, j’ai compris »

« Il n’avait que 14 ans quand il nous a tous surpris en gagnant la première course à laquelle il participait. Toute la famille était là, son grand-père (Mariano) compris, et personne ne s’attendait à ce qu’il gagne. Il est passé avec une dizaine d’autres au sommet et a attaqué dans la foulée car il savait qu’il n’était pas le plus fort au sprint.

Son grand-père lui avait pourtant dit de se faire oublier… et au final il a gagné avec une dizaine de minutes d’avance sur les autres. Une fois la ligne d’arrivée passée, il a jeté le vélo et s’est allongé à côté dans l’herbe. A ce moment-là, j’ai senti monter chez lui une énorme émotion, celle d’avoir gagné.

J’ai compris ce jour-là qu’il avait un mental au-dessus de la moyenne et que cette course avait été l’occasion de se découvrir, de se révéler à lui-même. Il m’avait impressionné car il avait pris ses responsabilités. Alors qu’il se cherchait un peu en faisant de la course à pied, de la montagne, il avait trouvé ce qui le faisait le plus vibrer. Très proche de ses grands-parents, il vivait encore chez sa mère dans le sud de la France. Après cette course, il m’a rejoint dans la Nièvre. »

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Leurs enfants après eux : « On était des prototypes, il est le produit fini ! »

« Si on devait nous trouver un point commun à tous les trois, le grand-père, le père et le fils, je dirais la détermination pour aller chercher un objectif, de ne jamais rien lâcher avant de l’atteindre. Je n’étais pas le plus fort, je manquais de puissance, mais j’avais une telle envie de gagner que je n’ai cessé de repousser mes limites. Lenny est aussi méticuleux que je pouvais l’être, mais il n’a pas mon caractère, il est plus cash, il exprime davantage ce qu’il ressent quand nous étions plus taiseux. »

Il n’a pas peur non plus d’assumer ses ambitions et de tout mettre en œuvre derrière pour les assouvir. Avant de s’imposer en haut du Ventoux (CIC Mont Ventoux) en juin, il nous l’avait dit : « J’y vais pour gagner, j’en ai marre de faire deuxième ! » Il est de son temps, d’une génération qui a une approche décomplexée de son sport, qui s’entraîne différemment et qui fait preuve d’un grand professionnalisme. »

Sinon, au petit jeu des comparaisons, j’étais le moins doué et le moins fort des trois, à part en VTT bien sûr. Sur la route, mon père a eu des résultats extraordinaires, il avait la classe, mais dans un registre plus individualiste quand le collectif est plus dans l’adn de Lenny. Dans un groupe, c’est un aimant qui cultive son leadership naturel. Avec son grand-père, nous étions des prototypes, il est le produit fini. »

Son avenir : « Il a envie de réussir rapidement. Peut-être trop vite… »

« Déterminé et loyal, peut-être est-il trop impatient. Il a envie de réussir rapidement. Trop vite ? Je ne sais pas… Chez les Martinez, on ne se brûle pas les ailes ! Cela peut lui jouer des tours comme au dernier Baby Giro où il est parti trop vite et trop tôt, seul, à 60 km de l’arrivée. Il s’est fait rejoindre et a perdu le Giro à cause de cette fougue mal maîtrisée. 5

« J’étais un peu pareil (rires) ! Il en a tiré les leçons et quand il a débuté son premier grand Tour, la Vuelta, il savait qu’il ne fallait pas qu’il s’amuse à ça. Il m’a dit : « Je l’ai fait pour aller chercher le maillot rouge, mais je ne le ferai pas tous les jours. » Des trois Martinez, Lenny Martinez a été deux jours leader de la Vuelta. il est de loin celui qui a le plus de potentiel pour espérer, peut-être un jour, gagner le Tour. Mais, sur route, ce sport est devenu tellement difficile, la concurrence est telle qu’on ne peut rien prévoir. »

« Dans la famille, nous avons une bonne carcasse ! »

« Il n’est pas très grand, va encore grandir et s’améliorer sur les contre-la-montre où il n’est pas maladroit non plus, j’espère qu’il pourra viser mieux que le classement de la montagne. Physiquement, il n’est pas encore à son top par rapport à des profils comme Grégoire qui ont déjà un physique d’adulte. Lenny est en cours de formation et sa marge de progression est plus grande. S’il est dans notre lignée, il va durer car son grand-père a couru jusqu’à ses 50 ans et je suis encore sur un vélo à 47 ans. Nous avons une bonne carcasse (rires). »

Son frère, sa mère, son père : « Il a le sens de la famille »

« Après sa première saison chez les pros, il m’a dit : « Je ne sais pas si j’arriverai à faire aussi bien la saison prochaine… » Ces doutes sont normaux pour un coureur aussi jeune, et ils le poussent à apprécier à sa juste valeur ce qu’il a déjà réalisé. « Rien que ça, je prends ! »

Il a raison, qu’il en profite mais, pour être bien dans sa peau, il se nourrit forcément de résultats. Pour bénéficier d’une météo plus clémente et s’entraîner plus facilement, il est retourné dans le Sud chez sa mère, mais il ne se passe pas un jour sans qu’on s’appelle ou qu’on s’envoie des textos. Il a encore besoin de ce contact, du lien familial qu’il entretient.

Il est le premier supporteur de son petit frère, Andrea (18 ans) qui a récemment gagné une épreuve de GravelMan, une course de 500 km, au bout de 27h d’effort. Lenny l’a accompagné toute la nuit. J’adore les voir tous les deux, entre frères. Car il a aussi le sens de la famille. »

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