samedi 9 novembre 2024

« Trop de coureurs oublient qu’on fait vivre le cyclisme »

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Frédéric Denat
Frédéric Denat
Journaliste

Plus indispensables que jamais pour entretenir un patrimoine qui ne se résume évidemment pas aux seules grandes épreuves World Tour, les organisateurs de courses ont d’abord en commun un amour parfois immodéré du vélo.

Ils sont bénévoles, ont en moyenne 60 ans, sont des hommes en poste depuis une quinzaine d’années, ne sont pas d’anciens coureurs, sont tous confrontés aux mêmes difficultés d’ordre budgétaire ou sécuritaire et commencent à envisager sérieusement de passer la main… sans savoir exactement la date, faute de postulant !

Après avoir sondé une quinzaine d’organisateurs de courses françaises (voir tableau ci-joint), il n’est pas caricatural de les présenter ainsi. Même s’il y a forcément des exceptions qui confirment la règle. A la tête du Grand Prix d’Isbergues depuis 2013, Jean-Claude Willems sait déjà qu’il n’ira pas au-delà de 2025. Claudine Allègre-Fangilles (Etoile de Bessèges) et Lucie Hiegel (CIC Mont Ventoux) sont les deux seules femmes du contingent. Le Tour du Var et des Alpes Maritimes n’est pas dirigé par un bénévole, mais par le directeur événementiel du groupe Nice-Matin, Frédéric Maistre.

A 35 ans, du côté de Paris-Chauny, malgré la réforme qui se profile, Patrick Goronflot est encore loin d’être à la retraite. Enfin, Jean-Paul Mellouet, créateur et président du Tro Bro Léon, David Bauwens (La Martial Gayant), ou Jean-Yves Tranvaux (Bretagne Classic) et Jean-Claude Willems, sont d’anciens coureurs de 4ème et 1ère catégorie. Voilà pour tout ce qui les sépare.

Le cyclisme a besoin de ses bénévoles

Pour le reste, tous membres du ROCC (Rassemblement des organisateurs de courses cyclistes amateurs) dirigé par Alain Baniel, ou de son pendant professionnel, présidé par Thierry Gouvenou (ASO), ils constituent le socle sur lequel repose l’organisation du cyclisme français.

A ce titre, ils vivent la même réalité, obligés de s’adapter en permanence, obligés donc de présenter certaines spécificités (qualités) sans lesquelles ils ne pourraient pas assumer leur rôle. « Un bon organisateur doit être, selon moi, bénévole pour la passion, salarié pour le professionnalisme, chef d’entreprise pour l’entregent et retraité pour la disponibilité » nous dit le très polyvalent Dominique Serrano (Grand Prix de Denain).

« Un organisateur est avant tout un chef d’entreprise » poursuit David Bauwens. « Il est plus facile d’assumer la fonction quand vous venez du milieu et que vous êtes un jeune retraité » complète Eric Marchyllie (4 Jours de Dunkerque) qui a embauché Virenque, Seigneur, Mengin, Dessel, Goubert ou Durand dans sa première vie de responsable sponsoring du groupe Carrefour, lors des 14 Tours de France qu’il a couverts.

Forcément ça aide, mais ça ne suffit pas pour faire face aux nombreuses difficultés liées notamment « au tracé des parcours sur des routes où l’urbanisation est grandissante, avec du mobilier urbain (peu adapté aux vélos) de plus en plus présent et des charges d’organisation qui ne cessent de croitre » synthétise Frédéric Maistre, vite relayé par Alain Gouill (Boucles de l’Aulme) qui gère un budget de 120 000 euros en faisant le tour des collectivités « qui me connaissent maintenant comme le loup blanc (rires) ! »

« En l’absence de billetterie, nous sommes en permanence en recherche de fonds, embraye Bernard Machefer (La Roue Tourangelle), pour assumer les coûts prohibitifs des forces de l’ordre en augmentation de 10 à 30% chaque année, pour atteindre 19 000 euros en 2022, soit un montant supérieur aux prix des coureurs Classe 1 ! »

« Trop de coureurs oublient qu’on fait vivre le cyclisme »

Fédérer, gérer, commercialiser et séduire pour avoir le meilleur plateau possible… et recommencer l’année d’après. « On prenait une semaine sur nos congés pour aller sur le Tour de France essayer de persuader des coureurs de venir, se souvient Alain Gouil (qui a débuté comme commissaire de course en 1986). Juste après les Mondiaux, le challenge était de ramener le champion du monde en titre. J’avais négocié avec Armstrong dans sa chambre d’hôtel, il voulait savoir combien on pouvait lui donner. On avait aussi ramené Luc Leblanc en avion depuis Agrigente pour être sûr de l’avoir avec nous (rires) ! »

Tout ça pour avoir la satisfaction de faire vivre son territoire, de perpétuer un héritage tout en assumant sa passion. Nos organisateurs sont des passeurs d’émotion au grand cœur qui ne comptent pas leurs heures et n’attendent pas forcément de reconnaissance de la part de trop de coureurs « qui ont tendance à oublier qu’on fait vivre le cyclisme, qu’on paye la course, les prix, les déplacements et les hébergements, qu’on assure leur visibilité médiatique. »

A l’instar de Bernard Machefer, en poste depuis 22 ans qui envisage de passer la main d’ici 2025… de guerre lasse, c’est peut-être pour ça que beaucoup d’entre eux s’usent. Pour entretenir la flamme, ils se souviennent des belles choses, « la présence de Jacques Anquetil sur le Tro Bro Léon en 1987 », sont fiers « d’avoir créé une épreuve atypique en introduisant des Ribinou (chemins de terre) sur le circuit ! » ou, comme JeanYves Tranvaux, se projettent résolument vers le futur en « espérant accueillir les Championnats d’Europe en 2025 »

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